Reconnaissance faciale et vie privée: un strict encadrement préconisé

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Comment éviter de tomber dans une société entre Black Mirror et Big Brother? En France, la commission chargée de ces questions a dessiné des “lignes rouges” à ne pas franchir dans l’utilisation de la reconnaissance faciale, en matière de respect de la vie privée des citoyens notamment.

“Tout n’est pas et ne sera pas permis en matière de reconnaissance faciale”, prévient un rapport publié vendredi de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) qui souligne le “potentiel de surveillance inédit pouvant mettre en cause des choix de société”.

Que ce soit dans 1984, le roman de George Orwell, ou dans la série télévisée britannique d’anticipation Black Mirror où un lecteur implanté dans l’oeil permet un accès à Internet et à ses données personnelles, la reconnaissance faciale est depuis longtemps associée à une restriction des libertés.

S’il ne s’oppose pas sur le principe à l’utilisation de la reconnaissance faciale, le gendarme français des données personnelles met justement l’accent sur plusieurs exigences pour en encadrer l’expérimentation.

D’abord, “dessiner des frontières” et ce avant tout usage, même expérimental, afin de définir le champ de ce qui est “souhaitable” politiquement et socialement et de ce qui est “possible” technologiquement et financièrement.

La Cnil rappelle par exemple qu’elle reconnaît la légitimité de certaines pratiques comme le contrôle de l’accès au carnaval de Nice, sur la riviera française, sur un échantillon de volontaires.

A l’inverse, elle indique qu’elle s’est opposée à son usage pour l’accès à des établissements scolaires.

Fin octobre, l’institution s’était opposée à la mise en place d’un portique virtuel de contrôle d’accès à leurs établissements par reconnaissance faciale dans un lycée niçois et un autre à Marseille.

La Cnil avait alors préconisé d’utiliser les moyens déjà existants, moins intrusifs, comme un contrôle par badge, estimant la reconnaissance faciale “disproportionnée”.

– Expérimentations encadrées –

Dans son rapport, l’organisme recommande également de porter une attention particulière au respect des données personnelles qui pourraient être utilisées via la reconnaissance faciale.

Elle met en avant quelques points cardinaux à respecter sur le sujet: le consentement des personnes ciblées, le contrôle des données par les individus, la transparence, le droit de retrait du dispositif et d’accès aux informations ou encore la sécurité des données biométriques.

“Les expérimentations ne sauraient éthiquement avoir pour objet ou pour effet d’accoutumer les personnes à des techniques de surveillance intrusive”, martèle l’institution.

Enfin, la Cnil préconise une véritable démarche expérimentale afin de “tester et de parfaire des solutions techniques respectueuses du cadre juridique”.

“L’ensemble de ces impacts doit être mûrement soupesé car ce sont les termes du contrat social que certaines évolutions technologiques peuvent redéfinir à bas bruit”, prévient-elle.

“Avec ce rapport, la Cnil vulgarise bien ce qu’est la reconnaissance faciale, elle réaffirme les principes existants et elle va plus loin en voulant encadrer les expérimentations tout en rappelant qu’elle a le pouvoir d’imposer des correctifs”, résume pour l’AFP Sabine Marcellin, avocate spécialisée dans le droit du numérique.

“Dans ce rapport, beaucoup de choses intéressantes sont dites sur les problèmes d’acceptabilité, de remise en cause complète de l’anonymat, d’usages complètement abusifs”, reconnaît Sylvain Steer, membre de la Quadrature du Net, une association qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.

“Mais on sent que la Cnil est prise entre la chèvre et le chou, elle a de bonnes intuitions intellectuelles mais manque un peu de courage politique pour les mener encore plus loin”, affirme-t-il à l’AFP.

La reconnaissance faciale a fait d’énormes progrès ces dernières années grâce aux avancées technologiques de l’intelligence artificielle. Elle est notamment massivement utilisée en Chine.

En France, le groupe ADP compte notamment expérimenter cette technologie l’an prochain à l’aéroport de Paris-Orly où la reconnaissance faciale permettra aux passagers de passer différents contrôles, de l’enregistrement à l’embarquement.

Le ministère de l’Intérieur expérimente de son côté Alicem, une application qui donnera aux utilisateurs de smartphones un sésame pour accéder à des services en ligne nécessitant une forte sécurité d’identification en échange d’une étape de reconnaissance faciale.

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