Incertitudes sur le marché immobilier résidentiel

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Hans Brockmans redacteur chez Trends

La plupart des analystes se disent provisoirement rassurés : pas de grosses tempêtes en vue sur le marché résidentiel. Les hausses de prix et le possible flottement économique suscitent malgré tout quelques inquiétudes.

En Belgique, le prix médian des maisons a progressé de 4,5% en 2018 jusqu’à 230.000 euros. Les appartements ont moins bien performé : progression de 2,6% à 195.000 euros. Le prix des terrains à bâtir, quant à lui, a légèrement reculé (- 0,6%) à 161 euros/m2, selon la Fédération royale du notariat belge.

Pas de bulle spéculative

Le prix des habitations a doublé depuis 2000 en Belgique. Lors de la crise financière, il a enregistré un léger tassement de 3% trois trimestres durant seulement. Selon une étude de la Banque nationale de décembre 2018, les prix au deuxième trimestre 2018 étaient de 6% supérieurs à l’équilibre escompté. ” Cette légère surestimation semble indiquer qu’il n’y a pas de bulle spéculative sur le marché résidentiel belge, conclut l’étude. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun risque de baisse des prix, en particulier en cas de forte détérioration d’un des facteurs déterminants des prix de l’immobilier comme une forte hausse inopinée des taux hypothécaires par exemple. ”

Malgré l’interruption en janvier 2019 du programme de rachat des obligations par la BCE, rien ne laisse présager un resserrement de la politique monétaire. ” Une augmentation des taux d’intérêt semble peu probable à court terme, d’autant que la Banque centrale européenne a clairement signifié son intention de ne pas y recourir en 2019, fait remarquer Steven Trypsteen, économiste d’ING Belgique. Les taux ne repartiront pas à la hausse avant fin 2020. La BCE veut à tout prix éviter de créer des remous sur les marchés résidentiels européens. Les taux historiquement bas encouragent les familles à acquérir leur logement. Les investisseurs sont à nouveau confrontés à l’agitation des marchés actionnaires depuis quelques mois, ce qui ne fait que renforcer l’attrait de l’immobilier à leurs yeux. ” Selon les prévisions d’ING, la valeur nominale des habitations en Belgique devrait augmenter de 2 points cette année.

KBC anticipe également une majoration de 2 à 2,5% en 2019 et 2020. ” Une bonne nouvelle, assure Johan Van Gompel, économiste en chef de la banque. Après la forte hausse de 3,6% en 2017, nous prévoyons une légère majoration de 2,9% en 2019. ” Johan Van Gompel se base sur les chiffres de Statbel, moins volatils que ceux de la Fédération des notaires, selon lui. ” Je suis plus prudent vis-à-vis du marché résidentiel que les autres années, sans pour autant sombrer dans le pessimisme. Une certaine réserve en matière d’octroi de crédit et la modération de l’enthousiasme des investisseurs devraient éviter la surchauffe du marché immobilier belge. ”

A en croire John Romain, numéro un d’Immotheker, les taux ne devraient pas enregistrer de forte hausse à moyen terme. ” La population vieillit et dépense moins, d’où un ralentissement de la croissance. Un scénario à la japonaise. Les taux devraient donc rester assez faibles encore un moment. Par ailleurs, les taux sont tellement bas que même un redoublement sera pour ainsi dire sans effet sur les prix de l’immobilier. ”

La meilleure offre détermine le prix

Le professeur Marc De Ceuster, directeur académique Real Estate Management à l’Antwerp Management School (UA), se montre moins optimiste. ” On a tendance à oublier que les prix de l’immobilier résidentiel peuvent aussi repartir à la baisse, prévient-il. De l’avis de nombreux économistes belges, les fondamentaux de l’immobilier sont sains et les prix plutôt corrects. La moyenne et les autres variables sont importantes pour une projection correcte du prix médian des habitations, c’est certain. Ceci dit, ce ne sont pas les moyennes qui déterminent le prix mais bien la meilleure offre des candidats acheteurs. Il faut aussi tenir compte des marchés financiers que les investisseurs désertent pour se lancer sur l’immobilier résidentiel. Le phénomène peut sérieusement biaiser les estimations. De plus, les analystes se basent sur des données chiffrées qui remontent grosso modo à une quarantaine d’années. Le recul est nettement insuffisant. ”

