Mieux investir dans l’immobilier
En Belgique, l’immobilier a rapporté plus que les actions au cours des dernières décennies. Bien que les années dorées soient entre-temps passées, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’intérêt à y investir. Ce genre de placement assure en effet une certaine diversification du portefeuille ainsi qu’un rendement correct. Mais il comporte évidemment des risques spécifiques qui y sont liés. Petit tour de table avec six experts immobiliers chevronnés.
La Belgique est probablement le seul pays au monde où, au cours des quatre-vingts dernières années, l’immobilier a rapporté plus que les actions. Ce n’est donc pas un hasard si l’investissement dans l’immobilier est très en vogue et depuis longtemps. L’âge d’or a beau être passé, et ne devoir proba- blement jamais revenir, beaucoup de gens continuent d’investir dans l’immobilier. Parce que c’est un investissement visible et tangible, que le taux d’intérêt à long terme fixé par les banques centrales est particu- lièrement bas et que l’épargne ne rapporte donc rien, et parce que la volatilité de la Bourse fait peur. Et bien entendu à cause de l’effet levier (leverage en jargon spécialisé) que l’on obtient avec environ 30% de moyens propres et un emprunt (hypothécaire) auprès de la banque.
Par rapport à il y a 15 ans, la demande de biens immobiliers s’avère même plus grande et il existe plus de promoteurs immobiliers sur le marché. Cela va heureusement de pair avec une augmentation de la qualité et de la fiabilité des professionnels de la construction. Bien sûr, il y a toujours des cowboys qui se lancent dans la construction de biens immobiliers pour la vente ou la location, sans vraiment connaître le domaine. Beaucoup s’y cassent les dents. Hormis les connaissances et l’expérience, il faut aussi avoir les reins financièrement solides, la concrétisation d’un projet immobilier pouvant facilement s’étaler sur 5 ans.
En Belgique, l’investisseur type achète un ou deux appartements pour les mettre en location. À titre de comparaison, au grand-duché de Luxembourg, l’investisseur achète généralement un immeuble entier d’appartements. Vous pouvez acheter un bâtiment ancien (ne sous-estimez alors pas le coût des rénovations ! ) ou bien vous pouvez acheter ou construire du neuf. En raison de la pénurie de terrains à bâtir, cette dernière option devient tout doucement difficile mais, d’autre part, la pression croissante pour comprimer les coûts d’énergie et les charges communes représente quelque chose de coûteux à intégrer dans une rénovation.
Construire ou acheter un appartement neuf est probablement la meilleure option, mais il faut aussi penser à la maintenance. Un bâtiment avec quatre appartements se gère encore facilement seul mais, s’il y en a plus, les travaux de réparation peuvent se multiplier. Si vous effectuez ces réparations vous-même, cela vous coûtera évidemment moins cher (hormis le matériel et le temps) mais si vous devez payer un homme à tout faire, ces frais viendront impacter lourdement votre rendement.
Plus d’appartements que de maisons
Selon des chiffres de la Confédération flamande des professions immobilières, il se construisait en Belgique jusqu’en 2002 plus de maisons unifamiliales que d’appartements, mais ce ratio s’est entre-temps inversé. En 2008 déjà, le rapport était devenu de 54/46 à l’avantage des appartements, et l’année dernière cette prédominance passait à 61/39. Au cours des dix dernières années, 150.000 appartements à vocation locative auraient été construits en Flandre, et 70.000 maisons à vocation locative auraient disparu du marché. Ce sont surtout les appartements plus petits qui ont la cote auprès des jeunes.
En Wallonie, le nombre de permis de bâtir octroyés a, pour la première fois dans l’histoire, été plus élevé pour des appartements (5774) que pour des maisons (5404). Dans le sud du pays aussi, la tendance aux appartements s’affirme. Si en Flandre, 70% des habitants sont propriétaires de leur logement, ils sont 64,5% en Wallonie. Bruxelles est traditionnellement une région de locations, avec seulement 37% de propriétaires de leur logement et près de 62% de logements à vocation locative. On y dénombre également quatre fois plus d’immeubles à appartements que de maisons.
