La révolution verte

Chaque année, Millésime Biopropose un bar de dégustation qui met en évidence les vins récompensés par une médaille. © BELGAIMAGE

A l’heure des marches pour le climat, boire bio est très tendance. Mais la belle expansion du vin bio et de la biodynamie ces dernières années est tout sauf une mode. Elle est portée aujourd’hui par des vignerons responsables et tournés vers la qualité. Ce qui n’était pas forcément le cas avant avec ces fameuses odeurs d’écurie ou de chien mouillé. A la sortie de l’hiver, voici notre sélection de quelques remarquables cuvées bios disponibles chez nous.

Ala fin janvier, s’est déroulé à Montpellier le mondial du vin biologique et en biodynamie appelé Millésime Bio. Réservé aux professionnels, il a accueilli pendant trois jours près de 1.200 vignerons exposants. Une manifestation qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Au point que les organisateurs ont instauré un numerus clausus pour garantir la qualité de l’événement. A Millésime Bio, pas de stand tape-à-l’oeil ou d’armada de commerciaux. Chaque domaine a droit à une table, une nappe blanche et des chaises. C’est tout. Seul le vin compte et rien que le vin. Toutes les régions sont mélangées, histoire que personne ne soit avantagé. A l’arrivée, trois jours intenses dont nous avons tiré la majeure partie de cette sélection.

Une belle partition en Castillon
Une belle partition en Castillon© PG

Une belle partition en Castillon

La famille Valette est active dans le monde du vin depuis quatre générations. Avec au départ, Alexandre Valette, un négociant en vin de Saint-Ouen qui devint propriétaire du Château Pavie et du Château Troplong-Mondot, deux grands crus classés de Saint-Emilion. Thierry Valette fait partie de la branche qui s’est occupée de Pavie. Suite à la vente du château à la famille Perse à la fin des années 1990, il est venu s’installer à Belvès au Clos Puy Arnaud. Un domaine de 13 hectares dans l’appellation Castillon-Côtes de Bordeaux que Thierry, grand jazzman devant l’éternel (il a sorti trois albums sur lequel il joue du saxo et chante), mène aujourd’hui en biodynamie. ” En Castillon, je suis à l’abri de la folie qui s’est emparée de Saint-Emilion, sourit-il. Mais le terroir est très proche. La région produit des vins magnifiques dont la cote ne va faire que monter. ” De fait, les amateurs feraient bien de s’intéresser de près à ces castillons. En attendant sa cuvée sans soufre que nous avons dégustée en primeur et qui est une pure merveille, Thierry Valette propose quatre vins. Bistrot et Pervenche font la part belle aux fruits rouges et au croquant. Des vins de copains à l’extrême buvabilité. Les Ormeaux gagne en structure et en finesse. Cette cuvée préfigure le grand vin appelé simplement Clos Puy Arnaud. Les raisins proviennent en intégralité du plateau calcaire et produisent un vin subtil, élégant, soyeux et vibrant. Une très belle partition disponible partiellement (il ne manque que les Ormeaux) chez Rob (rob-brussels.be – Tél. 02 771 20 60) à des prix variant entre 15,95 et 35,60 euros.

Des gendres idéaux
Des gendres idéaux© PG

Des gendres idéaux

C’est en 1925 que la famille de Conti s’installe dans le Sud-Ouest. Il faudra attendre la troisième génération pour voir renaître le vignoble des Gendres totalement détruit par le phylloxéra au 19e siècle. Luc de Conti a commencé petit pour aujourd’hui conduire 52 hectares en bio. La Tour des Gendres est désormais une référence dans le Sud-Ouest avec un engagement fort pour le respect de la terre et de la biodiversité. Il semblait donc logique qu’elle lance deux cuvées sans soufre ajouté. ” Les étiquettes, très modernes, ont été dessinées par Emilie Blouin, ma belle-soeur, raconte Guillaume de Conti. Nous avons imaginé un Pétillant Naturel élaboré par méthode ancestrale (le vin est mis en bouteille alors que la fermentation alcoolique n’est pas terminée, Ndlr). Ainsi qu’un hommage à mon grand-père Albert, décédé l’hiver dernier. Les raisins sont issus d’une vieille parcelle qu’il avait plantée en 1963. Il était fier de se voir caricaturé sur l’étiquette. ” Cette Vigne d’Albert est notamment composée de cépages extrêmement rares comme le fer ou la mérille. C’est un magnifique ” glouglou ” de potes tout en fruits. Et impossible de passer sous silence Anthologia, un 100% sauvignon de très haute tenue que la famille n’a réalisé que huit fois en 30 ans. Ainsi que les classiques de la maison : la Cuvée des Conti (bergerac blanc) et la Gloire de Mon Père (bergerac rouge). Bref, des gendres bien idéaux que l’on peut découvrir à la Maison des Vins Fins à Mons (maisondesvinsfins.be – Tél. 065 35 16 66) à des prix qui varient entre 10 et 38 euros.

