Scandale Volkswagen: ‘une crise industrielle doublée d’une crise de communication’

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Face à la crise sans précédent de ses voitures diesels truquées, Volkswagen a systématiquement donné le sentiment de réagir à contre-temps et d’avoir une stratégie de communication incomplète, estiment la majorité des spécialistes interrogés par l’AFP.

“Il y a d’abord cette conférence de presse du patron américain, sur scène avec la chemise ouverte, une attitude totalement désinvolte face à l’énormité des faits. Le groupe a fait preuve d’une forme d’arrogance qui a doublé sa crise industrielle d’une crise de communication”, estime ainsi Yves-Paul Robert, directeur associé et responsable de la communication de crise chez Havas Worldwide.

Lundi 21 septembre à New York, Michael Horn ne s’est pas embarrassé de périphrases en s’excusant pour le scandale des contrôles antipollution falsifiés, admettant que le géant allemand de l’automobile avait “complètement merdé”.

Philippe Jourdan, spécialiste marketing et fondateur de Promise Consulting, estime que cette sortie “était adaptée au marché américain”.

“Mais cette adaptation de la communication en fonction des spécifitités locales pouvait fonctionner à l’époque, aujourd’hui, l’information est mondiale et il est nécessaire d’avoir une communication centralisée avec des porte-paroles peu nombreux et des directives très claires”, relativise-t-il.

Une communication mal maîtrisée qui n’a pas été sans conséquence sur la dégradation de l’image du groupe, particulièrement visible sur internet, relève Bertrand Girin, cofondateur de Reputation VIP, startup spécialisée dans la gestion de la réputation sur internet.

“Lorsque l’on réalise une recherche en ligne de Volkswagen, ce qui apparaît désormais sur la première page, c’est l’ensemble des articles consacrés à l’affaire, loin devant même la page Wikipedia du groupe, ce qui démontre l’impact de cet affaire et le travail important nécessaire pour rattraper cela en ligne”.

Les clients, les grands oubliés

Selon les experts, le groupe n’a pas communiqué en direction de ses clients, les grands oubliés de cette crise.

“Ils ont fait de la communication financière, et c’est important également, mais ce n’est évidemment pas suffisant, pour l’heure il manque clairement la question de l’approche de l’opinion publique”, analyse M. Robert.

Car au-delà de l’image, il y a les conséquences pour les clients du groupe allemand et de ses marques, qui se retrouvent associés à “une image de mensonge, avec le risque d’être montré du doigt”.

Sans compter l’impact économique pour des clients possédant ces diesels qui voyaient dans leur véhicule un “marqueur statutaire”, et pour qui “il sera plus difficile de le revendre, si ce n’est avec une décote assez importante”, selon Philippe Jourdan.

“Il y a des représentations très fortes, presques passionnelles dans cette crise, nous sommes dans le registre émotionnel fort, qui est lié à l’image de la voiture pour le grand public”, ajoute Yves-Paul Robert.

“Plus que d’autres groupes, ils s’étaient engagés vers des véhicules propres voire 100% propres. Ils ne sont pas à l’origine du diesel dit +propre+ mais ils s’y sont engouffré et désormais se retrouvent dans une situation difficile”, rappelle M Jourdan.

Le meilleur moyen de s’en sortir serait, aux yeux d’Yves-Paul Robert, “de tout changer pour retrouver la confiance des clients. Il faut donner la vérité à l’opinion puis lancer des changements profonds qui soient visibles. Ils ne peuvent pas être à la traîne, ils doivent reprendre la main sur le tempo”.

“Pour Volkswagen, la meilleure des nouvelles serait que d’autres constructeurs soient concernés”, pense pour sa part Philippe Jourdan.

Pour l’instant, l’image des autres constructeurs, notamment en ligne, reste relativement épargnée, selon les observations réalisées par Bertrand Girin.

“Quand un séisme pareil arrive sur un secteur, cela peut être nuisible pour tous. Mais pour l’heure, ce n’est pas le cas et les autres constructeurs restent épargnés et pourraient, à terme, en profiter”, estime-t-il.

Car de l’avis de tous, la crise que traverse le groupe allemand est appelée à durer, avec d’importantes conséquences pour son image de marque, “durablement touchée”.

“On peut difficilement faire pire, tous les indicateurs sont au rouge et c’est appelé à durer, du fait des différentes vagues médiatiques”, conclut M. Girin.

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