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Le double visage de Facebook

Les utilisateurs de Facebook laisseront-ils le site violer leur vie privée lorsqu’ils sauront que ces données permettent d’engranger des milliards de bénéfices ?

Si vous voulez vous faire plaisir et faire plaisir à vos ados, allez donc voir ensemble le film The Social Network, qui traite du site de réseau social Facebook et de son fondateur Mark Zuckerberg. Notez que ce film possède une petite touche belge puisque la version de Creep du groupe britannique Radiohead utilisée pour la bande-annonce du film est interprétée par Scala, le choeur de jeunes filles de la ville d’Aarschot.

En peu de temps, Facebook, initialement un site estudiantin, est devenu un énorme succès mondial. Le fondateur, Mark Zuckerberg, a récemment offert une grande partie de sa fortune à des oeuvres de bienfaisance. Et la banque d’affaires américaine Goldman Sachs a procédé à un placement privé d’actions en préparation d’une entrée en Bourse d’ici quelques années. Si les clients de Goldman Sachs veulent gagner de l’argent avec cet investissement, Facebook devra valoir plus de 50 milliards de dollars lors de son IPO.

A titre de comparaison, des entreprises Internet commerciales bien établies comme Ebay et Yahoo n’atteignent pas cette valorisation. Google et Amazon, par contre, ont une valorisation supérieure mais aussi des revenus plus importants et plus stables. Facebook n’a qu’un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars et un bénéfice de 500 millions de dollars. A 100 fois le bénéfice escompté, on peut affirmer que Facebook aurait mérité une petite place dans la bulle Internet de la fin du millénaire passé.

Données personnelles à valeur ajoutée

Pour répondre aux attentes, Facebook devra donc faire un usage maximal du trésor de données personnelles qu’il détient et qui constitue son fonds de commerce. Les utilisateurs de Facebook ne génèrent pas directement des revenus mais les données personnelles qu’ils dévoilent sur le site peuvent présenter beaucoup de valeur pour les marketers et les entreprises commerciales. Dans les anciens médias, le marketing ciblé est difficile à réaliser et le taux de réussite est faible. Dans les nouveaux médias, en revanche, on peut cibler les intéressés, les communautés et les consommateurs de niche avec une précision chirurgicale.

Actuellement, les internautes considèrent toujours la toile comme un espace gratuit. Ils y trouvent des informations gratuites, un moteur de recherche gratuit, un site de réseau social gratuit. Or, rien n’est gratuit, évidemment. Google restera-t-il sympathique et inoffensif à leurs yeux quand ils sauront que le site manipule leurs termes de recherche pour le compte de clients payants ? Les utilisateurs de Facebook laisseront-ils le site violer leur vie privée lorsqu’ils sauront que ces données permettent d’engranger des milliards de bénéfices ? D’autre part, rien n’est aussi éphémèrement cool que la technologie. Il me semble invraisemblable que Facebook puisse continuer à valoir plus que Siemens, par exemple, qui fabrique des biens d’équipement indispensables. Et peut-être la hausse fulgurante de la capitalisation d’Apple est-elle aussi une indication de la formation d’un écho de bulle dans le secteur technologique.

Pour Goldman Sachs, toute cette opération est en tout cas une affaire rentable. L’IPO de Facebook devrait générer de 500 millions à 1 milliard de dollars de revenus, presque la moitié des revenus annuels de Facebook. Et quelle que soit la façon dont le cours du site de réseau social évoluera après son introduction en Bourse, ces revenus ne seront plus jamais remis en cause. Le business model de Goldman Sachs est bâti sur la cupidité, ce qui est hélas plus solide que ce sur quoi se fonde celui de Facebook. Ce placement privé soulève donc plus d’une question éthique.

Réactions : trends@econopolis.be

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