“Retirer du cash d’une société sera de plus en plus difficile”

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La réduction de capital était jusqu’à présent un moyen intéressant de dégager du cash d’une société de façon fiscalement peu contraignante. Le gouvernement fédéral a décidé cet été de mettre un terme à cette échappatoire. A partir de 2018, la réduction de capital sera assujettie au précompte mobilier.

Le gouvernement fédéral a décidé de fermer les portes permettant aux chefs d’entreprise de sortir du cash non taxable de leur société. Fin 2016, le Premier ministre Charles Michel s’attaquait aux constructions autour des plus-values internes souvent utilisées pour échapper aux taxes et au précompte mobilier en particulier.

Dans l’accord conclu cet été, le gouvernement fédéral s’en prend une nouvelle fois à la réduction de capital. ” Mais avec une mesure d’une plus grande portée cette fois, une mesure véritablement révolutionnaire et intelligente, complète Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé du cabinet d’avocats en droit fiscal Bloom Law et professeur à l’Université de Liège. La Belgique a pris exemple sur le Luxembourg où la règle est encore plus stricte. ” Il explique : ” Jusqu’à présent, en Belgique, l’entrepreneur pouvait retirer de l’argent liquide de sa société sans payer de taxes par le biais de la réduction de capital. Ce ne sera plus le cas l’an prochain. Dès que sa société aura amassé des réserves, l’entrepreneur devra payer des taxes s’il souhaite sortir du cash de sa société. ”

Dans l’accord conclu cet été, le gouvernement fédéral s’en prend une nouvelle fois à la réduction du capital.

La nouvelle taxe fera une sacrée différence. Selon l’avocat, bon nombre de chefs d’entreprise se précipiteront chez le notaire dans les semaines et les mois à venir car qui dit réduction de capital, dit modification des statuts de la société avec l’entremise d’un notaire. Le changement de statuts doit en outre être publié au Moniteur belge.

Ventilation au prorata

A partir de 2018, toute réduction de capital sera assujettie au précompte mobilier au prorata. ” Autrement dit : en proportion de la part de réserves imposables encore présentes dans le capital versé majoré des réserves imposables, précise Denis-Emmanuel Philippe. La part de réduction de capital imputée sur le capital effectivement versé reste non imposée. Par contre, la part de réduction de capital imputée aux réserves imposables est soumise au précompte mobilier, en principe au tarif de 30% “.

Investisseurs étrangers également en ligne de mire

Cette nouvelle mesure concerne non seulement les entrepreneurs belges propriétaires d’une société mais aussi les investisseurs étrangers. ” Un grand nombre d’investisseurs étrangers, dans le secteur immobilier notamment, est visé, déclare Denis-Emmanuel Philippe. Bon nombre d’entre eux extraient du cash de leurs filiales immobilières belges sans payer un centime de taxe grâce à la technique de la réduction de capital. Ils peuvent le faire même si la société belge ne dispose pas de réserves distribuables. Il s’agit d’une spécificité du secteur étant donné que les sociétés immobilières ont souvent de lourds amortissements sur les bâtiments.

A partir de 2018, ces réductions de capital seront en principe également assujetties au précompte immobilier. Les investisseurs immobiliers peuvent parfois recourir à une exonération du précompte mobilier mais ce n’est pas le cas, par exemple, de nombreux fonds allemands qui détiennent ces sociétés immobilières belges. Les fiscalistes vont avoir du pain sur la planche. ”

Par Dirk Van Thuyne.

Un exemple

Ellen Krabbé a ouvert un magasin de chaussures il y a 10 ans. Lors de la création de sa société, elle a investi un bâtiment, des actions et de l’argent liquide pour une valeur totale de 500.000 euros. L’entreprise est rentable depuis le début et en 10 ans, Ellen a constitué des réserves d’un montant total de 1.000.000 euros. Elle a décidé de les reprendre dans le bilan car si elle distribuait ces bénéfices sous formes de dividendes, elle serait redevable du précompte mobilier. Et si elle le souhaite, une réduction de capital lui permettra de sortir de l’argent de la société sans ponction fiscale.

En 2018, la situation sera radicalement différente. Supposons qu’Ellen décide de retirer 100.000 euros de la société par le biais d’une réduction de capital. Elle devra alors acquitter le précompte mobilier. Pas sur la totalité de la somme, heureusement. Si Ellen souhaite retirer 100.000 euros de sa société en 2018 par le biais d’une réduction de capital, elle sera imposée. La part imposable se monte à 100.000 euros x 66,66 % = 66.666 euros. Au tarif actuel du précompte mobilier (30%), Ellen paiera 19.999 euros de taxes pour retirer 100.000 euros cash de sa société. La part de réduction de capital calculée sur le capital effectivement versé, soit 33.333 euros, reste non imposée.

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