Ils rêvent de marcher dans les traces de Vente-Privée

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Venu de France, le déstockage sur Internet est en plein essor chez nous.

Une success-story qui a du mal à percer hors de France

Fondé en 2001, le site français Vente-Privée a connu des premières années très difficiles. A plusieurs reprises, il a même failli mettre la clé sous le paillasson. Mais Jacques-Antoine Granjon, son fondateur et PDG, qui travaillait depuis plus de 15 ans dans le déstockage de vêtements avant de se lancer sur Internet, a eu raison de s’accrocher. Car depuis lors, son concept est parvenu à séduire des millions de consommateurs et Vente-Privée est devenu une des plus belles réussites de l’e-commerce européen. Son idée a d’ailleurs été copiée dans le monde entier,

y compris aux Etats-Unis.

En 2009, le groupe Vente-Privée a réalisé un chiffre d’affaires de 680 millions d’euros, en progression de 33 % par rapport à 2008, et a organisé un total de 2.500 ventes pour plus de 1.200 marques. La société, qui dispose de plus de 125.000 m2 d’entrepôts près de Paris et de Lyon, a terminé l’année dernière avec quelque 1.250 collaborateurs, tandis qu’elle prévoit une nouvelle hausse de 25 % de son chiffre d’affaires en 2010. Mais si les choses se passent très bien en France, où Vente-Privée peut encore et toujours compter sur une part de marché monstrueuse (entre 80 et 90 %) malgré les innombrables sites qui imitent son concept, la conquête du reste de l’Europe s’avère beaucoup plus difficile. En 2009, les activités internationales de Vente-Privée (Espagne, Allemagne, Italie et Royaume-Uni) représentaient toujours moins de 15 % de son chiffre d’affaires, ce qui prouve que ces différentes filiales connaissent un démarrage beaucoup plus lent que prévu. Là aussi, Jacques-Antoine Granjon s’accroche, mais il est bien obligé de reconnaître que 2010 sera “une année charnière”.

Des produits de marque à prix réduits pendant seulement quelques jours : telle est la recette du succès des ventes privées sur Internet. Trois sites belges rêvent de conquérir ce marché très prometteur : Vente-Exclusive, Snapstore et Outlet-Avenue.

Cela bouge enfin dans l’e-commerce belge ! Certes, la Belgique reste largement à la traîne par rapport à ses voisins, mais les chiffres publiés voici quelques semaines par Ogone, un des principaux fournisseurs de solutions de paiement sur Internet, montrent que les sites marchands belges sont non seulement de plus en plus nombreux mais qu’en plus, ils ont le vent en poupe malgré la crise : l’an dernier, le nombre de transactions traitées par ces sites a augmenté de 31 % pour atteindre 8,4 millions de paiements, tandis que la somme traitée totale a atteint 705 millions d’euros, ce qui représente une croissance de 20 % par rapport à 2008.

Selon Ogone, un des phénomènes ayant caractérisé le secteur en 2009 est le succès des sites private sales, à savoir des sites de déstockage qui vendent des produits de marques à prix réduit pendant seulement quelques jours, en jouant sur le caractère exclusif (il faut être parrainé pour y avoir accès) et éphémère de ces ventes, deux éléments qui semblent particulièrement bien fonctionner sur Internet. Sans compter que la crise a accentué l’appétit des consommateurs pour les “bonnes affaires”. “Comme souvent, la Belgique est en retard par rapport à ce phénomène, qui est apparu dans la plupart des pays européens depuis plusieurs années déjà, note Pierre Willaert, le directeur d’Ogone en Belgique. Cela n’empêche pas que l’on a vu une croissance spectaculaire, et bien au-dessus de la moyenne, des sites belges de ventes privées en 2009.”

Le principal modèle de ces sites belges est le français Vente-Privée, une des plus belles success stories de l’e-commerce européen (lire notre encadré). Or, ce dernier n’est pas présent chez nous car il préfère pour l’instant se focaliser sur la France et quelques autres pays européens (Espagne, Allemagne, Italie et Royaume-Uni). Bref, une opportunité est à saisir. “Il y a une place à prendre dans la mesure où il existe clairement une demande et où les grands groupes étrangers se méfient de la complexité du petit marché belge, confirme Pierre Willaert. Mais ça ne durera pas forcément : il faut donc que des entrepreneurs belges se lancent dès maintenant !” Trois d’entre eux rêvent de prendre la main sur ce marché en plein essor : Vente-Exclusive, Snapstore et Outlet-Avenue.

