Produire autant mais avec moins de vaches afin de polluer moins
Elevage et réchauffement climatique font-ils bon ménage? Responsable de plus de 14% des émissions de CO2 dans le monde, au salon international de l’élevage (Space) à Rennes (nord-ouest de la France), scientifiques et éleveurs défendent pourtant son rôle et les pistes pour être moins polluant.
L’élevage, bovin en particulier, représente “au niveau mondial 14,5% des émissions de gaz à effet de serre et c’est 10% au niveau européen”, relève Jean-Louis Peyraud, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). En cause: le méthane qu’émettent les vaches à l’issue de leur digestion.
“Quand l’animal se nourrit, il va libérer de l’hydrogène dans le rumen“, le premier estomac des ruminants où se déroule le processus de fermentation. “Si on ne veut pas que les vaches gonflent comme un ballon de baudruche, il faut qu’elles puissent l’expulser, alors ses bactéries le transforment en méthane, que les vaches expulsent par éructation”, poursuit le chercheur.
Dans le sillage des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, “on admet que le secteur agricole devra baisser” ses émissions, “mais moins que le secteur industriel… c’est plus facile d’agir sur un gazoduc que sur une vache laitière”, note M. Peyraud.
Moins de vaches et autant de production
Parmi les leviers déjà existants, rallonger la durée des carrières des vaches, laitières notamment, pour réduire les effectifs des troupeaux tout en maintenant le même niveau de production. La première économie se fait dès l’insémination des vaches, en procédant au “sexage génétique”, qui permet de séparer les embryons mâles et femelles pour contrôler le sexe du veau à naître et n’avoir que des animaux recherchés, défend Rudy Muller, directeur général de Sexing Technology France, spécialisée dans cette filière.
Ensuite, “quand on améliore la performance technique, on améliore aussi l’aspect écologique”, en sélectionnant des animaux plus producteurs et plus résistants aux maladies, fait-il valoir. Mais en France, la durée moyenne de la carrière d’une vache laitière est de deux ans et demi, alors qu’elle atteint généralement ses meilleures capacités de production lors de sa troisième et sa quatrième année de production. Alors, “mieux vaut avoir dix vaches produisant 10.000 litres que 16 qui en font 6.000, ce qui évitera d’élever des animaux pour renouveler les animaux qui partent à l’abattoir“, estime-t-il.
Sur l’exploitation de Loïc Guines en Ille-et-Vilaine, passé “de l’intensif au bio”, pour améliorer son bilan carbone, l’éleveur a aussi “optimisé le vêlage des génisses à 24 mois”, autrement dit, elles sont inséminées dès que leur poids et leur âge le permettent pour que leur cycle de production de lait puisse débuter après la naissance du veau. “Et toutes celles pas fécondées partent à l’abattoir”, explique l’éleveur. Ce système permet de fonctionner avec des vaches plus âgées et de ne pas avoir de génisses, de jeunes vaches n’ayant jamais vêler, qui vont pendant deux ans émettre des gaz à effet de serre sans produire en retour.
Le consommateur comme clef de voûte
En parallèle de la gestion du troupeau, les bêtes dans les pâtures permettent “d’entretenir les prairies, là où la moitié des espèces végétales en Europe vivent”, souligne M. Peyraud. “Si en France et en Europe on réduisait beaucoup l’élevage, que l’on n’exportait plus, vu la demande des consommateurs, ce sera simplement produit ailleurs et par des systèmes moins efficaces… En plus de déplacer le problème, on l’aggravera”, plaide le scientifique.
Mais loin des élevages, à l’autre bout de la chaîne alimentaire, “de la part des consommateurs, on se rend compte que la préoccupation principale c’est l’inflation et le sujet du bien-être au travail passe avant l’environnement”, selon Axel Bigot, responsable RSE du groupe Lactalis.
Pour les éleveurs, les enjeux sont donc multiples: préserver leur niveau de production et améliorer leur empreinte carbone, tout en restant compétitifs.
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