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Et si on remplaçait les juges par une intelligence artificielle ?

La question a l’air bizarre et pourtant elle est posée par deux experts français, Olivier Babeau de la Fondation Concorde et le Dr Laurent Alexandre, spécialiste très connu des nouvelles technologies, dans le journal Les Echos.

À ceux qui s’étonnent qu’on puisse remplacer un juge par une intelligence artificielle, il faut rappeler en quoi consiste cette fonction: un juge doit synthétiser des milliers de pages de procédure, lire des rapports d’experts, consulter des textes de loi et la jurisprudence liée, et tout cela avant de rendre sa décision ! C’est un travail de titan et je connais pas mal de juges qui se plaignent de la lourdeur de leur travail et de leur manque de moyens.

Or, cette surcharge chronique fait que les décisions des juges ne sont pas toujours rendues dans la rationalité la plus parfaite. Sans compter que des éléments extérieurs peuvent parfois biaiser un jugement. Aux États-Unis, des études ont démontré que la médiatisation d’un procès rendait la décision plus sévère.

Pour éviter tous ces dérapages, tous ces biais psychologiques, l’idéal, selon les experts Olivier Babeau et le Dr Laurent Alexandre, serait que la justice puisse s’appuyer sur l’intelligence artificielle. Ils expliquent d’ailleurs qu’un cabinet d’avocats américain utilise déjà officiellement, depuis juin dernier, un logiciel capable d’analyser des tonnes de jurisprudence, d’en saisir le sens, leur degré d’application à un dossier précis et d’apporter des réponses argumentées à des questions posées directement. C’est évidemment une première, mais le Dr Laurent Alexandre et son collègue Olivier Babeau pensent que cette méthode va se généraliser.

Pour éviter la paralysie du système, il faudra certainement confier la Justice à l’intelligence artificielle

Bien sûr, il y a ceux qui diront que c’est impossible, prenez les affaires d’assise où l’intime conviction des jurés face à une culpabilité parfois incertaine est requise. Pour ces dossiers délicats, l’intervention d’un juge, d’un humain est nécessaire. Certes, mais ce que disent nos deux experts, c’est que la très grande majorité des cas qui passent au tribunal sont des affaires de commerce classiques, des divorces, des problèmes de voisinage, etc. Et pour cette majorité de cas, la machine, le logiciel, bref l’intelligence artificielle, peut être plus efficace, car elle capable d’avaler et d’interpréter en quelques secondes l’ensemble des cas similaires et des jugements passés et tout cela, en adaptant très finement sa décision au nouveau cas. Si l’avis de ces experts se révèle exact, nous pourrions – et quand je dis “nous”, c’est la société – économiser de très lourdes procédures et des années de délai.

En fait, nous n’aurons même pas le choix de refuser l’usage de l’intelligence artificielle, nous disent ces deux experts. Pourquoi ? Parce que demain, avec les voitures et camions autonomes et les milliards d’objets connectés en permanence à internet – drones, robots, frigos, immeubles intelligents – cet internet des objets va devenir la première source de contentieux en cas de panne et/ou d’accident. Notre système judiciaire sera donc paralysé, asphyxié. Il faudra donc sans doute confier la justice à l’intelligence artificielle. Voilà un excellent débat en perspective !

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