Des gendres idéaux
Des gendres idéaux© PG

Bien sûr qu’on va rester !

A Jonquières dans le magnifique terroir des Terrasses du Larzac, Jullien est un patronyme qui force le respect. Olivier, le fils, est le fondateur du Mas Jullien dont les vins font autorité. Jean-Pierre, le père, avait crée le Mas Cal Demoura. Que l’on peut traduire par ” il faut rester ” en occitan, rappel d’une période où les vignerons du Languedoc abandonnaient leurs terres. A sa retraite en 2003, il confie son domaine à un jeune couple, Isabelle et Vincent Goumard, tous deux diplômés de l’école d’oenologie de Dijon. Aucun doute, le domaine est dans d’excellentes mains. ” Nous avons toujours souhaité suivre sa trace, raconte Vincent. A savoir, produire des grands vins dans ce terroir si particulier qui permet fraîcheur, complexité et profondeur. Nous avons converti le domaine en bio et nous accompagnons la vigne de façon respectueuse pour qu’elle révèle le meilleur de cette magnifique région. ” Le Mas Cal Demoura flirte avec les sommets languedociens. Terre de Jonquières 2016 (anciennement l’Infidèle), sa cuvée emblématique avec les cinq cépages rouges de l’appellation, est un grand rouge du sud sans les défauts de la surmaturité. Les Combariolles 2016, cuvée issue d’un terroir très calcaire dont une partie a été rachetée au Mas Jullien, est un cran au-dessus. C’est racé, élégant, une ode aux fruits noirs et à la garrigue. Un must. Ces deux vins sont disponibles chez Melchior Vins à Mons (melchior-vins.be – Tél. 065 84 26 32) pour respectivement 18,50 et 26 euros.

Bien sûr qu'on va rester !
Bien sûr qu’on va rester !© PG

Et au milieu, sourit la Rivière…

On ne quitte pas ce beau Larzac pour rejoindre le causse de Montpeyroux et une vigneronne pas comme les autres. Tour à tour prof, écrivaine et journaliste, Pascale Rivière s’y est installée il y a 18 ans. Derrière un sourire enjôleur se cache une vigneronne de talent qui a fédéré ses copines d’Occitanie dans l’association Vinifilles. On y retrouve notamment Marie Chauffray de la Réserve d’O (dont on vous vantait les mérites il y a peu). A La Jasse Castel, Pascale Rivière produit des vins 100 % plaisir. C’est bien simple, tout ce que nous avons goûté est épatant : l’Egrisée en blanc, la Pimpanela (cette pivoine – en occitan – est un rouge explosif aux notes épicées), le Bleu Velours (un rouge minéral et élégant) et Les Combariolles, une cuvée gourmande et puissante aux notes de chocolat, d’oranges et d’épices. Pour dé-couvrir les vins de Pascale, un peu de patience s’impose. Ils vont arriver sous peu chez Mouchart à Ixelles (www. mouchart.be – Tél. 02 648 51 34).

Et au milieu, sourit la Rivière...
Et au milieu, sourit la Rivière…© PG

Oh les filles !

