Uber fait le ménage parmi ses dirigeants, mais sera-ce suffisant ?

Travis Kalanick © Reuters

Face aux scandales à répétition qui ternissent son image, Uber fait le ménage dans les rangs de ses dirigeants mais doit encore lever les incertitudes qui pèsent sur son avenir, estiment les analystes.

Le numéro deux du géant de la location de voitures avec chauffeur a démissionné lundi, dernier épisode d’une longue série de renvois et de démissions sur fond d’accusations de sexisme, de harcèlement ou de vol de technologies.

Dimanche “était mon dernier jour chez Uber”, a écrit Emil Michael dans un mail aux salariés publié dans la presse, ajoutant être “fier” d’avoir contribué au succès du groupe. Son départ a été confirmé à l’AFP par une source proche du dossier.

Uber avait demandé à un cabinet d’avocats d’enquêter sur les pratiques du groupe et de faire des recommandations. Parmi elles, figurait le départ d’Emil Michael, un proche du PDG controversé Travis Kalanick, indiquent plusieurs médias américains.

Uber devrait communiquer toutes les recommandations à ses salariés mardi.

Ce dernier développement resserre l’étau autour de M. Kalanick, accusé, comme M. Michael, d’avoir encouragé des pratiques managériales douteuses, et de ne pas avoir de stratégie pour l’entreprise, qui a perdu 2,8 milliards de dollars en 2016 et n’a toujours pas dégagé de bénéfices depuis ses débuts en 2009.

La semaine dernière, le groupe a annoncé le renvoi de 20 salariés après 215 plaintes en interne, faisant état de harcèlement (sexuel ou non) ou d’intimidations. Uber a aussi recruté deux femmes à des postes-clés pour améliorer l’image de l’entreprise et s’attaquer aux problèmes de management.

Selon la presse, Uber va recruter une autre femme, Wan Ling Martello, précédemment cadre dirigeant chez Nestlé, pour étoffer son conseil d’administration.

Les analystes jugent ces mesures nécessaires mais restent partagés sur leur effet à long terme pour clarifier l’avenir de la société.

Selon Robert Enderle (Enderle Group), le “plus gros problème” reste financier, tant le groupe perd d’argent. Son confrère Trip Chowdry (Global Equities Research) estime que la valeur de l’entreprise –près de 70 milliards de dollars calculée en fonction des levées de fonds auprès des investisseurs– est totalement excessive, jugeant plus raisonnable une estimation de “2 à 3 milliards”.

‘Se réinventer’

L’analyste Jack Gold (J. Gold Associates) relativise. Uber ne “semble pas se préoccuper de l’argent qu’il perd” justement parce que le groupe est bien financé. Quant à une valeur qui serait surestimée, ils ne sont “pas les seuls”.

Bien sûr, Uber doit “régler ses problèmes” de management et autres conflits (avec ses chauffeurs ou avec les autorités de certains pays) car “quand on a des salariés mécontents mais aussi des chauffeurs, sur le long terme, ça ne marche pas”.

Pour Jan Dawson du cabinet Jackdaw, le fait que le conseil d’administration ait approuvé les recommandations des avocats montre que “Uber compte enfin sérieusement changer les choses”.

Certes, Uber “n’est pas du tout clair et concentré” sur sa stratégie mais “Google non plus !”, note l’analyste, qui pense que ce type d’entreprise, qui dispose de beaucoup d’argent, peut se permettre d’investir dans divers projets sans nécessairement être tenue par une obligation de résultat.

Pour MM. Gold et Chowdry, Uber doit “se réinventer”. Mais si le second a des doutes sur les capacités du groupe à le faire, le premier note qu’il a déjà commencé, au travers de ses projets “de voitures autonomes ou de location de camions”.

“Amazon a mis des années et des années à gagner de l’argent”, poursuit-il, “et ils avaient simplement commencé par vendre des livres…”.

Quant à la concurrence, Jack Gold ne s’en inquiète pas. “Aucune entreprise n’a la taille d’Uber”, dit-il. Aux Etats-Unis, Uber n’a guère qu’un seul rival, Lyft, qui, s’il jouit d’une meilleure image, est de taille bien plus modeste que le numéro un mondial.

Reste un problème très difficile pour Uber, selon les analystes: le sort du PDG Travis Kalanick. “Il a fait des choses idiotes, mais en même temps, il est celui qui a fait d’Uber ce qu’il est aujourd’hui”, dit Jack Gold.

Travis Kalanick a proposé dimanche à son conseil d’administration de se mettre temporairement en retrait de ses fonctions, mais aucune décision n’a encore été prise, écrit la presse.

Même si, de l’avis des analystes, il est responsable de beaucoup de problèmes, pour Jack Gold, “il ne peut pas s’en aller”. “Car il n’y a personne pour le remplacer.”

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