Pourquoi Facebook a déboursé 1 milliard pour Instagram

© instagr.am

L’acquisition par Facebook d’un service de partage de photos non rentable pour un milliard de dollars suscite bien des questions. Mark Zuckerberg est-il devenu fou? Ou est-ce le prix à payer pour éviter qu’un concurrent ne mette la main dessus?

Mark Zuckerberg est-il tombé sur la tête ce week-end? Et vient-il de déclencher une nouvelle bulle internet dans le domaine des applis mobiles? Le PDG et co-fondateur de Facebook a en effet confirmé dimanche le rachat du service de partage de photos Instagram pour un milliard de dollars. Une somme sans doute jamais vue pour une start-up d’à peine deux ans et 9 salariés.

Mais un milliard de dollars, c’est aussi deux fois plus que sa valeur estimée à peine une semaine auparavant par un groupe de capital-risqueurs à l’occasion d’une injection de 50 millions de dollars. Ce qui la valorisait déjà à 500 millions de dollars. C’est dire si cette petite boîte était courtisée…

“Cela parait fou, considérant qu’Instagram ne génère aucun revenu et ne sait toujours pas comment monétiser ses quelque 50 millions utilisateurs. Mais c’est aussi le prix à payer pour le premier réseau social mobile”, souligne l’analyste Rob Enderle. Contrairement à Instagram, en effet, Facebook a été conçu pour l’internet sur ordinateur. Et ses applications mobiles n’ont jusqu’à présent pas convaincu. Selon le New York Times, Mark Zuckerberg aurait déjà fait une tentative en 2011 pour racheter Instagram. Mais les deux co-fondateurs, Kevin Synstrom et Mike Krieger, avaient préféré alors garder leur indépendance.

De fait, la similitude entre les deux réseaux sociaux est frappante. Car Facebook a vu également son audience exploser grâce au partage de photos de ses membres. Sauf qu’Instagram affiche un rythme de croissance encore supérieur. Il pourrait en effet avoir 100 millions d’utilisateurs dans quelques mois, alors qu’il aura fallu 4 ans à Facebook pour atteindre ce niveau. D’autant plus qu’il vient tout juste de lancer une version pour la plateforme Android qui ne peut que décupler le succès enregistré sur l’iPhone.

“Je pense que Zuckerberg a compris qu’Instagram pourrait être encore plus gros que Facebook et en faisant une telle offre, il évite qu’il ne tombe dans l’escarcelle de Google ou Apple”, ajoute Rob Enderle. D’après la presse américaine, le milliard de dollars offert pourrait ainsi être le résultat d’une lutte d’enchères opérée en coulisse avec le moteur de recherches.

Avec Instagram, Facebook s’offre la meilleure application iPhone de 2011. Un trophée décerné par Apple en décembre dernier, en grande partie pour sa simplicité d’utilisation et sa belle interface graphique. “J’espère que cela va donner un sérieux coup de pouce au développement de l’application mobile de Facebook qui reste encore trop compliqué, lente et instable”, souligne Charlene Li de l’Altimeter Group.

Instagram, le Youtube de Facebook

Pour les vétérans de la Silicon Valley, ce méga-rachat offre un sentiment de déjà vu. Il y a environ 5 ans, Google avait déboursé 1,65 milliard de dollars pour mettre la main sur Youtube. A l’époque le moteur de recherche évoquait l’explosion de la vidéo sur Internet pour expliquer ce qui était alors la plus grosse acquisition de son histoire.

Autre ressemblance, comme pour Google avec son site de partage de vidéos, Facebook promet de conserver l’indépendance d’Instagram et de permettre le partage de photos sur des réseaux concurrents comme Twitter, Foursquare ou Tumblr. Sur son profil Facebook où il commente l’opération, Zuckerberg ne met d’ailleurs en avant aucun motif économique, simplement la volonté “d’apprendre de l’expérience d’Instagram” et de “proposer la meilleure expérience de partage de photo”. Des objectifs quasiment altruistes qui lui coûtent quand même un milliard de dollars.

Non que Facebook n’ait pas les moyens de les débourser. Mais cela représente tout de même 1% d’une valorisation stratosphérique estimée autour de 100 milliards de dollars à quelques semaines de son introduction en bourse. Cette acquisition réactive donc les craintes d’une nouvelle bulle internet.

“Il est facile de voir que nous allons vers un course à l’armement dans le monde des applications mobiles, constate ainsi désabusé le blogueur de Silicon Beat, Chris O’Brien. Les entreprises deviennent paranoïaques à l’idée de rater quelque chose. Elles paient trop pour s’assurer qu’une application à succès n’atterrira pas dans le giron d’un concurrent. Cela rendra très riches quelques jeunes entrepreneurs et offrira des retours rapides sur investissement à des capital-risqueurs chanceux. Mais que cela ait économiquement un sens, eh bien, c’est le genre de question qu’il ne vaut mieux pas trop poser”.

Par Jean-Baptiste Su

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