Au coeur de la petite Camargue, le domaine de l’Enclos de la Croix vit en symbiose avec la nature. Les moutons paissent l’hiver entre les rangs de vigne et le labour est mené par un cheval de trait. Le domaine a pris un virage stratégique dans les années 1980. ” Mon père a décidé de privilégier la qualité à la quantité, raconte Agathe Frézouls. Histoire de faire mentir l’adage selon lequel le Languedoc faisait ‘pisser la vigne’. Il a arraché les vieux plants et a cherché à planter des raisins à petits grains et peaux épaisses. Il est parti sur les cépages bordelais mais aussi du riesling et du petit manseng. ” A l’arrivée, François Frézouls nous sort des vins qui sortent de l’ordinaire. Comme le Blanc des Filles ou les Galinettes de l’Enclos en blanc. Deux blancs de noir, c’est-à-dire des blancs obtenus à partir de cépages typiques de vin rouge. Le merlot pour l’un, le cabernet sauvignon pour l’autre. C’est surprenant, frais et complexe à la fois ! Typiquement des vins pour épater vos copains. Ils sont disponibles chez Stéphanie Vial (couleurvin.be – Tél. 067 33 95 71). Le magasin de Braine-le-Comte propose aussi la gamme de vins du domaine Agarrus. Alsacien, Serge Scherrer a été muté par les PTT dans le sud. Il a été facteur à Uzès pendant de nombreuses années avant de se lancer dans la viticulture. La bonne idée ! Tout est bon (Vigne du Facteur, Affranchi, Insoumis, etc.).

Oh les filles !
Oh les filles !© PG

80 ans de l’appellation Gaillac

L’appellation Gaillac (au nord de Toulouse) a fêté l’an dernier son 80e anniversaire. L’occasion de réunir à Paris quelques-uns des jeunes vignerons qui traduisent le beau renouveau de l’appellation. Un renouveau qui s’accompagne d’un renforcement des cépages autochtones dans les assemblages. Des cépages aux noms poétiques qu’on n’a pas souvent l’occasion de déguster : loin de l’oeil (un blanc à maturation précoce qui fournit des vins très parfumés et peu acides), braucol (appelé aussi fer servadou) ou encore prunelart (le ” père ” du malbec). Les blancs proposés nous ont épatés. Avec un coup de coeur absolu pour Les Jours du Domaine de la Petite Tuile. Autrefois destinées au négoce, les vignes ont été reprises depuis deux ans et demi par Clémence, la fille de la famille, qui produit désormais ses propres cuvées avec son mari Clément et en conversion bio. En 100 % loin de l’oeil, Les Jours est juste magnifique, finement boisé et avec des notes de fleurs blanches et de fruits à chair blanche. Il est disponible en Belgique chez Vins Lacroix à Saint-Georges-sur-Meuse (vins-lacroix.com – Tél. 04 275 20 18) à 14,90 euros. Du côté des rouges, si le Château Lastours (pas en bio) reste une valeur sûre à découvrir à la Maison Pirard (vinspirard.be – Tél. 067 77 31 01), le Domaine Peyres Roses en biodynamie nous a enchanté avec ses cuvées tout en finesse et équilibre. Charles Bonnafont fait partie de la dizaine de vignerons fondateurs de Terres de Gaillac. Une association qui prône le qualitatif et le respect de la terre.

Oh les filles !
Oh les filles !© PG

Et dans la grande distribution ?

Avec les beaux jours reviennent aussi les foires des vins de de la grande distribution. Là aussi, le bio a le vent en poupe. Colruyt annonce une hausse des ventes de 13 % en 2018. Chez Delhaize, la hausse est assez comparable (10 %). Du 21 février au 20 mars, l’enseigne au lion déballe la suite de ses ” Vinolution Travels “, la mise en avant d’histoires atypiques de vignerons du monde entier. Côté bio, le maître-achat de cette foire est sans conteste le Château Doyac 2015 (8,79 euros). Un haut-médoc qui devrait décrocher son label en biodynamie dans les prochains mois. Propriétés de Max et Agnès de Poutalès, les vins du domaine sont suivis par Eric Boissenot, le consultant de Mouton et de Lafite Rothschild, mais aussi par leur fille Clémence, oenologue depuis peu. A l’arrivée, beaucoup de fruits et d’élégance dans cette bouteille.

80 ans de l'appellation Gaillac
80 ans de l’appellation Gaillac© PG

Chez Cora, la foire des vins se déroulera du 5 au 31 mars (aussi sur corawine.be). En bio, une référence est à épingler : le Domaine Saint-Jacques, un côtes-du-rhône 2017 rouge (5,39 euros ! ) produit par le Cellier des Princes. Depuis 2005, cette association quasi centenaire de vignerons conseillée par Philippe Cambie, le grand oenologue rhodanien, est sortie de l’ombre pour produire et vendre ses propres vins au lieu de les confier aux grandes maisons.

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