Prix de l’électricité : pourquoi la Belgique est-elle le pays le plus cher d’Europe ?

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Parmi les 27 états membres de l’UE, les ménages belges ont connu la plus importante augmentation de leur facture d’électricité sur une année. A Bruxelles, l’augmentation grimpe à +99%, loin devant Amsterdam (+64%), ou Paris (+13%), selon un rapport de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER). Quelles en sont les raisons ? La CREG, la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz belge, donne quelques pistes d’explications.

Sur un an, de février 2021 à février 2022, c’est en Belgique, et plus précisément à Bruxelles, que les ménages ont connu la plus importante augmentation de leur facture d’électricité parmi les 27 États membres de l’UE. C’est ce qui ressort d’un rapport de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), consacré à une évaluation globale du fonctionnement du marché de gros de l’électricité dans l’UE.

L’ACER a comparé la manière dont les ménages et entreprises ont été touchés par l’augmentation des prix de l’énergie durant l’année écoulée. L’agence chiffre à +99% l’évolution des prix de l’électricité pour les ménages de Bruxelles (en cents/kWh, comparaison de février 2022 par rapport à février 2021).

Il s’agit de la plus forte augmentation des 27 capitales européennes, loin devant Amsterdam (+64%), ou Paris (+13%), l’augmentation moyenne du prix d’achat au détail étant de 30% sur cette période (65% pour le gaz). Les répercussions de prix sur les ménages individuels varient en fonction des types de contrats et de mécanismes de tarification, ainsi que des mesures de soutien prises à court terme par les gouvernements nationaux, commente l’agence.

Evolution du prix de l'électricité (EUR cents/kWh)pour les ménages européens sur une année.
Evolution du prix de l’électricité (EUR cents/kWh)pour les ménages européens sur une année. © ACER

Contactée par nos soins, la CREG, la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz belge, nous dit ne pas être en mesure de commenter le rapport d’ACER mais nous donne une série d’éclaircissements intéressants pour comprendre l’augmentation des prix à Bruxelles.

  • L’offre de ceux-ci a fortement changé en Belgique entre 2021 et 2022. En effet, avec l’augmentation des prix de gros, les fournisseurs ne sont plus enclins à offrir des contrats à prix fixes (31 fixes actifs en février 2021 et 7 en février 2022). Les contrats actuels sont donc majoritairement à prix variables (23 variables actifs en février 2021 contre 13 en février 2022)
  • Les contrats à prix variables sont des produits avec des indexations qui varient en fonction de l’évolution des prix de gros qui ont fortement augmenté
  • Notons qu’en avril 2022, le nombre d’offres s’est encore réduit à Bruxelles (3 offres fixes actives et 7 offres variables actives)
  • Le nombre de fournisseurs se réduit également de plus en plus et, au mois de mai 2022, uniquement 4 fournisseurs sont encore actifs sur le marché bruxellois

Par ailleurs, ses chiffres pour la Belgique diffèrent de ceux de l’ACER de par la méthodologie utilisée, commente la CREG.

Selon les données du régulateur, l’évolution du prix aux Pays-Bas est en effet supérieure à celle de la Belgique.

La comparaison de la CREG s’établit sur base d’un échantillonnage de tarifs représentatifs pour l’ensemble du pays considéré. La CREG ne se limite donc pas à un tarif appliqué à la capitale de chaque pays, ce que semble faire ACER“, explique son directeur Laurent Jacquet à Trends Tendances. “Si on compare les chiffres de la CREG avec ceux d’ACER, les différences pourraient résider dans la méthodologie utilisée pour comparer le prix des différents pays“, poursuit-il.

Le tableau ci-dessous reprend les données publiées par le régulateur pour la comparaison du prix de l’électricité d’un ménage belge de 4 personnes avec celui des pays voisins. L’augmentation pour Bruxelles est alors de près de 89% (80,45% pour la Belgique). Les augmentations aux Pays-Bas grimpent à 137,17 % alors que la France ne fait que +6,20%.