L’emplacement, un critère très important
La plupart des spécialistes de l’immobilier retiennent trois critères importants pour un investissement immobilier rentable : l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement. En d’autres termes, achetez ou construisez un immeuble de haute qualité sur un emplacement qui l’est tout autant. Dans le cas contraire, vous n’attirerez pas les bons locataires ou réaliserez moins de valeur ajoutée (ou moins vite) le jour où vous déciderez de revendre la propriété. Pour cette dernière raison, les investisseurs se contentent assez souvent d’un rendement un peu moins élevé au profit d’un très bon emplacement.
Vous pouvez évidemment aussi investir dans un immeuble plus modeste, mais choisissez dans ce cas un quartier qui l’est également. La qualité d’un immeuble et son environnement s’équilibrent l’un l’autre. Certains promoteurs ne se focaliseront pas tant sur l’emplacement mais plus sur la combinaison du bon immeuble, au bon endroit, au bon prix et au bon moment. Louvain, par exemple, est une excellente ville (emplacement) pour des kots d’étudiants. Mais si la population estudiantine se contentait il y a 15 ans de toilettes communes dans le couloir, elle souhaite aujourd’hui avoir les sanitaires dans la chambre.
D’autres promoteurs encore choisissent de construire une marque forte et proposent, de manière flexible, des services qui répondent aux besoins des utilisateurs. Ce qui peut compenser un emplacement un peu moins porteur. Les critères traditionnels pour un bon emplacement sont : la proximité des transports en commun, des écoles pour les familles, des espaces verts et des plaines de jeux pour les enfants, des entreprises pour l’emploi et des universités pour les étudiants.
Les entreprises apprécient de plus en plus la proximité des universités pour pouvoir recruter les meilleurs collaborateurs et, dans le contexte de la guerre des talents, leur permettre d’habiter à proximité. Ou elles louent de petits appartements près de l’entreprise pour les collaborateurs qui perdraient trop de temps dans les embouteillages.
Chacun recherche sa niche et son segment. Il existe un marché pour tous, diversifié, avec de nombreux locataires. Bruxelles, par exemple, est une ville incroyablement cosmopolite et compte beaucoup d’habitants ou de visiteurs qui viennent y résider pour des périodes de plus en plus courtes. La ville propose, en outre, suffisamment d’alternatives à la sacro-sainte voiture. Les investisseurs souhaitent de moins en moins s’encombrer de problèmes de gestion, et c’est la raison pour laquelle les promoteurs immobiliers sont de plus en plus nombreux à proposer des services annexes tels que la recherche et la gestion des locataires.
Il y a locataires et locataires
S’il y a beaucoup de locataires traditionnels qui n’ont pas les moyens d’acheter un logement, il existe aussi ceux qui ne souhaitent pas acheter. Du moins pas tout de suite. Des ménages avec deux revenus, de l’ordre de 2.000 euros net par mois chacun, ont les moyens d’acheter ou de construire, mais préfèrent parfois la mobilité et la flexibilité de vivre et travailler dans des villes différentes, voire à l’étranger, ne fût-ce que pendant un moment. Ils veulent profiter de la vie maintenant, pas demain, et ne sont pas prêts à renoncer à cette vie pour une voiture ou une maison. Arrivés dans la quarantaine, et une fois passées ces années un peu folles, ils finiront peut-être par acheter leur propre logement. Les familles recomposées ont elles aussi parfois besoin d’un appartement locatif supplémentaire.
