Flowlity veut digitaliser les chaînes d’approvisionnement
La start-up française arrive sur le marché belge avec une solution innovante. Elle utilise l’intelligence artificielle pour optimiser les stocks et répondre ainsi à une économie de plus en plus volatile.
Leur ambition, c’est ni plus ni moins que devenir “leader mondial” de la planification de la supply chain. Les Français Jean- Baptiste Clouard et Karim Benchaaboun ont lancé leur solution logistique misant sur l’intelligence artificielle en 2019. Ils viennent de lever cinq millions d’euros pour développer Flowity en Europe du nord, et notamment dans le Benelux. “Nous sommes en phase de recrutement et de structuration de l’équipe commerciale, précise Jean-Baptiste Clouard, 34 ans, qui a travaillé 10 ans chez Dassault Systèmes. Nous devrions être opérationnels d’ici le mois de juin. Mais nous avons déjà des clients en Belgique, comme l’usine de Saint-Gobain à Bastogne.”
Les chaînes d’approvisionnement sont bâties sur un modèle déterministe qui ne convient pas à une économie très volatile.”
Jean-Baptiste Clouard, CEO de Flowlity
Saint-Gobain est l’une des premières entreprises à avoir misé sur la technologie de cette jeune start-up. Dans le portefeuille clients, on retrouve aussi des groupes comme La Redoute ou Bosch. Pourquoi de tels acteurs, qui gèrent des chaînes d’approvisionnement depuis des décennies, ont-ils craqué pour la solution de Flowlity? “Les chaînes d’approvisionnement sont bâties sur un modèle déterministe, conçu pour des produits très standardisés. En caricaturant, c’était la Ford, de modèle T et de couleur noire, explique Jean-Baptiste Clouard. Depuis, les gammes et les modèles ont été élargis et l’approvisionnement s’est mondialisé. Il y a dès lors beaucoup de volatilité tant sur la demande que sur l’offre. Les modèles d’approvisionnement, basés sur une optimisation en termes de coûts, n’ont pas pris en compte cette volatilité. Ils se sont révélés d’une grande fragilité.” Flowlity entend offrir une solution “plus résiliente”, en aidant les entreprises à avoir le bon stock au bon endroit et au bon moment afin de minimiser les ruptures et, à l’inverse, les coûteux surstockages.
Quelle est donc cette solution plus résiliente? Flowlity utilise l’intelligence artificielle pour prendre en compte l’activité réelle des différents acteurs sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et intégrer ainsi les besoins des uns et des autres. Si un distributeur prévoit une campagne de promotion, ses fournisseurs en sont souvent informés tardivement. Le risque est alors qu’il soit trop tard pour gonfler la production en conséquence et que cela provoque des ruptures de stock. L’intervention de Flowlity permet, selon ses promoteurs, de mieux synchroniser tous les maillons de la chaîne logistique et de gagner ainsi en agilité, en réactivité. “Nous jouons le rôle de tiers de confiance dans un monde économique qui fonctionne encore beaucoup en silos”, résume le CEO de Flowlity. Les résultats seraient éloquents puisque cette solution aurait permis à La Redoute de réduire ses stocks de 40% et à Camif (site de vente de mobilier et linge de maison) de baisser de 10 points ses ruptures de stock.
Un chiffre d’affaires multiplié par trois
La crise du Covid-19 a mis en lumière la fragilité de ces chaînes d’approvisionnement. Une opportunité parfaite pour un nouvel acteur comme Flowlity qui s’est lancé à peine quelques mois avant le déclenchement de l’épidémie. “Nous assistons depuis à une reconfiguration des chaînes logistiques, analyse Bernard Piette, le directeur du pôle de compétitivité Logistics in Wallonia. Les entreprises repositionnent leurs stocks de manière différente et ce mouvement ne va pas s’arrêter. La logistique, c’est la gestion de flux de matières, d’argent et d’information. Ce dernier, c’est l’élément- clé pour bien se positionner.”
Et c’est justement l’élément ciblé par Flowlity, qui veut optimiser les flux d’information entre les maillons de la chaîne afin, à terme, de réussir à “automatiser et digitaliser tous les flux de matières entre les entreprises”. Son chiffre d’affaires a rapidement décollé. Il a été multiplié par trois en 2021 et tout indique qu’il en ira de même cette année. Flowlity, qui garde ses résultats jalousement secrets, n’est toutefois pas encore rentable. “Nous pourrions l’être, assure Jean-Baptiste Clouard, mais notre option est celle d’une croissance rapide pour capter le marché. Nous préférons investir massivement dans l’amélioration de nos outils et dans le recrutement que viser dès à présent un break-even.” Les effectifs de Flowlity devraient atteindre les 35 personnes d’ici le début de l’été.
La start-up mise donc sur le Benelux pour les prochaines étapes de son développement. “C’est un marché dynamique, ouvert à la digitalisation et à l’innovation, confie Jean-Baptiste Clouard. Pour une entreprise française, il y a beaucoup moins de barrières à l’entrée que si l’on vise, par exemple, le marché des pays germaniques.” Lors de sa levée de fonds en début d’année, Flowlity a par ailleurs accueilli l’arrivée à bord de Fortino, le fonds d’investissement créé par l’ancien patron de Telenet Duco Sickinghe et dédié aux entreprises numériques. Cet investisseur devrait pouvoir ouvrir quelques portes pour Flowlity. L’arrivée d’un nouvel acteur, qui plus est aussi ambitieux, est sans doute une excellente chose pour la logistique en Belgique. Mais “il n’arrive pas dans le désert”, souligne Bernard Piette. Logistics in Wallonia a en effet contribué à faire émerger ces dernières années des innovations basées sur l’intelligence artificielle. C’est par exemple le cas d’e-origin, la plateforme qui automatise, et donc accélère, les déclarations douanières.
Un réel impact environnemental
La solution de Flowlity se veut intéressante non seulement en termes financiers mais aussi sur le plan environnemental. Une anticipation plus précise des besoins logistiques limite d’abord “les transports inutiles”, ceux qui vous apportent dans l’urgence mais parfois de très loin des composants dont l’absence bloquerait toute une chaîne de production.
Elle permet ensuite de mieux calibrer les emballages et d’éviter l’utilisation de cartons surdimensionnés. “C’est bon pour limiter l’empreinte carbone, pour optimiser par exemple le remplissage des camions, mais aussi pour l’expérience client, ajoute Hanh Nguyen, responsable du marketing chez Flowlity. Le client veut un packaging adapté au colis qu’il reçoit, il pense à l’impact écologique de ses achats.”
Enfin, Flowlity contribue à réduire le gaspillage de denrées périssables en évitant le surstockage en amont de la chaîne de distribution. “Il y a beaucoup d’optimisation à faire de ce côté-là, précise Jean-Baptiste Clouart. La moitié du gâchis alimentaire vient de là, de l’amont de la chaîne. Elle n’est pas liée au consommateur.” L’entreprise mène ce travail avec Les comptoirs de la bio, un site français de vente de produits frais. “C’est un travail de l’ombre, une addition de petites choses – même si réduire de 20% le gâchis alimentaire d’un distributeur, c’est déjà pas mal – mais à la fin, l’impact en termes de RSE (responsabilité sociétale des entreprises, Ndlr) est important, conclut le CEO de Flowlity. J’ajoute à cela l’aspect financier: le capital, s’il n’est plus immobilisé dans des stocks inutiles, peut être affecté à autre chose.”
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