Prix de l'électricité : pourquoi la Belgique est-elle le pays le plus cher d'Europe ?
© CREG

L’évolution peut s’expliquer par les points suivants :

  • La différence d’indexation entre la Belgique et les Pays-Bas. En effet, en Belgique l’indexation est réalisée sur base mensuelle ou trimestrielle tandis qu’aux Pays-Bas l’indexation est réalisée sur base semestrielle.
  • La France a pu limiter la hausse des prix grâce au tarif régulé par le gouvernement
  • Le Royaume-Uni a également mis en place un plafonnement des prix ce qui limite la hausse des prix

En 2022, la plus grande composante de la facture est la composante énergie en raison de l’augmentation des prix de l’électricité sur les marchés de gros.

Choc du prix du gaz

Le rapport publié par l’ACER explique en détails les origines de l’augmentation drastique du prix du gaz et de l’électricité en Europe ces derniers mois.

La crise énergétique actuelle est essentiellement un choc du prix du gaz, qui a également un impact sur les prix de l’électricité. Avec la reprise économique en 2021, la demande mondiale de gaz a rebondi à des niveaux prépandémiques et a dépassé l’offre, explique l’ACER. Malgré l’augmentation des livraisons de GNL à l’Europe (liée à la hausse des prix du gaz), les prix du gaz ont augmenté à cause de la forte diminution de l’approvisionnement en gazoducs russes et les problèmes géopolitiques qui en découlent.

En 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a aggravé la crise, entraînant une hausse sans précédent des prix du gaz et de l’électricité. Cette crise affecte aujourd’hui gravement les consommateurs, les fournisseurs de détail, et les autres acteurs du marché“, peut-on lire dans le rapport.

Des conditions météorologiques inhabituelles

D’autres facteurs ont également joué un rôle dans l’augmentation des prix de l’énergie en Europe, poursuit l’Agence dans son rapport. Les stocks de gaz inférieurs à la moyenne en Europe, les importations supplémentaires limitées de gaz par gazoduc dans l’UE, la hausse des prix des quotas du système d’échange de quotas d’émission (ETS) et les conditions météorologiques quelque peu inhabituelles en Europe en 2021, sont autant d’éléments qui ont affecté la production et la demande.

Depuis, un certain nombre d’événements ont eu un impact significatif sur les prix du gaz et donc de l’électricité, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, ce qui a entraîné une grande incertitude quant aux perspectives à court terme de l’approvisionnement en gaz de l’UE.

Record des prix de l’énergie

Prix de l'électricité : pourquoi la Belgique est-elle le pays le plus cher d'Europe ?
© ACER

Les prix de l’énergie ont atteint des niveaux record tout au long de l’année 2021 et ont atteint leur point culminant au cours des premières semaines de mars 2022. Cette flambée des prix peut être divisée en trois phases distinctes (voir la figure ci-dessus) :

la phase 1 (“première crise des prix”), qui s’est déroulée pendant l’été et l’automne 2021, lorsque la rareté des importations de GNL et l’étroitesse des flux de gazoducs ont provoqué la première vague de hausse des prix ;

la phase 2 (“réponse du marché au GNL”), de la fin 2021 au début 2022, lorsque les prix élevés du gaz ont attiré davantage de GNL, tandis que les approvisionnements par gazoducs russes ont diminué ;

la phase 3 (“urgence de guerre”), fin février 2022, lorsque l’invasion de l’Ukraine par la Russie a encore aggravé la flambée des prix.

L’augmentation des coûts de la production d’électricité à partir de gaz a fait grimper les prix de l’électricité, en raison également de la forte influence des centrales à gaz dans la fixation des prix de l’électricité sur les marchés de l’électricité de l’UE à court terme.

Une baisse des prix à partir du deuxième trimestre 2023

D’autres facteurs tels que des conditions de vent défavorables, la maintenance des réacteurs nucléaires et la hausse des prix des quotas d’émission dans le cadre du Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) ont encore amplifié les prix de l’électricité, détaille l’Acer. L’Agence conclut dans son rapport que “le choc actuel des prix et la volatilité très importante semblent moins provenir des pénuries physiques et plus des risques perçus de perturbation potentielle importante des flux de gaz russe à l’avenir”.

Les dernières estimations du marché indiquent que les prix de l’énergie resteront élevés pendant le reste de l’année 2022 et en 2023, notamment en raison des tensions et des incertitudes qui entourent l’approvisionnement en gaz à court terme. Les acteurs du marché prévoient une tendance progressive à la baisse à partir du deuxième trimestre 2023, tout en soulignant, à titre de mise en garde générale, que les estimations des prix à terme peuvent être sujettes à des changements rapides dans les conditions de marché tendues actuelles.

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