Le Cercle de Lorraine est mort, vive The Merode
Patron de l’agence événementielle Profirst, Bruno Pani a repris le Cercle de Lorraine l’année dernière pour en faire le lieu incontournable des hommes et des femmes d’affaires bruxellois. Sobrement rebaptisé The Merode, le club rénové sera inauguré le mois prochain avec la promesse ambitieuse de “vouloir changer le monde”. Petite visite guidée en exclusivité et portrait d’un homme au destin incroyable.
Il s’appellera The Merode, tout simplement. Comme une référence historique au bâtiment qui l’abrite – l’hôtel de Mérode – avec une petite touche “british” qui trahit ses sources d’inspiration. Dans quelques jours à peine, l’ancien Cercle de Lorraine rouvrira en effet ses portes sous l’appellation The Merode avec de nouvelles installations et, surtout, de nouvelles ambitions. Le club d’affaires, situé place Poelaert à Bruxelles, sera désormais “un espace de rencontres, de partage et de réflexion qui veut éveiller les consciences et participer au changement”, dixit Bruno Pani, le nouveau maître des lieux.
Avec ses deux associés Bernard Stas et Jean-Philippe Maes, le patron de l’agence événementielle Profirst a repris le Cercle de Lorraine en pleine pandémie, il y a un an déjà, pour lui redonner une toute autre vie. Il faut se promener dans les nombreux salons, salles et couloirs rénovés de son club The Merode pour mesurer à quel point les travaux ont été fastidieux. Car ce n’est pas seulement un cercle d’affaires privé qui s’apprête à renaître sous l’impulsion créative de Bruno Pani, mais aussi des espaces inédits ouverts aux non membres.
Agora, jazz et resto
Parmi ceux-ci, il y a d’abord une agora sous une verrière splendide qui accueille déjà divers événements. Baptisé The Conversatory, cet espace lumineux peut accueillir 400 personnes assises pour une conférence ou 300 invités pour un dîner à table. Au sous-sol, c’est un tout nouveau lieu dédié principalement au jazz – sans exclure toutefois les autres formes de musique – qui sera bientôt inauguré. Cette salle de concerts très cosy (400 m2 tout de même) aura une entrée séparée, à l’instar du restaurant flambant neuf qui ouvrira ses portes en janvier prochain.
Dénommé Ciao, ce nouveau temple de la cuisine italienne sera cornaqué par un célèbre chef et accessible à tout un chacun. “L’endroit sera ouvert sept jours sur sept, de 8 h à minuit, car il manque à Bruxelles un endroit agréable où les hommes et les femmes d’affaires peuvent prendre leur petit-déjeuner, constate Bruno Pani. Ciao sera un mix entre un bar et un restaurant, avec des banquettes lounge, où l’on pourra déguster une bistronomie italienne dans une gamme de prix qui ne sera pas trop élevée.”
Un vrai “social club”
Avant de découvrir la cuisine de Ciao en janvier, les membres de The Merode pourront déjà se sustenter, début novembre, au bar de leur club privé et fraîchement rénové. De la Salle africaine à la Salle asiatique en passant par le Salon bleu garni d’anciennes cartes de géographie, les affiliés auront le loisir de se réunir ou de se détendre dans un vaste espace où l’usage du téléphone portable sera toutefois proscrit, excepté en mode tactile ou alors en mode vocal dans des cabines insonorisées.
L’idée est de se nourrir collectivement et de créer un réseau avec des gens qui veulent secouer le cocotier.
Résolument feutrée, l’atmosphère ne sera pas taciturne pour autant puisque l’objectif premier de Bruno Pani est d’insuffler un vent nouveau de sociabilisation dans les salons de The Merode. “Notre ambition est d’en faire un vrai social club, c’est-à-dire un lieu de vie et d’échange qui mêle divertissement et réflexion, confie le CE0 de Profirst. Nous invitons les membres à passer du temps qualitatif dans un cadre exceptionnel, en plein de centre Bruxelles, et surtout dans un lieu qui se veut propice au savoir et à la créativité puisqu’il y aura aussi des conférences de qualité. L’idée est de se nourrir collectivement et de créer un réseau avec des gens qui veulent secouer le cocotier. Car nous avons ce petit côté utopique de vouloir changer le monde.”
