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Un employeur peut-il obliger ses travailleurs à revenir en présentiel si le télétravail est possible ou au contraire leur interdire de revenir?
Le 16 octobre dernier, le gouvernement a décidé de (ré)instaurer certaines mesures afin de lutter efficacement contre la propagation du coronavirus. L’une de celles-ci concerne le télétravail. Mais qu’en est-il exactement? Un employeur peut-il obliger ses travailleurs à revenir au bureau si le télétravail est possible? Ou bien leur interdire de revenir au bureau? Les employeurs doivent-ils payer une indemnité de télétravail? Qu’en est-il si un télétravailleur est obligé de garder ses enfants? Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional fait le tour de cette situation.
Un employeur peut-il obliger ses travailleurs à revenir au bureau ou bien, au contraire, leur interdire formellement de revenir sur le lieu de travail ?
Non, un employeur n’a pas le droit d’obliger ses travailleurs à revenir au sein des locaux de l’entreprise étant donné que le télétravail est redevenu la règle depuis ce lundi 19 octobre 2020 pour les fonctions qui s’y prêtent. “Avec les nouvelles mesures prises par le gouvernement, l’idée est vraiment que chacun travaille au maximum depuis son domicile et que le travail en entreprise soit l’exception” explique Catherine Mairy.
Par contre, on peut tout à fait imaginer que certains travailleurs reviennent partiellement au bureau pour effectuer des tâches bien précises et ainsi assurer la continuité des activités de l’entreprise. Prenons le cas, par exemple, de nouveaux collaborateurs qui doivent absolument recevoir une formation en présentiel pour apprendre à utiliser des outils informatiques.
L’employeur pourra, nous semble-t-il, leur demander de revenir sur place le temps de la formation tout en leur garantissant le respect des règles de distanciation. “Rappelons que l’employeur a le droit de demander à ses travailleurs de revenir sur place mais ne peut pas le leur imposer. L’idée est vraiment de trouver un commun accord et de rassurer le travailleur sur le principe. Si, par exemple, le travailleur se montre réticent car il ne souhaite pas emprunter les transports en commun, les parties peuvent s’accorder pour décaler les heures de la formation afin de lui éviter de se déplacer pendant les heures de pointe. L’important est que chacun fasse preuve de souplesse et de bon sens” explique Catherine Mairy.
Pour ce qui du retour au bureau, oui, l’employeur a le droit de l’interdire s’il ne peut pas garantir que les mesures sanitaires seront respectées. “Maintenant, à nouveau, il faut faire preuve de bon sens et le message est clair : il faut lutter contre l’isolement du travailleur. Cela signifie qu’il est important notamment de permettre aux travailleurs de revenir, ponctuellement et de manière encadrée, au bureau” poursuit Catherine Mairy.
L’employeur est-il tenu de payer une indemnité de télétravail à ses travailleurs ?
En ce qui concerne la question relative aux indemnités de télétravail, le raisonnement est toujours le même. Pour le télétravail structurel, le travailleur a droit à un remboursement de frais de la part de son employeur. En revanche, pour le télétravail occasionnel, ce dernier n’a pas droit à un remboursement.
“La question est de savoir si, dans le cadre de la crise du coronavirus, il s’agit de télétravail structurel ou occasionnel… et nous n’avons pas de réponse claire. Comme il est lié au Covid-19, on considère généralement que le télétravail reste occasionnel. Quoi qu’il en soit, les employeurs peuvent continuer à appliquer les règles qu’ils ont suivies jusqu’à aujourd’hui en matière de remboursement de frais. S’ils n’interviennent pas et qu’ils souhaitent dorénavant le faire, c’est bien sûr possible. Dans tous les cas, il est extrêmement important de bien négocier cela dans l’entreprise et d’en informer les travailleurs” explique Catherine Mairy.
L’employeur peut-il interdire au travailleur de garder ses enfants s’il est en télétravail ?
Oui, en théorie, un employeur pourrait tout à fait interdire à ses collaborateurs de garder leurs enfants lorsqu’ils sont en télétravail. “Cependant, il faut à nouveau faire preuve de bon sens et de souplesse tout en tenant compte du type de travail effectué par le travailleur. Prenons, par exemple, la situation du travailleur mis en quarantaine qui n’a pas d’autre choix que de garder son enfant à la maison tout en faisant du télétravail. Cela doit donc être réglé au cas par cas” explique Catherine Mairy.
Un télétravailleur a-t-il le droit de prester des heures supplémentaires ?
Etant donné que le télétravailleur a la possibilité d’organiser son temps comme il le souhaite pour autant que son travail soit fait correctement et dans les délais requis, il ne peut pas réclamer le paiement d’heures supplémentaires qui auraient été prestées à domicile.
“Si, par contre, il devait y avoir une urgence ou un travail exceptionnel qui obligerait le télétravailleur à faire plus d’heures que convenu, cela devient discutable mais, en pratique, il vaut toujours mieux privilégier le dialogue entre les parties pour trouver un arrangement. On pourrait, par exemple, imaginer la situation suivante : un travailleur qui a dû travailler toute une soirée pour effectuer un travail urgent à la demande de son employeur s’arrangera avec lui pour, par exemple, terminer plus tôt un jour où la charge de travail le lui permettra” poursuit Catherine Mairy.
La déconnexion : une notion fondamentale pour garantir le bien-être des travailleurs
Le télétravail comporte de nombreux avantages mais il peut également s’avérer compliqué pour les travailleurs de déconnecter étant donné qu’il n’y a pas de coupure physique entre l’espace privé et le lieu de travail. Afin d’éviter les dérives, il existe ce que l’on appelle “la déconnexion”. L’objectif de cette mesure est double : d’une part, lutter contre le stress excessif au travail et le burn-out et d’autre part, assurer le respect des temps de repos, vacances annuelles et autres congés des travailleurs et ainsi préserver l’équilibre entre le travail et la vie privée.
Pour pouvoir organiser cette déconnexion, il faut qu’il y ait une concertation dans l’entreprise. L’employeur doit donc, avec les (représentants des) travailleurs, trouver un accord et mettre en place une politique interne en matière de déconnexion.
“Par exemple, on pourrait imaginer que les travailleurs n’aient pas accès à leur e-mails le week-end, ni avant et après une certaine heure en journée pendant la semaine. Obtenir un accord n’est pas nécessairement simple, mais il est vraiment très important pour garantir le bien-être des travailleurs et donc leur efficacité. Cet accord peut bien entendu par la suite être adapté et/ou complété en fonction des besoins/demandes des travailleurs et de l’employeur. L’important est que chaque partie soit satisfaite et que l’objectif poursuivi dans le cadre de cet accord soit atteint” conclut Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional.
Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional
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