Il y a bien sûr aussi les locataires moins nantis. Ils représentent un risque pour un investisseur car la perte de quelques mois de loyer, par défaut de paiement ou par vacance du logement, ne se com- pense pas rapidement. Sauf sur un marché où les loyers augmentent vite et fort, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Si vos locataires sont envoyés par une agence immobilière sociale (AIS) agréée, vous avez la garantie de douze mois de loyer par an avec indexation. L’AIS reste garante pendant plusieurs années, même en cas d’insolvabilité ou de départ du locataire. Certains promoteurs immobiliers concluent des contrats locatifs (de très longue durée) avec une AIS et proposent des appartements loués aux investisseurs. Cela peut également se faire avec des organismes spécialisés dans le logement de personnes à mobilité réduite. Il s’agit certainement d’une solution intéressante car, même si le rendement est un peu moins élevé, il a au moins l’avantage d’être garanti.
Mode ou niche
Outre les maisons traditionnelles ou les appartements, vous pouvez également investir dans des ‘niches’ telles que les immeubles d’habitat groupé (co-living), axés sur le partage de l’espace et la mobilité en matière de logement. Les résidents de ce genre d’immeubles disposent de leur propre chambre à coucher, d’un séjour et de sanitaires, et partagent en dehors de cela une cuisine avec salle à manger et séjour (supplémentaire) communs.
Les résidents louent généralement pour de courtes durées. Ce sont souvent de jeunes travailleurs fraîchement diplômés, des personnes en train de construire ailleurs, des expatriés, des entrepreneurs dans une start-up, qui louent un espace de vie pour quelques mois. Le co-habitat ne représente pas une part très importante du marché du logement car le Belge aime son intimité et son espace privé. Certains professionnels de la construction prédisent néanmoins que, d’ici 2060, la moitié des Belges seront célibataires…
Dans le cadre du coworking, les locataires partagent la salle de réunion, utilisent la même machine à café et la même imprimante couleur, et réservent du temps auprès d’un(e) réceptionniste ou d’un(e) collaborateur/-trice administratif/-ve. Ce genre d’espace est généralement plus cher au mètre carré qu’un bureau classique, mais on y bénéficie en plus de quelques services bien utiles. Dans un réseau de coworkers, il est en effet possible de nouer des contacts intéressants, de bénéficier de conseils ou d’une aide temporaire.
Acheter de façon rationnelle, jamais émotionnelle
L’immobilier propose diverses pistes aux investisseurs mais il faut évidemment commencer par décider si l’on souhaite investir dans des briques ou dans du papier, par exemple des titres de sociétés immobilières réglementées (SIR).
Aujourd’hui, il est également possible d’investir dans des actions d’une société patrimoniale propriétaire d’un ou de plusieurs immeubles. Il s’agit d’une simple opération financière, tout en ayant l’avantage d’être tangible et transparente. Quelle que soit la piste que vous empruntez, creusez bien la question, informez-vous, utilisez votre bon sens, lisez beaucoup, consultez des professionnels. Bref : achetez de façon rationnelle, jamais émotionnelle.
Conseils importants
– Assurez-vous qu’il y a bien un marché pour la location dans le quartier où vous souhaitez investir et comparez les loyers.
– Méfiez-vous des garanties locatives et des rendements (exagérément juteux) promis. Un rendement annuel moyen dans le secteur résidentiel est d’environ 3,5%, plus environ 2% de plus-value annuelle.
– Vous avez du temps, de l’expertise et vous avez deux mains droites ? Investissez dans des briques. Vous n’avez pas de temps et vous avez deux mains gauches ? Achetez des actions d’une société immobilière réglementée (SIR).
– Faites en sorte que la charge des intérêts reste inférieure au produit de la location. Si l’économie “crachote”, la Bourse en fera autant et l’époque ne sera pas propice à la vente d’immobilier.
– Les loyers ne grimperont jamais autant que l’intérêt, et l’intérêt grimpera sur plusieurs années.
– Respectez la règle d’1/3 (de tous les types de rentrées). Ce n’est pas parce que vous êtes capable de rembourser quelque chose aujourd’hui que vous pourrez continuer à le faire dans le futur.
(Source: Le Vif Extra: Make Money, Be Happy)
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