Eveiller les consciences
Bruno Pani ne lance pas des paroles en l’air. Frappée de plein fouet par le coronavirus, son agence événementielle a subi les affres du confinement et de la crise sanitaire. Malgré tout optimiste, le patron de Profirst en a profité pour remettre à plat ses convictions et repenser son engagement citoyen. “Dans cette grande remise en question, je suis tombé sur un club d’affaires anglais qui s’appelle The Conduit, confie Bruno Pani. Sa devise est ‘ Gathering changemakers to solve real-world challenges‘ (‘Rassembler les acteurs du changement pour résoudre les défis du monde réel’, Ndlr) et cela m’a interpellé. Je me suis dit que, moi aussi, je pouvais participer au changement en rassemblant les gens dans un même lieu pour échanger des idées et éveiller les consciences avec des conférenciers. A l’époque, le Cercle de Lorraine était en procédure de réorganisation judiciaire et je me suis laissé séduire par l’idée d’avoir un bel outil qui me permettrait de créer un réseau avec des gens qui veulent faire bouger les choses.”
A l’été 2020, le puzzle se met doucement en place. Avec ses deux associés actifs au sein de Profirst, Bruno Pani met 250.000 euros sur la table pour racheter le fonds de commerce de l’institution bruxelloise et 500.000 autres pour entreprendre la rénovation des lieux. Il fixe alors trois grands axes de développement: le lancement du nouveau club d’affaires The Merode pour lequel il vise les 1.500 membres, le déploiement d’un corporate club pour une cinquantaine d’entreprises partenaires (en collaboration avec le cercle B19) et, enfin, un lieu dédié aux loisirs et aux événements (avec, entre autres, une agora, une salle de concerts et un restaurant).
Borg, Sting et Madonna
A quelques jours de l’inauguration de son club flambant neuf, Bruno Pani ne cache pas son excitation. Pour le jeune sexagénaire, The Merode marque en effet un tournant important dans son parcours professionnel déjà riche en rebondissements. Un parcours où se mêle sport, musique, mode et création d’événements tout autour de la planète avec sa société Profirst.
Ingénieur du son formé à l’IAD, Bruno Pani débute sa carrière dans l’univers “pop rock” au début des années 1980. A l’époque, il travaille pour une société qui organise les concerts de plusieurs artistes et se retrouve sur les tournées européennes de quelques stars naissantes. “L’assistant de l’ingé son en chef”, comme il se définit, côtoie de près Madonna et Sting au sein du groupe The Police dans une atmosphère festive qui touche déjà à l’événementiel.
Cette aventure musicale dure un peu moins de deux ans. Basé en Angleterre, le jeune homme rebondit alors chez International Management Group (IMG), une structure principalement dédiée au management sportif. Pendant plusieurs mois, Bruno Pani se mue en assistant personnel de quelques sportifs de haut niveau comme les icônes du tennis Björn Borg et Ivan Lendl ou encore le pilote de Formule 1 Alain Prost. “Je gérais leur agenda, leurs billets d’avion, leurs réservations d’hôtel, leur lessive et leur passeport, raconte-t-il avec le sourire. Cela m’a permis de me familiariser avec tout le volet logistique de leurs activités.”
L’étincelle Armani
De retour en Belgique au milieu des années 1980, le futur entrepreneur rejoint City Seven, une société organisatrice d’événements – qui a dans son portefeuille le tournoi de tennis ECC à Anvers – avant de fonder sa propre structure Profirst en 1988. Fort de l’expérience engrangée, il offre ses services dans le management sportif, d’abord pour quelques grands noms des sports mécaniques (Didier de Radiguès, Thierry Tassin, André Malherbe, etc.), puis sur les greens où Profirst devient rapidement l’agence de la Fédération belge de golf.
