Pierre Romeyer a rejoint son ami Paul Bocuse aux fourneaux éternels

Le chef Pierre Romeyer photographié en 1994 © Belga Image

Breughelien, blagueur, fonceur et le coeur sur la main, Pierre Romeyer cultiva l’omniprésence. Président très dynamique de l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique ou fondateur avec Paul Bocuse d’Euro-Toques (1986), il avait aussi l’art de mettre en sauce une assiette qui n’ennuyait jamais.

Pierre Romeyer était tout cela, et plus encore un ami qui, le 12 juillet dernier, s’est éteint. Il avait 88 ans. Le “Bocuse belge” est mort. Non qu’il imitait le grand Paul, mais ils avaient tous les deux du charisme, la même envie de sortir les cuisiniers de leur cave, de les mettre en vedette tout en prêchant une rigueur et un balayage saisonnier des cartes. Avec rigueur, il avait su concilier la cuisine traditionnelle et les nouvelles tendances qui pointaient.

Cuisinier hors du commun, forgé à la dure école des fourneaux, il avait par son courage, son travail et son talent créé l’une des plus belles adresses du royaume. Une “Maison de Bouche” où, de l’assiette au verre, tout se conjuguait avec le même soin dans une atmosphère de bon ton sans prétention.

“J’ai commencé mon apprentissage en 1945 avec Georges Michel, un très grand cuisinier qui avait fait l’ouverture du Savoy en 1935. Mon apprentissage terminé, il m’a envoyé chez un de ses anciens ouvriers, Julien Vermeersch qui, en 1947, était le chef de cuisine au Savoy, boulevard de Waterloo. Après mon service militaire, je suis passé au Carlton comme chef entremétier et, de là, je suis allé au Royal Automobile Club. C’était ma première place de chef de cuisine. J’ai été sollicité ensuite pour diriger les cuisines du Belvédère pendant l’Exposition universelle de 1958. Et après l’Exposition, je me suis d’abord installé dans une petite maison (Le Val Vert, actuellement le restaurant Aloyse Kloos) où j’étais locataire et puis ici où je suis propriétaire“, nous confiait-il.

Ici, c’est à Hoeilaart, un restaurant à son nom, sous-titré “Maison de Bouche”, une spacieuse villa posée en balcon dans un hectare et demi de verdure en lisière de la forêt de Soignes.

Séduisant palais et guides, Pierre Romeyer engrange trois étoiles Michelin (1983). Ce qui en fait à l’époque, le troisième détenteur belge après La Villa Lorraine de Marcel Kreusch (1972) et le Comme Chez Soi de Pierre Wynants (1979). Et le seul cuisinier belge à avoir été anobli au titre de baron (2002)

Gourmand et curieux

Nous avons eu l’occasion d’apprécier ce joyeux compère lors de nombreux déplacements. Il avait le don d’animer une réunion. Ainsi après un prestigieux déjeuner de gala à Mionnay (Ain) pour les 40 ans d’Alain Chapel (***), il retint deux poignées de privilégiés (Marcel Kreuch, Christian Millau, etc.) avec des rafales de blagues superbement racontées…sans interruption ! jusqu’au dîner. Fidèle en amitié, à la disparition d’Alain Chapel en 1991, Pierre Romeyer affréta une limousine avec chauffeur et, avec Henri Van Ranst (La Villa Lorraine), nous fîmes un aller-retour à Mionnay pour les funérailles du chef. Au retour, pause chez Pierrick Guillou à Luxembourg et dégustation de quenelles de brochet. Une recette que le maître de Hoeilaart contesta amicalement. Quelques jours plus tard, il m’invitait à goûter sa préparation de quenelles !

Son magnétisme anima d’autres manifestations. A commencer par les sorties de printemps de Tradition et Qualité (maintenant les Grandes Tables du Monde), chaîne élitiste réservée au gratin de la gastronomie, les 2 et 3 étoiles Michelin ou leurs équivalents.

Gourmand et curieux, mais toujours cuisinier, nous l’avons vu lors d’une escapade au Japon en 1987, saisir au teppan yaki de la graisse de boeuf de Kobe écartée et la servir en minuscules dés. Lors du même séjour, il réserva une table chez une cuisinière nippone pour regoûter le fameux boeuf. Catastrophe, ce sont de fines tranches de viande bouillie et recroquevillée qui nous fut servies !

Tout au long de ce scénario, il y eut la charmante Marie Romeyer, “Mouche” pour les amis. Discrète, mais attentive et souriante, elle accompagna Pierre jusqu’à la fin.

Serge Tonneau

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content