Priminfo : le PC wallon qui tient la forme

Les micro-ordinateurs sont devenus fort peu rentables, comme en témoigne l’intention de HP de revoir son business dans ce domaine. Mais la tendance n’est pas la même pour des joueurs de niche, comme le namurois Priminfo, actif depuis 1985.

Peut-être que Léo Apotheker, CEO d’Hewlett-Packard, aurait dû se mettre aux fourneaux pour relancer son activité de production de PC. C’est ce que fait tous les jours Jean-Marie Bodart, 65 ans, fondateur et patron de Priminfo, producteur de PC pour les services publics. Il quitte son bureau pour la cuisine de l’entreprise, à Noville-Les-Bois (Namur), pour préparer le déjeuner du personnel. “Aujourd’hui, ce sera boudin, compote et frites”, nous expliquait-il mercredi dernier.

Il s’agit bien sûr d’un clin d’oeil. Ce n’est pas son passage quotidien par les casseroles qui assure la rentabilité durable de l’entreprise que Jean-Marie Bodart dirige avec un de ses deux fils, Denis. Priminfo dépasse légèrement les 10 % de marge nette sur les ventes, ce qui est très bien pour le secteur. En comparaison, HP dégage 5 % de rentabilité opérationnelle pour la même activité ; d’où son intention de créer une spin-off séparée pour les PC afin de se concentrer sur des marchés plus lucratifs (services, software).

Plus de 30.000 ordinateurs par an

La longévité de Priminfo est singulière dans le paysage de l’informatique. En effet, l’histoire du PC est une suite de montées fulgurantes, de chutes, de rachats, d’abandons, de défaites habillées en spin-off. IBM, l’inventeur du concept de PC tel que nous le connaissons, a préféré revendre l’activité au chinois Lenovo en 2005. La situation est la même dans le monde plus touffu et local des assembleurs, le métier de Priminfo : les plus grands ont disparu les uns après les autres.

La santé de cette entreprise tient à son marché de niche : Priminfo, qui ne vend qu’en Belgique et au Luxembourg, ne vise guère que les administrations fédérales, régionales et locales. Elle a remporté le contrat Cyberécole de la Région wallonne voici trois ans (40.000 PC) et, récemment, celui du Service informatique de la Communauté française, ETNIC (10.000 à 12.000 PC), avec la société de services informatiques NRB (Herstal). “L’administration de la Région wallonne peut acheter des PC dans le cadre de ce marché”, précise le patron.

Ainsi, les ordinateurs Priminfo se retrouvent un peu partout dans les services publics, à la Défense nationale, au ministère de la Justice, au Forem, à la Police fédérale, aux Affaires étrangères, à l’Office national des pensions, à la ville de Namur, de Liège. L’entreprise vend bon an mal an 30.000 ordinateurs.

Moins de monde pour les appels d’offres

Les marchés publics ne sont, certes, pas très “sexy”. Les clients y changent leurs ordinateurs moins souvent que dans le privé ; tous les cinq ans et plus. Les perspectives de croissance y sont modérées. Ainsi, durant la dernière décennie, Priminfo a vu son chiffre d’affaires flotter invariablement autour des 20 millions d’euros (contre 28,4 milliards d’euros pour les PC de HP !), avec une rentabilité stable.

Pour 2011, toutefois, le dernier contrat avec la Région wallonne va aider à pousser le chiffre à 26 millions d’euros (+20 % environ), et 29 millions en 2012. La vente via des appels d’offre apporte une tranquillité, une fois le contrat acquis, qui dure souvent trois ans. Au niveau des appels d’offres, la concurrence se réduit année après année : “Il y a 15 ans, nous étions 12 à 15 entreprises à répondre aux appels d’offre, commente Jean-Marie Bodart, maintenant nous sommes souvent deux ou trois : nous, Dell, et HP (à travers des distributeurs comme Econocom, Dolmen ou Systemat).”

Priminfo est plus souple que les producteurs internationaux, mais sa taille modeste peut s’avérer être un handicap. “Il arrive que certains appels d’offres exigent des producteurs internationaux, produisant des millions d’ordinateurs tous les ans, continue Jean-Marie Bodart. Je ne suis pas certain que ce genre de clause, qui vise à exclure des entreprises comme les nôtres, sont vraiment légales, mais nous ne déposons pas d’offre pour ces marchés.”

Un bon rating

La fragilité du secteur de l’assemblage justifie la méfiance des acheteurs envers les petites structures. Une bonne chose pour Priminfo qui a développé un argumentaire assez poussé sur sa solidité. L’entreprise met à jour un dossier avec ses chiffres, et le dernier rapport publié à son sujet par le fournisseur d’informations Dun&Bradstreet, avec un rating qui est de 3A 1. Le “3A” est un indicateur de la taille de l’entreprise, dont la valeur nette est, selon D&B, de 10 millions d’euros, et le “1” est la meilleure note de risque (elles vont de 1 à 4), qui indique “un faible risque de défaillance”.

L’entreprise reste (et restera vraisemblablement) une PME, qui occupe 40 salariés et recourt à du personnel détaché d’une entreprise adaptée, L’Atelier, à Jambes, qui envoie sept à huit personnes pour assembler des ordinateurs. “C’est un personnel qui a une excellente régularité et une bonne motivation” assure Jean-Marie Bodart, qui fait appel à l’Atelier depuis bon nombre d’années.

Des bons clients conservateurs

Le relatif conservatisme des marchés publics favorise aussi Priminfo. Les demandes de ces organismes portent à 85 % sur des PC desktop, les seuls que l’entreprise puisse assembler, alors que les portables, pour les 15 % restants, proviennent de fabricants comme Asus ou Lenovo. A l’inverse, dans le marché total du PC, en Belgique, le portable est largement dominant.

L’activité d’assemblage offre plus d’intérêt et d’autonomie pour Priminfo, car les relations avec les fournisseurs y sont généralement plus lisses et plus confortables. “Avec les Chinois, chez Asus qui nous fournit des cartes-mères, nous obtenons des changements rapides lorsqu’il y a un souci avec un composant. Il en va autrement lorsque vous avez affaire à des Américains et des fabricants d’ordinateurs.” La distribution d’ordinateurs est un autre business, et seuls ceux qui déploient une panoplie de services, comme Econocom, peuvent réduire leur dépendance des virages stratégiques brutaux des fabricants de PC.

ROBERT VAN APELDOORN

DANS LE TOP 10

Part de marché des ventes de PC sur le marché professionnel en Belgique au premier trimestre 2011.

1. HP 42,8 %

2. Dell 16,6 %

3. Lenovo 6,9 %

4. Acer 6,1 %

5. Toshiba 5,6 %

6. Priminfo 4,5 %

7. Apple 4,3 %

8. Fujitsu 3,8 %

9. Asus 1,1 %

10. Panasonic 0,7 %

11. Autres 7,7 %

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