Instagram, la nouvelle version numérique du ” village Potemkine “

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

Il était temps. Instagram, le réseau social au milliard d’usagers, va enfin interdire aux moins de 13 ans de s’inscrire sur cette application de photos et vidéos très en vogue. Désormais, il demandera à ses utilisateurs d’indiquer leur âge quand ils créent un compte. Avec cette mesure, Instagram s’aligne sur les règles en vigueur chez Facebook, Snapchat et la nouvelle application TikTok également très prisée des jeunes.

Bien entendu, l’idée part d’un bon sentiment. Comme toujours, ai-je envie d’ajouter. Et pour cause, Instagram veut répondre aux critiques émanant des politiques, des médias ou du corps médical selon lesquels Instagram inciterait les jeunes à développer des comportements addictifs, voire parfois carrément autodestructeurs.

De plus, c’est aussi une manière d’éviter que ces jeunes de moins de 13 ans ne soient soumis à des contenus réservés aux majeurs ou fassent l’objet de sollicitations inappropriées de prédateurs sexuels qui sévissent aussi sur ce genre d’appli.

Qui s’en plaindrait ? Personne, bien sûr. Sauf que cette annonce en fanfare ne peut dissimuler au moins deux soucis. Le premier, c’est qu’Instagram ne pipe mot du devenir des jeunes de moins de 13 ans déjà inscrits sur cette application. Second souci : aucun processus de vérification de l’âge ne semble avoir été mis en place. En clair, le jeune de moins de 13 ans désireux de s’inscrire sur Instagram pourra toujours le faire en donnant une… fausse date de naissance !

Bref, si changement il y a chez Instagram, il ressemble davantage à un simple ravalement de façade. Pourtant, si sa direction le voulait, elle pourrait sans problème, via ses algorithmes prédictifs, deviner l’âge de ses utilisateurs. Notamment en observant les contenus consultés et le cercle social de l’utilisateur pour avoir une bonne idée de son âge réel.

Mais voilà, pour l’heure, les algorithmes des réseaux sociaux – rebaptisés à juste titre ” asociaux ” par mes confrères de The Economist – sont surtout utilisés pour encore mieux cibler les usagers. En disposant de leur âge, Instagram pourra en effet leur offrir des contenus nettement plus pertinents. Donc des publicités plus ciblées encore.

L’histoire de l’interdiction aux enfants de moins de 13 ans s’apparente au final davantage à ce que les historiens appellent un ” village Potemkine “. Selon ce que prétend la légende, lors la visite de Catherine II en Crimée en 1787, de luxueuses façades en carton-pâte auraient été érigées à la demande du ministre russe Grigori Potemkine afin de masquer la pauvreté des villages que l’impératrice devait traverser.

A l’évidence, Mark Zuckerberg, le patron de Facebook et d’Instagram, réinvente la légende et la remet au goût du jour. Pauvre de nous !

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