De plus en plus attiré par la communication et le marketing, Bruno Pani élargit son spectre d’activités et chapeaute de plus en plus l’organisation d’événements corporate et privés. Mais c’est en 1996 que sa carrière va connaître un véritable coup d’accélérateur. Cette année-là, le maître de la mode italienne Giorgio Armani veut inaugurer une nouvelle boutique sur la place du Sablon à Bruxelles et lance un appel d’offres pour l’organisation des festivités. Profirst relève le défi et, contre toute attente, séduit Armani. Entre le grand couturier et “le petit Belge”, la symbiose est telle que Bruno Pani se voit confier ensuite l’organisation de tous les événements de l’empire Armani au niveau mondial, excepté en Italie où le maestro mise sur sa garde rapprochée. “Cela fait 25 ans que ça dure, s’émerveille le patron de Profirst, et j’estime avoir vraiment beaucoup de chance de travailler avec ce créateur qui est exceptionnel, tant sur le plan humain que professionnel.”
Montée en puissance
Cette incursion spectaculaire de Bruno Pani dans l’univers de la mode italienne va évidemment susciter la curiosité d’autres marques de luxe. Petit à petit, les portes s’ouvrent et Profirst se voit confier d’autres événements de prestige. L’agence belge monte en puissance et, en 2000, inaugure deux antennes à l’étranger – à Londres et à Paris – pour suivre la cadence et asseoir davantage sa notoriété. Dior, Chanel, Bulgari, Dom Perignon, Swarovski, Bentley, Ferrari… Les grands noms se succèdent pour des défilés de mode, des inaugurations de boutiques ou de lancements de produits.
Mais Bruno Pani n’est pas au bout de ses surprises. Après Giorgio Armani, c’est un autre empereur de la mode, plus mainstream cette fois, qui fait appel aux services du créatif belge pour la mise en scène de plusieurs événements. Fondateur du groupe textile Inditex (qui comprend les marques Zara, Massimo Dutti, Pull & Bear, Bershka, etc.), le multimilliardaire Amancio Ortega Gaona passe en effet par les équipes de Profirst pour magnifier l’ouverture de plusieurs magasins. De Milan à Shanghai, en passant par New York et Ibiza, les grands shows se multiplient à travers le monde. Séduit, l’homme d’affaires espagnol confie même à Bruno Pani, à deux reprises, l’organisation festive du mariage de sa fille Marta en 2011 et 2018. Car l’art de l’événementiel selon le Belge passe aussi par la mise en scène de réjouissances privées. A son palmarès, le maître de cérémonies compte d’ailleurs la fête des 40 ans du rappeur superstar Kanye West, ainsi que le mariage de quelques people…
Entreprise à succès, Profirst organisait, avant la pandémie, quelque 250 événements par an, portée par une centaine de collaborateurs et un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. Le coronavirus a évidemment donné un sérieux coup de frein à l’événementiel et aux activités de la société belge. Mais l’espoir renaît et Profirst multiplie à nouveau les projets.
Curateur de talents
A Bruxelles, The Merode fait désormais partie de ses défis inédits avec un cercle d’affaires, un corporate club et, surtout, des nouvelles installations qui permettront à la société de multiplier les événements à venir. Pour Bruno Pani, cette diversification s’inscrit dans la suite logique de son étonnant parcours: “Quel que soit le secteur d’activités, mes clients me demandent de leur imaginer des moments uniques et de leur construire des souvenirs par l’émotion, conclut le patron de Profirst. Mon métier n’est rien d’autre que cela: je suis un curateur de talents qui met le détail au service de l’émotion, tant au niveau du son, de l’image, du décor et de la gastronomie. Avec The Merode, je compte bien mener les mêmes expériences qui vont créer de l’émotion chez les membres du club et leur donner l’envie de revenir.”
Avec les 6.000 m2 de son “bâtiment couteau suisse” (comme il l’appelle), Bruno Pani a de quoi s’amuser.
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