“Technique de traders, inamical et surprenant” : l’acquisition par l’Etat néerlandais de parts d’Air France-KLM passe mal

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L’acquisition par les Pays-Bas de 12,68% du capital d’Air France-KLM est une opération à la fois “inamicale” et “surprenante”, a estimé mercredi une source au ministère français de l’Economie, assimilant cette opération surprise à des techniques de “traders”.

Un conseil d’administration exceptionnel du groupe a été convoqué ce mercredi, selon une source proche du dossier, au lendemain de l’annonce par le gouvernement néerlandais d’une prise de participation des Pays-Bas à hauteur de 12,68% dans Air France-KLM. La Haye a affirmé vouloir obtenir une part identique à celle de l’Etat français qui détient 14,3% du groupe.

Assurant que Paris “n’a pas été informé de cette décision et de sa mise en oeuvre”, le président Emmanuel Macron a appelé les Pays-Bas à “clarifier” leurs intentions, estimant que “ce qui importe c’est que l’intérêt de la société soit préservé”. Le ministre français Bruno Le Maire recevra son homologue néerlandais en fin de semaine, selon Paris.

Selon le quotidien de référence De Volskrant, le Premier ministre Mark Rutte a personnellement averti le président Emmanuel Macron tandis que le ministre des Finances néerlandais a appelé M. Le Maire, mais une fois l’opération terminée.

Le ministère de l’Economie français a qualifié cette opération d”inamicale”, estimant que la démarche rappelait des “techniques de trader plutôt que d’un Etat actionnaire”.

“La position de KLM s’est sans cesse érodée ces derniers mois”, a déploré le ministre néerlandais Wopke Hoekstra en annonçant mardi soir à la presse cette entrée au capital inédite. “Nous avons désormais le pouvoir de vote autour de la table”, a déclaré M. Hoekstra.

Pour le quotidien De Volkskrant, le gouvernement s’est senti contraint d’investir dans Air France-KLM, jugeant son influence insuffisante pour protéger les intérêts nationaux, à savoir la bonne santé financière de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol.

La Haye craint en effet qu’à terme, une grande partie des vols de KLM ne soit transférée à Paris, ce qui ferait perdre à l’aéroport de Schiphol sa fonction de hub, selon la ministre de l’Infrastructure néerlandaise Cora van Nieuwenhuizen. Avec pour effet des pertes d’emplois et un impact négatif sur les investissements étrangers, selon la ministre.

“Un coup politique” ?

Selon M. Hoekstra, cela faisait plusieurs années que l’Etat néerlandais réfléchissait à entrer dans le capital d’Air France-KLM en raison d’importants doutes sur la stratégie de la compagnie.

Pour Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC côté Air France, “la prise de position de l’Etat (néerlandais, NDLR) montre un certain chauvinisme néerlandais sur KLM. C’est un coup politique”.

“Il ne faut pas oublier qu’à une époque, Air France a permis de sauver KLM. C’est une ingérence compliquée, ce n’est pas correct de ne pas avoir prévenu l’Etat français officiellement, même si c’est très très surprenant que l’Etat (français) ait pu se faire surprendre”.

Pour le syndicat CFDT Air France, la montée au capital “en catimini” de l’Etat néerlandais montre qu’il “entend peser sur les choix stratégiques” du groupe.

Le ministère français de l’Economie a dit “récuser absolument” un manque de coopération de Paris sur la gouvernance d’Air France-KLM, faisant état d'”un dialogue nourri avec La Haye sur la prise en compte des intérêts néerlandais” depuis plusieurs mois.

“Il y a un peu un mystère sur ce que souhaitent véritablement les Néerlandais”, a estimé la même source, en assurant que les préoccupations sur Schiphol et sur la gouvernance ont été “prises en compte”.

La question d’une croissance équilibrée des deux compagnies revient souvent sur la table depuis la fusion d’Air France et KLM en 2004, la Néerlandaise progressant sagement, sa soeur française étant secouée régulièrement par des conflits sociaux.

Le capital d’Air France-KLM se répartit désormais entre l’Etat français (14,3%), l’Etat néerlandais (12,68%), Delta Air lines (8,8%), China Airlines (8,8%), les employés (3,9%), 0,3% en autocontrôle, le reste étant aux mains d’actionnaires non identifiés.

L’irruption des Pays-Bas au sein du capital intervient également après une période de fortes tensions autour du renouvellement du mandat de Pieter Elbers, PDG de KLM depuis 2011.

La résistance des Néerlandais à l’entrée au conseil de surveillance de KLM du nouveau PDG du groupe, le Canadien Benjamin, Smith aux commandes depuis septembre, avait mis le feu au poudre.

Les frictions semblaient s’être apaisées le 19 février, M. Elbers ayant reçu confirmation de la reconduction de son mandat. Il avait en outre été nommé directeur général adjoint du groupe tout comme Anne Rigail, la patronne d’Air France.

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