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Bezos Vs Trump: deux “business plans” difficilement comparables

Jeff Bezos fonda la firme Amazon.com en 1994. Il était le directeur, sa femme était la comptable. Ils travaillaient dans le garage de leur maison, l’équivalent aux Etats-Unis de notre grenier, 12 heures par jour, sept jours sur sept. Ils prenaient les commandes sur l’Internet alors à ses tout débuts, emballaient les livres et les postaient.

Ce genre d’histoire est connu, il s’agit du business plan légendaire qui fonda l’Amérique : le petit gars qui achète une pomme en provenance du verger, qu’il paie 1 cent, qui la fait reluire et la vend pour 2 cents, et qui avec ces 2 cents, achète deux nouvelles pommes… et ainsi de suite.

En 2013, Jeff Bezos acquit le Washington Post, quotidien prestigieux mais en perte de vitesse en raison de la montée en force de la presse en ligne. Abordé par la famille propriétaire, il se fit tirer l’oreille, dit que la presse n’était pas son rayon. Puis finit par se laisser convaincre par ceux qui lui répétaient qu’il était l’homme qui avait compris ce que l’on pouvait faire de l’Internet. Jusque-là, le business plan des quotidiens, c’était maximiser le revenu par lecteur grâce à la publicité. Bezos comprit que l’Internet pour la presse, ce serait deux choses : des frais de distribution quasiment nuls et l’accès à un lectorat démultiplié. Il visa le nombre plutôt que le gain individuel. Ce pari, il le gagna : deux ans après son acquisition du Washington Post, le nombre de lecteurs était passé de 25 millions à plus de 50. Le chiffre est aujourd’hui de 80 millions de lecteurs.

En décembre 2015, dans un tweet, Donald Trump, candidat à la présidence, accusa Jeff Bezos d’avoir acquis le Post pour réduire le montant de ses impôts. Un internaute lui répondit du tac au tac qu’avec ses quatre faillites, il était jaloux de ne pas y avoir pensé lui-même. Bezos qui avait réalisé son rêve d’adolescence en 2000 en fondant la firme spatiale Blue Origin, lui répondit ceci : ” Enfin réduit en purée par @realDonaldTrump. Nous lui réservons tout de même un siège dans la fusée Blue Origin #envoyonsDonalddanslespace “.

Si Trump avait dénoncé l’achat du “Washington Post” comme une manière de gruger le fisc, il s’avérait que c’était précisément de cette manière que Fred, son père, avait bâti la fortune de son fils.

Mais Trump n’en resta pas là dans son offensive contre le patron d’Amazon. On apprit en avril 2018 qu’il avait convoqué secrètement le directeur des services postaux américains pour lui enjoindre de doubler les frais d’envoi des colis d’Amazon, une manoeuvre dont les commentateurs dirent que dans le cadre d’une présidence normale, elle aurait justifié à elle seule que soit lancée une procédure d’ impeachment, donc de destitution du président.

Quand le mois dernier, le 13 janvier, le National Enquirer, un tabloïd de la presse de caniveau, révéla la liaison de Bezos, qui précipita l’annonce par lui de son divorce, Trump tweeta aussitôt : ” Je suis si triste d’apprendre que Jeff Bozo ( ” bozo ” veut dire imbécile, Ndlr) est abattu par un rival dont les informations sont bien plus fiables que le journalisme de son quotidien de lobbyistes, l’ Amazon Washington Post. Avec un peu de chance, le journal sera bientôt en de meilleures mains et plus responsables ! ”

En octobre 2018, la presse d’investigation avait mis à mal l’image de Trump self-made-man. S’il avait donc dénoncé l’achat du Washington Post comme une manière de gruger le fisc, il s’avérait que c’était précisément de cette manière que Fred, le père de Donald, avait bâti la fortune de son fils : une société appelée All County Building Supply & Maintenance surfacturait des matériaux de construction et d’entretien achetés dans un premier temps par le biais de certaines autres des entreprises de la Trump Organization. Bénéfice collatéral pour Fred Trump, il pouvait présenter aux autorités veillant à la modération des loyers ces coûts artificiellement gonflés comme justification d’une flambée des montants réclamés aux infortunés locataires.

Lorsque dans les années 1980, son fils Donald se retrouva dos au mur dans sa gestion calamiteuse d’un casino à Atlantic City dans le New Jersey, Fred renfloua l’entreprise en péril du fiston par un achat massif de jetons d’un montant total de 3,5 millions de dollars, somme puisée sur les gains illicites des surfacturations de la All County Building Supply & Maintenance Company.

Décidément oui, les business plans d’Amazon.com Inc. de Jeff Bezos et de la Trump Organization du président des Etats-Unis, sont difficilement comparables !

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