1 Vente-Exclusive : le “pure player” qui veut conquérir le Benelux

Fondé par deux entrepreneurs chevronnés (Léon Seynaeve, cofondateur de Mitiska, et Stefan Tournoy, un ancien d’Accenture), le site belge Vente-Exclusive a été créé en novembre 2006 et a réalisé sa première vente en mars 2007. Après une première phase de rodage et d'”éducation du marché”, il est passéà la vitesse supérieure au printemps 2008 lors de la nomination d’un CEO full-time, en l’occurrence Lionel Lammens. Fort d’une expérience de 10 ans chez Belgacom, où il a assisté en première ligne à l’éclosion lente mais certaine de l’e-commerce en Belgique, ce spé-cialiste du marketing est ravi de goûter à l’expérience d’une start-up. Pour lui, c’est clair : Vente-Exclusive peut profiter de son “first mover advantage” pour devenir le “Vente-Privée” du Benelux. Autrement dit, il estime que son site doit exploiter pleinement la petite avance qu’il a prise sur ses concurrents. “Nous sommes les seuls àêtre actifs dans le Benelux, avec un bureau en Belgique et un autre aux Pays-Bas, ce qui est très important pour être proche des marques locales”, explique Lionel Lammens. Quant au fait d’avoir un nom à consonance française, il estime que cela ne constitue pas un handicap pour s’attaquer aux marchés flamand et néerlandais dans la mesure où le français est associé par les consommateurs au monde de la mode et du luxe. En 2010, il compte d’ailleurs se focaliser davantage sur les Pays-Bas. “Tout simplement parce que le potentiel y est beaucoup plus important, précise-t-il. Le marché néerlandais de l’e-commerce est cinq fois plus gros que le marché belge.” Cela dit, il reconnaît que depuis deux ans, on assiste tout de même à un décollage du commerce électronique en Belgique. D’ailleurs, 60 % des 450.000 membres inscrits aujourd’hui sur Vente-Exclusive sont Belges, contre 40 % de Néerlandais. “D’ici la fin de cette année, cette répartition devrait passer à 50/50”, souligne Lionel Lammens, qui pronostique également un doublement du nombre de membres en 2010.

Mais encore faut-il que ces membres soient actifs, ce qui est aujourd’hui le cas d’environ 15 % d’entre eux. “Le plus dur est d’amener l’internaute à faire un premier achat, confirme le CEO du site. Une fois que c’est le cas et que tout s’est bien passé, non seulement il revient mais en plus il invite ses amis.” A noter que trois quarts des clients de Vente-Exclusive sont des femmes, dont la grande majorité a entre 25 et 45 ans, souvent avec des jeunes enfants, un agenda professionnel bien rempli et un pouvoir d’achat intéressant. “Ce sont des personnes qui n’ont pas le temps de faire du shopping, remarque Lionel Lammens. Nous enregistrons d’ailleurs nos pics de ventes entre 9 et 11 heures.” Spécialisé dans la mode et le lifestyle (vêtements, chaussures, montres, bijoux, décoration, lingerie…), Vente-Exclusive affirme ne pas vouloir céder à la tentation de la diversification. “Plutôt que de devenir un supermarché du Web, ce qui est le danger qui guette Vente-Privée en France, nous voulons rester cohérents dans notre offre.” Pas question non plus d’ouvrir des magasins “réels” : la société veut demeurer un “pure player“, c’est-à-dire un acteur actif uniquement sur le Web.

