“La plus grande bulle de l’histoire” menace l’immobilier chinois

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Le plus riche des milliardaires chinois lance un cri d’alarme face à l’envolée des prix dans l’immobilier en Chine, un secteur crucial dans la deuxième économie mondiale, malgré les mesures prises pour endiguer l’expansion de cet insatiable marché.

Wang Jianlin, patron du conglomérat Wanda qui avait débuté dans l’immobilier commercial, ne cache plus ses inquiétudes au sujet d’un marché devenu “incontrôlable” face à l’appétit des épargnants pour la pierre, plus rémunératrice que la Bourse et les dépôts bancaires.

Les prix des logements continuent à grimper dans les grandes métropoles mais s’effritent dans les villes de taille plus modeste, aux prises avec d’énormes volumes d’appartements invendus, a-t-il expliqué à la chaîne de télévision américaine CNN.

“Je ne vois pas de bonnes solutions”, a poursuivi M. Wang. “Le gouvernement a mis en place toutes sortes de mesures, limitant les achats et le crédit, mais rien n’a fonctionné”.

De fait, les statistiques officielles s’affolent : à Xiamen, grande ville côtière du sud, les prix des logements ont bondi en août de 44,3% sur un an. A Shenzhen (sud), la hausse était de 38%, comme à Shanghai, où le prix au m2 neuf atteint 43.420 yuans (5.800 euros) selon le cabinet China Index Academy. A Pékin, elle était le mois dernier de 25,8% sur un an.

Même dans les villes moins importantes, la hausse a été d’environ 13,4%.

Myriade de mesures restrictives

Certes, cette reprise “aide la demande intérieure et l’économie”, au moment où la croissance chinoise s’essouffle, observe Wang Tao, économiste d’UBS. L’immobilier et le BTP représentent environ 15% du PIB chinois et soutiennent la production manufacturière -via notamment l’électroménager-, selon des estimations.

“Mais la récente envolée renforcera chez les autorités la crainte d’une nouvelle bulle et les incitera à s’y attaquer plus résolument”, ajoute Wang Tao.

Ma Jun, un responsable de la banque centrale, a d’ailleurs appelé lundi à “des mesures supplémentaires pour endiguer le gonflement de la bulle et contrôler les financements excessifs”.

Une myriade de mesures restrictives sont déjà apparues depuis le printemps dans les principales métropoles.

Afin de contrer la spéculation, Shenzhen, Shanghai ou encore Xiamen interdisent désormais les ventes d’appartements aux non-résidents.

Une mesure similaire est entrée en vigueur dimanche à Hangzhou (est) : la veille, des acheteurs potentiels affolés s’étaient rués avec frénésie chez des agents immobiliers pour d’ultimes acquisitions.

Shanghai a été jusqu’à suspendre les ventes de terrains. Cependant, rien ne fait retomber la fièvre.

Pour Christopher Balding, professeur à l’Université de Pékin, ces mesures restrictives sont “prises à contre-coeur” -le gouvernement ne voulant pas brider drastiquement l’activité- et “elles ne font qu’intensifier les efforts pour les contourner”.

Ainsi, le nombre des demandes de divorces a explosé dans certaines villes qui avaient décidé ou envisagé de réduire le nombre des propriétés par couple marié.

Envolée des prêts

Or, le récent boom immobilier, qui a commencé à l’automne 2015 après deux années de stagnation, s’explique avant tout par un crédit bon marché et celui-ci persiste.

Dopés par des baisses de taux et assouplissements répétés de la banque centrale, les prêts immobiliers ont encore augmenté de 32,2% sur un an en août.

“Il y a des inquiétudes croissantes sur l’endettement”, ce qui devrait conduire à “des mesures plus draconiennes pour dissuader la demande spéculative”, juge dans un rapport Helene Qiao, de Bank of America Merrill Lynch.

Le cocktail de fièvre immobilière et d’envolée des crédits n’est pas sans rappeler les “subprimes” américaines. A Shenzhen, jusqu’à 30% des achats immobiliers sont des investissements spéculatifs, selon l’agence de presse Chine nouvelle.

Plus généralement, l’envol de la dette chinoise publique et privée, évaluée à environ 250% du PIB, alimente déjà le spectre d’une crise financière dévastatrice.

Des mesures plus strictes, relevant notamment le niveau de l’apport personnel pour un prêt immobilier, “devraient conduire à de plus faibles ventes et à un recul des investissements”, prédit Mme Qiao.

L’équilibre restera cependant délicat, les autorités devant tâcher d’empêcher “un éclatement de la bulle, aux conséquences désastreuses”, prévient M. Balding, évoquant les sommes colossales que requerrait un renflouement du secteur.

Certains professionnels demeurent malgré tout d’un optimisme désarmant. “Quand je regarde Londres ou New York, je me dis que l’immobilier est sous-évalué à Pékin, où je vois le prix atteindre 100.000 yuans/m2 (13.400 euros) d’ici à cinq ans”, soit plus d’un doublement sur la période.

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