Un prêt hypothécaire sans bouger de son salon?

© Montage iStock Hello Bank!

Après les comptes, les virements, les paiements et les placements, c’est au tour d’un autre produit bancaire de passer au numérique: le crédit hypothécaire. Keytrade s’apprête à se lancer sur le créneau après Hello bank ! et KBC.

Conclure un prêt avec sa banque sans passer par l’agence ? C’est visiblement ce que font de plus en plus de Belges. Ainsi, chez KBC, son grand patron Johan Thijs affirmait dernièrement dans les colonnes de L’Echo que 37 % des prêts à tempérament étaient vendus numériquement, contre 0 % 10 mois plus tôt. ” C’est fou, expliquait-il dans cet entretien accordé à nos confrères. Aujourd’hui, même en Belgique, nous vendons des crédits hypothécaires pour lesquels tout se fait en ligne : négociation, signature, tout. Celui qui ne voit pas à quelle vitesse la banque change… big mistake. ”

Signature numérique chez KBC

Depuis quelques semaines, KBC offre en effet à ses clients la possibilité de signer numériquement les documents liés à la souscription d’un crédit-logement. Via l’application maison KBC Touch ou le site internet de la banque, ils n’ont plus besoin de se déplacer pour le faire et peuvent suivre l’évolution de leur dossier à distance. Solliciter un entretien avec un expert par vidéoconférence, introduire une demande après avoir sélectionné la formule de son choix, signer le contrat : tout peut se faire sans devoir sortir de chez soi. La nouveauté a d’emblée enregistré son lot de signatures. Plus de 1.000 contrats de crédits logement ont été signés numériquement dès le lancement de la nouveauté.

Le groupe dirigé par Johan Thijs a ainsi emboîté le pas à Hello bank ! qui avait innové en lançant début 2016 le premier crédit en ligne en Belgique via sa plateforme Hello home ! . Un lancement dont les premiers résultats montrent ici aussi que ” de plus en plus de Belges sont prêts à conclure un prêt hypothécaire en ligne “, constate Maarten Verboven, head of product & channel management chez Hello bank ! Belgique, la filiale de banque mobile de BNP Paribas Fortis. Si la signature des documents reste pour le moment physique auprès de la banque bleue, cette dernière franchira en effet un pas supplémentaire en introduisant la signature électronique début 2018.

HELLO BANK! Pas besoin d'être client pour profiter de la simulation en ligne . La banque
HELLO BANK! Pas besoin d’être client pour profiter de la simulation en ligne . La banque “online” permet d’introduire directement une demande de crédit et facilite la recherche d’un bien correspondant au budget du candidat acquéreur grâce à une collaboration avec Immovlan et Ozaam.© TT

Petit calcul vite fait grâce à Hello bank !

Il n’est peut-être plus très loin le jour où les clients cesseront de voir leur banquier pour des décisions importantes.

En attendant, Hello home ! a déjà reçu en un an la visite de 420.000 personnes. Certes, la plateforme n’a recueilli que 1.500 demandes d’emprunt, soit 1 % des 185.000 simulations effectuées sur le site (lire l’encadré ” A quoi ressemble l’emprunteur 3.0 ? “). Mais c’est encourageant, juge Maarten Verboven, notamment parce qu'” il y a eu une accélération en fin d’annéeet que plus de la moitié de ces personnes qui ont conclu un prêt n’étaient pas clientes avant “. L’ambition de la banque digitale de BNP Paribas Fortis (leader du marché hypothécaire en Belgique) est d’ailleurs de multiplier par quatre ce nombre de demandes en 2017. A cet effet, elle s’est alliée avec Immovlan et la start-up Ozaam. But : ne pas simplement permettre de demander directement un crédit en ligne mais aussi de faciliter la recherche d’un bien correspondant à son budget. ” L’offre s’adresse aux personnes qui n’ont ni le temps ni l’envie de démarcher plusieurs banques “, souligne Maarten Verboven.

Accessible 24 heures 24 et sept jours sur sept, Hello home ! permet en effet d’obtenir un prix réel pour son crédit en quelques secondes, et cela sans devoir être client. Le site demande le montant à emprunter et la durée de l’emprunt. Une somme de 100.000 euros sur 20 ans ? Le taux est de 2,60 %, soit une mensualité de 533,22 euros. Il est possible de faire baisser ce taux en cliquant sur ” réduisez votre taux ” : vous obtenez à chaque fois une réduction de 0,10 % si vous domiciliez vos revenus, prenez une assurance incendie ou une assurance solde restant dû. Si la quotité empruntée est inférieure à 80 %, la ristourne est cette fois-ci de 0,20 %. Vous avez tout cliqué ? Le taux proposé tombe à 2,10 % pour une mensualité de 509,49 euros.