Ayant réalisé un chiffre d’affaires de 6,5 millions d’euros en 2009, le site belge a atteint l’équilibre financier six mois plus tôt que prévu et vise une croissance “à trois chiffres” en 2010. Pour ce faire, Vente-Exclusive, qui emploie une petite trentaine de personnes à l’heure actuelle, veut engager tous les mois une à deux personnes supplémentaires pour faire face à la demande et pour soigner la présentation des produits sur son site. Fait notable : Vente-Exclusive travaille quasiment sans stocks. La commande finale auprès de la marque concernée ne se fait qu’une fois que la vente sur le site est clôturée, ce qui explique pourquoi les délais de livraison sont assez longs (de deux à trois semaines). Ayant travaillé avec 70 marques en 2009, dont Diesel, Kipling ou Oxbow, Vente-Exclusive veut franchir cette année la barre des 100 marques et des 300 “ventes événementielles”.

www.vente-exclusive.be

2 Snapstore : le prolongement de Caméléon sur le Web

Le business model de Snapstore est radicalement différent de celui de Vente-Exclusive. Lancé début 2007, il ne s’agit pas d’un pure player mais du prolongement sur Internet de la société bruxelloise Caméléon, spécialisée depuis 20 ans dans le déstockage de vêtements de marques et qui dispose de trois “comptoirs privés”à Woluwe, Ixelles et Genval. “Nous fonctionnons de manière totalement bi-canal”, confirme Augustin Wigny, administrateur délégué de Caméléon. Autrement dit, ce sont les mêmes marques, les mêmes stocks et les mêmes membres, puisque lorsqu’on est inscrit chez Caméléon, on peut automatiquement accéder à Snapstore. “Au départ, nous avons opté pour deux noms différents pour éviter la confusion dans l’esprit de nos clients, poursuit Augustin Wigny. Mais maintenant que le site est bien établi, nos deux activités seront de plus en plus liées et intégrées opérationnellement.” La preuve : on parle désormais de “Snapstore by Caméléon”. A l’origine, Augustin Wigny reconnaît pourtant qu’il ne croyait pas tellement dans la vente sur le Web. “J’avoue que je suis étonné par le développement de l’Internet dans le textile, qui est vraiment devenu un phénomène gigantesque”, reconnaît-il, en précisant que les marques elles-mêmes sont demandeuses de pouvoir déstocker leurs produits par ce biais. Quels sont les chiffres de vente de Snapstore ? Combien de membres actifs compte le site ? Le patron de Caméléon refuse de le dire, en arguant du fait que sa société ne fait pas de distinction entre les ventes réalisées sur Internet et dans les magasins réels. L’administrateur délégué précise néanmoins que le Web a représenté plus de 10 % du chiffre d’affaires de 30 millions d’euros enregistré par Caméléon en 2009 (+ 30 % selon certaines sources. Et 70 % des nouveaux clients seraient flamands). “Cette proportion est appelée à dépasser rapidement les 20 %”, prévoit-il, en ajoutant que sa société devrait réaliser entre 40 et 50 millions de chiffre d’affaires cette année.

“A terme, l’Internet pourrait représenter 30 à 40 % de nos revenus”, pronostique Geoffroy Bauer, qui a lancé l’activité Snapstore au sein de Caméléon. Au départ, il était quasiment tout seul aux manettes, mais aujourd’hui son équipe est composée d’une vingtaine de personnes travaillant spécifiquement pour le site. Ce qui se vend le mieux sur Internet ? Les chaussures et la lingerie. “Et puis bien sûr, les grandes marques”, sourit-il, en précisant que les internautes commandent plus facilement lorsqu’ils connaissent déjà leur taille dans telle ou telle marque. “Mais même sur Internet, nous veillons à les aider, précise-t-il. Pour chaque vente, nous précisons, par exemple, si les vêtements taillent grand ou petit.” Contrairement à Vente-Exclusive, Snapstore fonctionne avec des stocks importants, qui sont bien sûr ceux de Caméléon. Une politique plus risquée, mais qui permet selon Augustin Wigny d’entretenir de meilleures relations avec les marques. “Nous répondons davantage à leurs besoins dans le sens où nous leur offrons une véritable solution industrielle et de long terme”, affirme-t-il. De manière générale, le patron de Caméléon estime que c’est cette confiance de la part des marques et des fournisseurs qui constitue le principal atout de sa société par rapport à ses concurrents sur l’Internet, de même qu’une base de clients fidèles et un panier moyen plus élevé que la moyenne. “Nous avons tous les atouts entre les mains pour nous imposer comme leader sur ce marché, à nous maintenant de faire en sorte d’y arriver.”

