Les Batmobiles sont parmi nous

On la voit fleurir partout sur les stands des salons et les vitrines des concessionnaires, c’est la voiture noire et mate. Un rendu ténébreux, opaque, velouté. Les marques adorent, les acheteurs, nettement moins.

“Les gens adorent ou détestent” tranche un concessionnaire Lancia, installé chaussée de Namur, à Nivelles. Noir ou blanc, ça tombe bien, la demi-teinte n’est précisément pas ce qui caractérise la récente “Delta Hard Black” avec son revêtement ultra mat couleur carbone. L’effet est surprenant. En absorbant au maximum les réflexions lumineuses, le procédé offre à la carrosserie un rendu velouté unique, presque caoutchouteux, aux antipodes des traditionnelles peintures métallisées et satinées.

Le constructeur italien n’est pas le seul à céder aux sirènes de cette nouvelle mode “dark mat“, omniprésente sur les stands des salons automobiles et dans les vitrines des concessionnaires. Chaque marque y va de son appellation et de son modèle, de préférence proposé en série limitée. “500 Matt Black” pour la Topolino de Fiat, “Black & Matt” pour la MX-5 de Mazda, “Série Noire” pour la DS3 de Citroën, “Mat Edition” pour la Mini, fabriquée seulement à 250 exemplaires et uniquement pour le territoire français. Difficile de ne pas avoir l’£il attiré par cette nouvelle peau à la fois soft et subtilement granuleuse.

Un succès relatif

Une pratique qui se “démocratise” puisqu’elle concerne désormais les modèles haut de gamme du parc automobile quand il y a quelques années encore la “Batmobile’s touch” était exclusivement réservée aux voitures de sport les plus onéreuses, type Ferrari ou Lotus.

Empruntée au monde du tuning et des motards, la coque matifiée permet de se distinguer de la production courante tout en jouant sur une certaine sobriété. A priori, une formule gagnante pour tous ceux qui sont tentés par la personnalisation de leur voiture tout en restant réfractaires à la customisation lourde, façon Hells Angels.

Le succès est pourtant très relatif. Six mois après avoir lancé à grand renfort de publicité sa “500 Matt Black” au prix de 18.999 euros, Fiat Belgique se retrouve avec 15 véhicules customisés sur les bras sur les 19 exemplaires réservés à notre territoire. “Le distributeur pensait qu’elles allaient partir en quelques jours, soupire un revendeur Fiat de Bruxelles. Les prochains mois ne devraient pas être meilleurs car les road shows sont terminés.” Comprenez la période de “tournée” pendant laquelle un prototype voyage d’un show-room à l’autre pour faire sa pub…

Les autres constructeurs ne sont pas mieux logés. “Pour les gens, c’est une curiosité mais ce n’est pas déclencheur d’achat”, confie avec un joli sens de la litote un dealer Mini de Lille qui, après plusieurs mois de commercialisation, n’a écoulé qu’un exemplaire de la “Mat Edition”. “Certaines personnes ont le sentiment que c’est une voiture qui est sortie d’usine avant d’avoir été peinte. L’effet n’est pas toujours positif auprès de la clientèle.”

Le prix est-il l’une des raisons du flop ? Pas seulement. Chères parce que couplées aux modèles les plus performants, les mieux équipés et les plus onéreux des fabricants, les versions mates sont également fragiles. “Je les déconseille à mes clients car la peinture mate vous empêche de polir la carrosserie ; à la moindre griffe, c’est foutu”, avoue sans détour un revendeur du Brabant wallon. Mais toutes les marques ne misent pas sur le même procédé de “coloration” de la robe.

La méthode du car wraping

Mini, comme d’autres, a opté pour le total covering. La méthode consiste à appliquer un film thermoformable sur l’ensemble de la carrosserie sans faire apparaître le moindre raccord. Une technique utilisée depuis de nombreuses années par les street marketeurs et sociétés de communication à des fins publicitaires. A la différence près qu’aujourd’hui, ce sont les particuliers qui sont visés et à des fins purement esthétiques.

Devant l’engouement général pour le tuning, des sociétés d’adhésifs comme 3M ou Avery ont enrichi leurs catalogues de produits spécialement développés pour le car wraping. Vendus en rouleau de 50 mètres, les films autocollants sont posés sur la tôle et appliqués à l’aide d’un décapeur thermique. “On ne voit aucune différence avec une peinture d’usine” estime Gilles Jaquemyns de la société Wanacom, spécialiste du stickage et lettrage sur véhicules. “Les fabricants de films polymère ont fait d’énormes progrès car les adhésifs épousent aujourd’hui parfaitement les formes en trois dimensions. Nous avons plusieurs demandes de black covering par jour mais peu de clients passent à l’acte, pas plus d’une trentaine par an, essentiellement en raison du prix.”

Avec un coût qui varie de 1.500 à 2.500 euros, le stickage, relativement résistant, reste onéreux mais néanmoins plus accessible que la peinture professionnelle en cabine. Autre avantage, le film vinyle peut à tout moment s’enlever (il se décolle au décapeur ou… au sèche-cheveux) pour retrouver la carrosserie d’origine. Les adeptes de la peinture pointeront néanmoins les limites du peeling… Invisible à l’£il nu, le wraping se dévoile aussitôt qu’on ouvre une portière, l’adhésif ne pouvant être posé sur les parties intérieures de la voiture. “Black is beautiful” mais “nobody is perfect“…

Antoine Moreno

Le bonheur invisible de la voiture achromatique

Plus d’un quart des Volvo vendues dans le monde sont noires. Suivi par le gris. Un constat qui n’est pas que suédois. Quels que soient les fabricants, voilà bien les deux couleurs favorites des automobilistes. Des teintes achromatiques comme les appellent les spécialistes qui disent qu’elles sont plébiscitées en raison de leur caractère passe-partout. Chacun y met ce qu’il veut bien voir. Le noir ? Elégant mais aussi racé, avant-gardiste, menaçant, sobre, bref tout ce que l’on veut et son contraire. Sauf quand on opte pour le noir mat sur lequel tout le monde se retourne.

L’autre couleur qui monte en puissance parmi les concessionnaires n’est guère différente sur le plan symbolique puisqu’il s’agit du blanc. Depuis 2007, la tendance venue du Japon a gagné l’Allemagne puis le reste de l’Europe. Au pays du Soleil-levant, 20 % des Audi sont blanches, comme de nombreux articles de consommation nippons. Noir et blanc s’opposent sur le papier mais se rejoignent dès que l’on parle d’automobile. Le noir c’est classe, le blanc c’est beau mais c’est salissant ! Au moins, la Coccinelle verte n’avait pas à se soucier de cela !

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