L’étrange histoire de la maison la plus chère du monde (vidéo)

Le Chateau Louis XIV © Reuters

Mohammed ben Salmane s’est offert un “Château Louis XIV”, près de Paris. Petite folie à 275 millions d’euros pour le jeune prince héritier d’Arabie saoudite. C’est aussi la demeure privée la plus chère au monde. Voici l’histoire un peu folle d’une maison pas comme les autres.

La propriété baptisée “Château Louis XIV” en référence au flamboyant “roi Soleil” a été construite à 25 kilomètres de Paris sur la commune de Louveciennes. Un endroit déjà prisée en son temps par La Du Barry ou encore par le peintre Auguste Renoir.

D’une surface habitable de 5.000 m2, le château aurait été confié à Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques. Le parc de 23 hectares serait lui de la main de Jean-François Régis, architecte-paysagiste. La demeure se veut une mini-réplique du fabuleux château de Versailles voisin. Elle est cependant plus proche d’une copie de Vaux-le-Vicomte, le château de Nicolas Fouquet, qui fut surintendant des finances de Louis XIV. De Versailles, on va tout de même reconstituer les bassins de Neptune et d’Apollon, dont les fontaines peuvent être contrôlées depuis un smartphone. La demeure allie en effet architecture du XVIIe et technologie moderne.

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Avant d’être transformé avec un luxe des plus décadents, le château n’était pourtant qu’une maison bourgeoise du XIXe siècle délabrée. Il sera vendu en 2008 à une société civile immobilière (SCI) inconnue “SCI Château Louis XIV” pour la somme de 5.5 millions d’euros. Son gérant s’appelle Emad Khashoggi.

C’est un promoteur mégalomane né à Beyrouth en 1968. Dès son plus jeune âge, il fréquente le beau monde. S’il se lance un temps dans la vente en ligne de produits équitables, il revient dès les années 2000 vers l’immobilier et la société Cogemad en particulier. Celle-ci se spécialise dans les “demeures et intérieurs haute couture” clés en main pour de riches Américains, Russes ou du Moyen-Orient. Khashoggi a néanmoins pour ses propres biens un penchant marqué pour le néoclassique véritable. Comme le Palais Rose du Vésinet, une réplique du Grand Trianon de Versailles. Sauf que, contrairement à son oncle qui était une figure de la jetset internationale, l’homme est discret.

S’en suivront près de quatre ans de travaux. Durant deux ans et demi ils mobiliseront même jusqu’à 120 ouvriers par jour. Tailleurs de pierre, sculpteurs, marbriers, doreurs et artisans vont s’affairer avec leur savoir-faire vieux de plusieurs siècles. Mais nulle question de restauration dans ce cas-ci, tout est bâti à neuf. Avec une seule exigence “tout doit répondre aux canons du XVIIe”. “Les 200 lustres et appliques, tous des pièces uniques fabriquées à la main, ont été choisis dans le catalogue de la célèbre maison Delisle. Les cuisines, livrées sur mesure et garanties sans bruit ni odeur, ont été fabriquées par La Cornue. Les marbres de France, de Carrare ou du Brésil sont tous des pièces rares” précise encore Paris Match. On va tout de même, dans un souci de modernité, y construire une salle de cinéma ainsi qu’un salon immergé qui semble tout droit sorti d’un James Bond, fausses ruines comprises.

On peut y prendre le thé sous un dôme aquarium de huit mètres de long sur cinq de large. Son seul transport depuis les États-Unis où il a été fabriqué aurait coûté la bagatelle de 46 200 euros. Personne ne connait, par contre, le prix de l’aquarium.

Après les travaux, la demeure va rester comme endormie, attendant le propriétaire idéal. Durant près de trois ans, seuls un gardien et le régisseur vivront sur la propriété non meublée. Tout change lorsque Kim Kardashian est photographiée devant la demeure le 14 avril 2014 avec Olivier Rousteing, le directeur artistique de Balmain.

On la voit sur les réseaux sociaux posant dans le fameux salon sous-marin. Beaucoup penseront que c’est là qu’elle va épouser Kanye West. “C’était un échange de bons procédés”, s’amuse un ancien du château dans Le Monde. “Ça permettait de noyer le poisson et elle nous faisait un peu de pub.” Cette même année, le Sunday Times consacre quelques pages à la demeure et sort un hors-série de commande du magazine Connaissance des Arts.

La luxueuse propriété sera finalement vendue en septembre 2015 par la société française spécialisée dans l’immobilier de luxe Daniel Féau, membre du réseau Christie’s pour 275 millions.

Rien n’avait, à l’époque, filtré sur le nom du nouveau propriétaire, si ce n’est qu’il était “du Moyen-Orient”, avait simplement indiqué une source proche du dossier. Il restera inconnu durant près de deux ans. Jusqu’en décembre 2017. Le New York Times (NYT) affirme alors que le propriétaire actuel est “MBS”, le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane. Un prince qui pourtant se fait fort de lutter contre la corruption tout en prônant l’austérité. Le site français d’information Mediapart avait lui dès juillet révélé le prince comme l’acquéreur.

Chantre anti-corruption

Le prince mène depuis moins de deux ans une politique de réformes drastiques sur le plan économique, social et sociétal qui bouleverse les habitudes du royaume saoudien ultra-conservateur et vise notamment à le rendre moins dépendant de la manne du pétrole. Plus de 200 personnalités influentes ont été arrêtées dans le cadre d’une opération anticorruption, dont des ministres et ex-ministres. La plupart ont été remis en liberté en échange du remboursement des sommes considérées comme mal acquises. Selon le NYT, les sociétés françaises détenant “Château Louis XIV” sont gérées par une firme luxembourgeoise, Prestigestate SARL, à son tour contrôlée par “Eight Investment”. Thamer Nassief, qui se présente sur le site LinkedIn comme “président des affaires privées du prince héritier”, est un des directeurs à la fois d’Eight Investment et de Prestigestate, ajoute le NYT sur son site internet. Selon des documents consultés par le journal, Eight Investment est “la propriété de membres de la famille royale saoudienne”. Eight Investment est également derrière le rachat d’un yacht d’une valeur de 500 millions de dollars en 2015, ainsi que le tableau de Léonard de Vinci, “Salvator mundi” (Sauveur du monde), récemment vendu aux enchères pour 450 millions de dollars, rappelle le NYT.

Mohammed Ben Salman, à 32 ans, tente de changer l'image de l'Arabie saoudite.
Mohammed Ben Salman, à 32 ans, tente de changer l’image de l’Arabie saoudite.© AFP

Le prince va néanmoins faire encore quelques menus travaux après avoir acheté la demeure. On va construire des écuries et une nouvelle maison de gardien. La décoration, pourtant soignée jusque dans les détails, sera elle aussi changée. On aurait demandé à l’architecte d’intérieur Jacques Garcia de refaire la décoration de fond en comble. De nombreux objets comme les meubles de la salle de cinéma, des cuisines ou des reproductions de tableau seront revendus par ailleurs dans la discrétion. Un lifting qui aurait fait monter encore davantage une note déjà pharaonique.

Emad Khashoggi s’est, depuis la vente, fait encore plus discret qu’à son habitude. La plupart de ses activités sont aujourd’hui gérées par un homme de confiance. Il vit à Londres où il a acheté l’année dernière l’une des villas les plus chics du quartier de Belgravia pour 19,5 millions d’euros.

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