www.snapstore.be

3 Outlet-Avenue :le nouveau venu aux dents longues

Le site Outlet-Avenue est le dernier arrivé sur le marché belge du déstockage sur Internet, mais n’est certainement pas le moins ambitieux ! Derrière ce site lancé voici seulement quelques semaines, on retrouve un tandem composé du Français Yann Guyonic, qui dirigeait jusqu’il y a peu TéléSat après avoir travaillé pour Canal+ et Warner Bros, et du Belge Jean-Pol Boone, actif depuis des années dans l’économie numérique, d’abord chez Canal+, puis chez Universal et Vivendi. Après avoir déjà réalisé un certain nombre d’investissements communs dans l’immobilier, ce qui leur a donné les moyens de se lancer dans l’aventure Outlet-Avenue, ces deux très bons amis rêvaient depuis longtemps de fonder une société active sur le Web. “L’Internet était une évidence pour nous, restait juste à trouver la bonne idée”, souligne Jean-Pol Boone. Le déclic viendra de la France. “Comme j’y passe pas mal de temps et que je suis moi-même un client de Vente-Privée, je me suis rendu compte en lisant différents articles sur cette société dans des magazines économiques français qu’il existe vraiment une opportunitéà saisir dans ce domaine”, raconte Yann Guyonic. Une intuition confirmée par des études de marché, puis par des panels consommateurs. “Tous les panels que nous avons effectués, que ce soit en Wallonie, en Flandre ou aux Pays-Bas, ont confirmé qu’il y a un grand potentiel sur ce marché”, s’enthousiasme Jean-Pol Boone.

Mais si l’idée des deux amis est bien de s’inspirer du succès de Vente-Privée, leur objectif n’est pas pour autant de faire du “copier-coller” du site français. S’étant entourés d’un think tank d’experts pour les épauler, notamment en termes de logistique, les fondateurs d’Outlet-Avenue soulignent que leur site présente plusieurs innovations par rapport à la concurrence. “Nous sommes les premiers à offrir des bons d’achat, par exemple, ainsi qu’un système de parrainage où ce n’est pas seulement le parrain qui est récompensé mais également le filleul”, souligne Jean-Pol Boone. “Et puis, nous avons beaucoup travaillé sur la présentation du site afin de mettre les produits en valeur, renchérit Yann Guyonic. C’est une interface très intuitive, qui s’inspire notamment de sites tels que Facebook.”

Contrairement à Vente-Exclusive et Snapstore, qui se focalisent exclusivement sur la mode et le lifestyle, Outlet-Avenue n’hésite pas non plus à s’aventurer aussi sur d’autres terrains : le vin ou les GSM, par exemple. “Notre focus, c’est la bonne affaire, quelle qu’elle soit, poursuit Jean-Pol Boone. Comme nous sommes des opportunistes dans l’âme, nous ne refusons donc jamais une bonne idée lorsqu’elle se présente. En ce qui nous concerne, le déstockage peut aller très loin : ça ne se résume pas au luxe. Avant de lancer une vente, une seule question se pose : est-ce que ça va plaire ou pas aux consommateurs ? Pour le savoir, nous essayons toujours de nous mettre à leur place, en interrogeant des gens dans notre entourage.”

Outlet-Avenue n’arrive-t-il pas trop tard par rapport à ses deux concurrents belges ? Pour les deux fondateurs du site, la réponse est clairement non. Selon eux, l’avance prise par Vente-Exclusive et Snapstore n’a rien d’insurmontable. “Par rapport à la France, le marché belge n’a pas encore vraiment démarré : les 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires de Vente-Exclusive, ce n’est pas grand-chose”, affirme Jean-Pol Boone. “Nous n’avons pas quitté nos jobs bien payés dans des groupes intéressants pour faire de la figuration, lance Yann Guyonic. Notre objectif est bel et bien de devenir le n°1 dans le Benelux. Pour l’instant, nous nous focalisons sur la Belgique, mais si ça marche comme prévu, nous mettrons la gomme sur de nouveaux territoires d’ici quelques années. Notamment les Pays-Bas, bien sûr, mais aussi d’autres pays.” Les deux hommes sont manifestement très sûrs de leur coup. “Oui, nous sommes confiants, confirme l’entrepreneur français. Et d’ailleurs, les premiers chiffres nous donnent raison puisque nous avons connu un mois de février meilleur que ce que nous espérions.” La course à la place de n°1 est lancée !

www.outlet-avenue.be

Mathieu Van Overstraeten

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