Marc De Ceuster cite l’Herengracht Index de son collègue néerlandais Piet Eichholtz qui a répertorié les prix des logements le long du canal éponyme, l’Herengracht, à Amsterdam, au cours des 350 dernières années. Le constat est sans appel : l’immobilier produit un rendement réel de 0,2% par an. ” D’un point de vue historique, le résidentiel constitue un investissement de qualité mais les soubresauts baissiers du marché qu’un acheteur privé peut subir de son vivant réduisent considérablement la valeur de son investissement , constate Marc De Ceuster. Celui qui s’imagine que son habitation est un investissement sans risque pourrait en être pour ses frais. Il suffit de pas grand-chose. Une baisse des taux d’intérêt de l’ordre de 1% peut avoir un impact très négatif sur les prix. Je ne dis pas que cela se produira mais c’est toujours possible. ”

” Quand les choses tournent mal, elles tournent vraiment mal, ajoute Steven Trypsteen d’ING. Une guerre commerciale ou la diminution drastique des exportations due à un Brexit dur peut provoquer une véritable onde de choc. ”

Incertitude croissante

John Romain fait état d'” une incertitude croissante sur le marché résidentiel “. Le nombre d’hypothèques passées devant notaire a augmenté de 6% de janvier 2018 à janvier 2019. Il n’a jamais été aussi élevé depuis 2010. Le montant emprunté en moyenne a progressé de 3% et n’a jamais été aussi élevé. ” Une évolution qui va en s’accélérant “, constate-t-il. Le nombre de demandes a augmenté de 8% pour un emprunt de 6% supérieur en moyenne.

L’étude de la Banque nationale, citée précédemment, incite à la prudence : les dettes hypothécaires des ménages constituent un danger potentiel pour la stabilité financière des banques. La dette des ménages belges – 61% du PIB – est en constante augmentation depuis 10 ans. En revanche, les Belges ont une capacité financière relativement élevée qui leur permet de rembourser le prêt en cas de baisse impromptue de leurs revenus.

Les portefeuilles hypothécaires des banques belges incluent une part importante de prêts qui, en cas de grave crise économique, pourraient se solder par un nombre de défauts de paiement plus élevé que prévu. ” La Banque nationale s’inquiète et à juste titre, estime John Romain. Elle incite les banques à allouer plus de capitaux pour des crédits risqués avec un prêt de 80% ou plus de la valeur d’achat. Mais le vrai problème est la capacité de remboursement des Belges en difficulté financière. ”

Selon les données les plus récentes, 14,5% des dettes hypothécaires sont imputables aux ménages qui consacrent plus de 30% de leurs revenus au remboursement de leur prêt hypothécaire et dont les actifs financiers liquides couvrent moins de six mois de remboursement hypothécaire.

” Le salaire réel des travailleurs de 25 à 40 ans a diminué de 10% ces 10 dernières années, souligne John Romain. Le montant des crédits hypothécaires augmente. Celui qui dépense plus de 30% des revenus familiaux pour le remboursement de son habitation risque d’être en difficulté en cas de choc financier. Pour le moment, l’emploi est au beau fixe en Belgique. Mais si une crise devait advenir – et cela finira bien par arriver un jour -, de nombreux travailleurs risquent de se retrouver sans emploi. Le remboursement de l’habitation devient alors un réel problème. Les familles devraient en tenir compte dans leur planning financier. Si vous habitez en Flandre, vous avez tout intérêt à conclure l’assurance gratuite habitation garantie. ”

Hans Brockmans

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