Yahoo peut-il encore s’en sortir seul ?

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En pleine crise d’identité, le portail envisage de licencier plusieurs centaines de salariés, dans un contexte de faible croissance et de rumeurs de rachat. Le point sur ses difficultés et ses derniers atouts.

Par Raphaële Karayan

Perte de parts de marché, innovation en panne… Yahoo n’est pas près de voir le bout du tunnel. Le portail, dont les résultats trimestriels ont déçu, qui fait l’objet d’insistantes rumeurs de rachat, dans un contexte de remise en cause du leadership de sa directrice générale par une partie des actionnaires, devrait procéder bientôt au licenciement d’au moins 10% de ses effectifs mondiaux. Une énième difficulté pour la société, qui ne parvient pas à redresser sa marque malgré un héritage qui brille encore dans certains domaines. Le point sur sa situation.

650 salariés sur le carreau TechCrunch a d’abord évoqué le chiffre de 20% de suppressions de postes. L’entreprise, qui compterait 14 100 employés, n’a pas démenti le plan de licenciement mais contesté l’ampleur annoncée. Selon le site AllThingsDigital, il porterait plutôt sur 10% de la masse salariale, et toucherait principalement la division produit qui emploie 6500 personnes. Yahoo avait déjà licencié en 2009, y compris en France.

Croissance en panne La croissance atteint péniblement 2%, et le redressement des marges ne suffit pas à contenter les analystes. Ce qu’ils attendent, ce sont des perspectives de croissance et Yahoo n’est pas en mesure de leur en donner. Cela fait une éternité que le portail n’a pas apporté d’innovation majeure, la stratégie de Carol Bartz depuis deux ans ayant surtout consisté en un recentrage sur le coeur de métier de Yahoo, par le biais de revente d’actifs non stratégiques. “Yahoo ressemble encore à une marquee 1.0 dans un monde 2.0”, critique un analyste cite par Bloomberg. Conséquence : la valorisation de la société est au plus bas. Le titre cote actuellement à 16,6 dollars. Il a perdu 33% sur les trois dernières années, et plus de la moitié de sa valeur en 5 ans. L’entreprise pèse aujourd’hui environ 22 milliards de dollars. En 2008, Microsoft avait offert 47,5 milliards de dollars dans une OPA hostile pour la racheter.

Rumeurs de rapprochement avec AOL Bien qu’AOL pèse beaucoup moins que Yahoo (2,8 milliards de dollars), les rumeurs de rapprochement entre les deux sociétés ne tarissent pas. Selon les versions, AOL irait seul ou accompagné par des fonds d’investissement. Alibaba, dans lequel Yahoo possède une participation et qui voudrait bien se défaire de cet actionnaire (mais Yahoo ne veut pas vendre), pourrait avoir un rôle à jouer dans un montage financier. Alibaba pèserait environ 10 milliards de dollars dans la valorisation de Yahoo.

Carol Bartz n’a pas convaincu Deux ans après son arrivée à la tête de Yahoo, la directrice générale donne l’impression de se débattre dans des sables mouvants. Tout ce qu’elle tente ne fait que l’enfoncer davantage. Aux manettes depuis janvier 2009, après que Yahoo eut décliné l’offre de rachat de Microsoft, elle n’a pas réussi à retenir ses cadres, ni à redresser le cours de l’action. Une brochette de dirigeants se sont fait la malle, dont la patronne de Yahoo US. Carol Bartz affirme à qui veut bien l’entendre que Yahoo est sur la bonne voie et qu’il faut seulement lui donner du temps, malheureusement pour elle ses heures sont comptées.

Positionnement : un problème d’identité Yahoo est confronté au même problème qu’AOL avant son repositionnement sur les contenus. Une marque forte autrefois, qui s’est petit à petit délitée pour ne plus dire grand-chose à personne. Qu’est-ce que Yahoo aujourd’hui ? “Une série d’expériences web fournies sur une variété de terminaux qui donne aux gens ce qu’ils veulent. Et qui relie des annonceurs à une audience mondiale. Yahoo, c’est la capacité de fournir des expériences aux individus qui leur permettent d’entretenir des relations entre eux.” Hum… C’est la réponse du directeur des produits de Yaoo, qualifiée de “pire pitch” par un journaliste de AllThingsDigital.

Ce que Yahoo a cherché à faire, c’est se recentrer sur son coeur de métier, celui de portail de contenus, fort en finance, en sport et en actu. Pour cela, il a acheté Citizen Sports, Associated Content, abandonné son activité de moteur de recherche pour un partenariat avec Bing (et depuis août, Microsoft est passé devant Yahoo en part de marché de la recherche), celle de comparateur de prix pour un partenariat avec PriceGrabber, revendu HotJobs à Monster, sa suite bureautique Zimbra à VMWare… Problème : ce “coeur d’activité” vaut zéro pour un analyste américain de ThinkEquity ! Pourtant, Yahoo est quand même n°2 en audience derrière Google et devant Microsoft en septembre aux Etats-Unis, selon ComScore, et capte encore 9,5% du temps des internautes américains (chiffres de septembre). Mais ce chiffre est en baisse (13,8% il y a deux ans).

Au-delà du contenu, Yahoo est encore fort sur les webmails, puisqu’il est premier aux Etats-Unis et deux fois plus gros que Hotmail. Il concentre par ailleurs une grande partie des investissements publicitaires “display” (affichage), avec 11% de part de marché au troisième trimestre 2010 selon ComScore. Mais derrière Facebook (23%), qui s’apprête aussi à envahir le monde du webmail. C’est bien le problème. La marque Yahoo fait référence à la notion de portail, mais à l’heure de Facebook et des réseaux sociaux, à l’heure des multiples façons de communiquer et de chercher de l’information sur le web, cela ne veut plus rien dire. Yahoo n’a pas su prendre ce tournant, se limitant jusqu’à présent à intégrer dans ses produits les fonctionnalités des réseaux en vogue : Facebook, et Twitter.

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