Attention tout de même : ce n’est pas nécessairement le meilleur du marché. Le prix à payer pour gagner du temps ? ” Effectivement, le taux n’est pas négociable, reconnaît Maarten Verboven. Notre modèle de pricing est tout à fait différent. Il n’est pas possible non plus de refinancer un crédit. Nous ne voulons pas être là juste pour le financement. Nous voulons guider le client dans sa démarche en lui offrant des services qui viennent avant et après le financement de l’achat d’un bien, comme par exemple des conseils en matière d’épargne pour se constituer une mise de départ, de l’aide pour déménager, etc. C’est un changement complet de modèle. ”

Keytrade fourbit ses armes

Un prêt hypothécaire sans bouger de son salon?
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Signe supplémentaire de ce nouveau tournant pour le secteur bancaire : Keytrade. Désormais intégrée au sein du groupe français Crédit Mutuel Arkéa, la plateforme en ligne proposera elle aussi bientôt une offre dans le segment du prêt hypothécaire. ” Ce sera une offre 100 % en ligne, précise le porte-parole de Keytrade Steven De Backer. La seule chose qui ne sera pas digitale, c’est la signature chez le notaire. ” Baptisée KeyHome, l’offre s’annonce aussi particulièrement compétitive d’un point de vue commercial. Outre la possibilité de souscrire une assurance avec Cardiff (solde restant dû) ou Ethias (incendie), ” les frais seront réduits au maximum et nous offrirons directement le meilleur taux possible au candidat emprunteur en fonction de son profil “, détaille Steven de Backer. ” Pourquoi en effet faut-il faire le tour du marché pour obtenir la meilleure offre ? C’est ridicule et pas transparent du tout. Nous voulons aussi être innovants de ce point de vue-là. Il n’y aura pas de marchandage. ” Comme chez Hello bank ! , donc.

L’objectif pour Keytrade en se lançant dans le crédit hypothécaire est double : il s’agit de toucher un public plus large et de devenir la première banque de ses clients. Clients de plusieurs enseignes à la fois, ceux-ci se servent généralement des banques en ligne pour bénéficier de leurs tarifs avantageux (carte de banque, compte épargne, trading en Bourse) tout en restant fidèle à leur banque favorite. Proposer une offre de crédit immobilier peut ainsi constituer une stratégie pour fidéliser ces clients volages. Le Belge a en effet pris l’habitude de domicilier ses revenus pour rembourser un emprunt immobilier auprès de ” sa ” banque. Raison pour laquelle le prêt hypothécaire attire de plus en plus de banques en ligne comme Keytrade. Surtout que le prêt hypothécaire est aussi un moyen de dégager d’autres sources de revenus dans un contexte de taux bas, en plus d’être considéré à la fois comme un produit d’appel et de fidélisation.

L’agence au cas où…

Outre les taux bas et la technologie, cette évolution vers le numérique pour le prêt hypothécaire s’explique aussi par la chute de la fréquentation des agences. Pour autant, le contact humain n’est pas complètement délaissé. Certes, plus d’un Belge sur deux est prêt à réaliser davantage d’opérations en ligne, selon une étude réalisée par la banque CBC (filiale francophone du groupe KBC). Mais seul un Belge sur quatre se dit prêt à réaliser des opérations bancaires plus complexes en ligne, même accompagné, et la moitié des personnes interrogées par CBC restent attachées à l’agence physique. Elles privilégient en priorité le numérique pour les opérations simples et courantes : opérations du quotidien (83%), épargne (75%). Par contre, elles semblent encore frileuses en ce qui concerne les opérations plus complexes – investissements (33%) et crédits (27%).

Voilà pourquoi les grands acteurs se dirigent plutôt vers un système hybride mêlant l’immédiateté et la simplicité du numérique au côté rassurant et sur mesure de l’agence bancaire traditionnelle. ” Si le client veut par exemple un taux variable plutôt qu’un taux fixe, dit Maarten Verboven, nous l’orienterons alors vers une agence de notre réseau BNP Paribas Fortis “. Même son de cloche du côté de Belfius où la moitié des nouvelles demandes de crédit hypothécaire sont désormais introduites via les canaux numériques, mais où pour la suite du dossier ” on combine encore le digital avec l’agence “, situe le chief digital officer de Belfius Geert Van Mol.

A quoi ressemble l’emprunteur 3.0 ?

Première banque du pays à offrir la conclusion d’un prêt hypothécaire en ligne, Hello bank ! prend petit à petit ses marques sur le marché du crédit habitation. Depuis son lancement début 2016, la plateforme de la banque digitale de BNP Paribas Fortis a convaincu 1.500 emprunteurs. En termes de profils, ces preneurs de crédit via Hello home ! sont majoritairement masculins (à 64%) et âgés de 31 ans en moyenne (contre 38 ans du côté de BNP Paribas Fortis). Ils empruntent en moyenne 131.341 euros, soit 10 % de plus que le montant moyen emprunté au travers du réseau traditionnel de BNP Paribas Fortis. Ce sont des célibataires : près de 80 % d’entre eux empruntent seuls. Côté durée, celle-ci tourne principalement autour de 25 ans, et cela pour des crédits dédiés à l’achat d’une maison (64%) ou d’un appartement (36%). Quant à la mensualité elle s’élève à 628 euros (contre 681 euros dans le réseau BNP Paribas Fortis). Bref, des chiffres somme toute assez logiques dans la mesure où les clients de Hello home ! sont des jeunes qui n’ont pas nécessairement les mêmes moyens que leurs aînés.

Cela étant, la banque entièrement numérique gagne chaque jour du terrain. Le conseil via des plateformes online devient de plus en plus efficace et précis. ” Si on sait vendre en ligne un produit aussi complexe que le prêt hypothécaire, on sait le faire pour tous les produits bancaires “, complète Maarten Verboven. Bref, il n’est peut-être plus très loin le jour où les clients cesseront de voir leur banquier pour des décisions importantes, comme ils ont cessé de se rendre en agence pour des opérations simples.

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