Finance à haute vitesse

Eric Giacometti et Philippe Francq, " Largo Winch - t. 22 : Les Voiles écarlates ", éditions Dupuis, 48 pages, 14,95 euros. © PG

Deux ans que nous avions laissé Largo Winch enfermé dans la salle ultrasécurisée d’un serveur informatique en surchauffe. Le héros était sur le point d’étouffer en même temps qu’il s’apprêtait à détruire un puissant ordinateur du nom de Jonas, machine diabolique de la finance contemporaine qui pratique à grande vitesse des opérations financières chargées de déstabiliser les grands groupes bancaires, en ce compris le groupe W, dont notre héros est depuis le début de la série l’héritier contesté. Bienvenue dans l’ère des flash crashes. Les Voiles écarlates viennent clore un diptyque entamé en 2017 avec L’Etoile du matin et qui s’évertue à lever le voile sur des nouvelles évolutions du monde financier et capitalistique.

– Comme une envie de corriger ton arrogance d’Occidental… – J’ai du sang slave, ça me sauve ?

” L’idée ici est de montrer aux lecteurs des facettes peu connues de la finance. Dans le précédent tome, on introduisait le trading haute fréquence ( des opérations financières opérées par des ordinateurs puissants en quelques microsecondes, Ndlr) “, nous rappelle Eric Giacometti, le scénariste ayant repris le flambeau doré de Jean Van Hamme pour cette série à succès entamée voici 25 ans. ” Dans ce tome-ci, on parle de shadow banking, et plus complexe encore, on l’insère dans le dark banking “, indique-t-il. Largo Winch ne se bat pas contre des fantômes mais bien contre un réseau boursier parallèle à celui des salles de marché. Une histoire tout à fait plausible, nous assure l’auteur de thrillers passé aujourd’hui à la BD et qui ne manque jamais de montrer ses idées d’histoires financières à quelques consultants informés. ” Avant 2008 et le cas Bernard Madoff, vous auriez pondu un scénario de pyramide de Ponzi, on ne vous aurait pas cru. Quel que soit le véhicule, le moteur du monde de la finance tourne à la confiance. Madoff est parvenu à gruger des cadors qui lui avaient accordé cette confiance. Pour mon scénario, j’ai simplement extrapolé. S’il fallait retirer un message de notre histoire, c’est celui-ci : tout est possible dans le milieu financier. ” Et la série à succès de retrouver ainsi des développements inscrits dans son ADN de thriller financier.

Sans oublier toutefois l’aventure, autre mamelle de la franchise. Largo ne reste pas en place plus de deux pages. Chicago, Saint-Pétersbourg, la campagne russe, les Caraïbes. Le récit prend plaisir à nous faire tourner autour du globe, à bord d’un jet privé bien évidemment. ” C’est plaisant pour le lecteur de changer de décor. Même si c’est une contrainte pour moi, j’aime le faire voyager “, nous avoue Philippe Francq, toujours bien présent au crayon. Buildings en contre-plongée, station de métro privatisée pour fête de nantis, yachts de luxe dans les eaux transparentes, rien n’est trop beau pour ce remarquable metteur en scène qui préfère néanmoins s’attacher à ses personnages. ” Mon métier, c’est de lire entre les lignes du scénario que me donne Eric et de trouver dans mon répertoire d’outils techniques le moyen de le raconter. A moi, aussi, de mettre entre les cases toutes les choses que je ne veux pas dessiner (rires). ” Ainsi va l’art elliptique de la BD qui trouve ici encore dans cet épisode un bel exemple d’efficacité.

Les aficionados ne seront certes pas déstabilisés par ce 22e chapitre mené à un rythme fou, sans temps mort, s’autorisant aussi les pointes d’humour habituelles dans ses dialogues. Séduction, suspense, gloire et beauté, serait-on tenté de dire. Est-ce tout cela qui fait courir Largo Winch ? ” Ce qui fait courir Largo, c’est qu’il n’aime pas que quelqu’un lui dicte sa conduite. Il ne fait que réagir à ce qui lui advient “, résume Philippe Francq. Son Largo, milliardaire en jeans et baskets, aux méthodes pas toujours fines (” un exutoire pour le lecteur “), reste pourtant terriblement attachant.

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