Les ambitions belges de Lenovo

L’entreprise chinoise vient d’être consacrée numéro un mondial du PC. En Belgique, Lenovo se place déjà dans le top 3 en volume de ventes. Et ce n’est pas fini : le patron Benelux du groupe ambitionne de doubler ses parts de marché dans les deux ans !

Lenovo est désormais le leader mondial du PC. Après Gartner, c’était au tour du consultant IDC de le confirmer, au milieu du mois de juillet. L’entreprise chinoise dépasse l’ancien champion américain Hewlett-Packard et triomphe sur un marché du PC en pleine déliquescence : au deuxième trimestre 2013, les ventes mondiales d’ordinateurs affichaient – 11,4 % en glissement annuel.

Très fort en Chine, où il réalise 43 % de son chiffre d’affaires, le groupe perce aussi dans le reste du monde. Et notamment en Europe, où Lenovo est le seul fabricant du top 5 à voir ses ventes progresser sensiblement : + 19 % au dernier trimestre dans la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), ce qui le conduit à la deuxième place du classement selon IDC, pendant que HP (- 23 %), Dell (- 9 %), Acer (- 42 %) et Asus (- 38,5 %) plongent. Ambitieux mais encore relativement méconnu dans nos contrées, le groupe Lenovo a clairement le vent en poupe.

Le marché belge n’y fait pas exception : on constate un engouement de plus en plus marqué de la part tant des consommateurs que des entreprises. La firme chinoise est même parvenue à se hisser sur le podium des ventes en Belgique. Même s’il s’agit de chiffres relatifs au nombre de PC vendus, et non aux revenus tirés de ses ventes, ils sont le signe d’un vrai succès pour Lenovo.

A l’assaut des marchés locaux

Afin de mieux attaquer les marchés locaux, le leader mondial a réorganisé sa structure. En avril dernier, Lenovo a nommé un patron responsable du Benelux, l’Allemand Andreas Mayer. “Cette nouvelle organisation permet des décisions plus rapides et une meilleure compréhension du marché local”, explique cet ancien d’IBM dans un français impeccable. Lenovo emploie une cinquantaine de personnes pour le Benelux, dont une vingtaine en Belgique. La feuille de route d’Andreas Mayer est claire : propulser Lenovo au sommet des ventes : “Mon objectif est de doubler notre part de marché dans les deux prochaines années, pour atteindre 20 % des ventes aux consommateurs dans le Benelux”, assène-t-il.

Téméraire le boss de Lenovo en Belgique ? La progression spectaculaire des ventes lui donne une certaine assurance. Mais les craintes des consommateurs vis-à-vis d’un nouvel entrant et le manque de renommée de la marque représentent des freins non négligeables. Andreas Mayer ne s’en cache pas : “Nous souffrons actuellement d’un déficit de notoriété, reconnaît-il. Nous travaillons beaucoup pour le résorber, notamment via des investissements importants dans le marketing. Pas forcément en faisant de la publicité tous azimuts, mais en travaillant sur Internet, les réseaux sociaux, et en mettant en avant nos capacités d’innovation.”

Soigner son image dans le “retail”

Surtout, la marque tente de se positionner idéalement dans le retail. “Nous voulons y améliorer notre présence”, indique le patron Benelux. Présente chez Mediamarkt, Vanden Borre ou encore Makro, la marque chinoise fait actuellement son apparition dans les rayons de la Fnac. La chaîne de magasins a pris son temps avant d’intégrer Lenovo à son assortiment, histoire de vérifier la qualité du service après-vente, la livraison, le back office… “Nous avons nos exigences”, explique Philippe Steenkiste, product manager IT et télécoms à la Fnac. Etre présent dans une telle enseigne comme est crucial pour l’image de Lenovo. “C’est rassurant pour le consommateur”, estime Philippe Steenkiste.

D’après lui, Lenovo a toutes les cartes en main pour rapidement percer auprès des clients de la Fnac. Contrairement à ses concurrents qui se désengagent de certains types de produits, la marque dispose aujourd’hui d’une très large gamme d’appareils : “petits” portables (11 pouces), portables classiques (15 ou 17 pouces), ultraportables, hybrides, tablettes, etc. Philippe Steenkiste est confiant : “Les sociétés chinoises comme Lenovo ou Huawei vont prendre des parts de marché très rapidement, pour une raison simple : elles proposent des machines performantes à des prix intéressants.” D’après le product manager de la Fnac, Lenovo affiche des tarifs 5 % à 10 % moins élevés que la concurrence, à spécifications égales. “Lenovo deviendra incontournable dans les deux ans”, prédit-il.

Une marque “B” à haut potentiel

Chez Mediamarkt, on vend la marque chinoise depuis deux bonnes années. “Nous entretenons d’excellentes relations commerciales”, assure Stefan De Prycker, country manager de Mediamarkt et chief product officer de l’enseigne en Belgique. Ce dernier classe pour le moment Lenovo dans la catégorie des marques B au rayon informatique. “C’est un bon challenger des labels A tels que HP ou Acer, indique Stefan De Prycker. Il faudra encore deux ou trois ans à Lenovo avant d’être perçu par le client comme une marque premium.” Pour l’instant, elle se place entre la quatrième et la sixième place au niveau des ventes chez Mediamarkt, avec environ 12 % du marché. A-t-elle le potentiel pour devenir numéro un ? Stefan De Prycker joue la prudence : “Cela dépendra de leur capacité d’innovation et d’élargissement de leur gamme, avance-t-il. Par ailleurs, la notoriété, le branding sont très importants. Ce n’est pas quelque chose qui se construit en deux ans.”

D’autant que l’arrivée de Lenovo chez Mediamarkt s’est d’abord faite à coups de campagnes très agressives sur les prix. Avec pour objectif de faire du volume sur un nombre restreint de références. “Nous faisons encore ce type d’actions one shot pour Lenovo, mais désormais nous travaillons beaucoup plus en largeur sur l’ensemble de leur assortiment”, pointe Stefan De Prycker. L’image low cost que la marque a pu véhiculer à une certaine époque est donc en train de s’estomper. Et le client est de moins en moins dubitatif sur la qualité chinoise. “Le consommateur sait que les produits électroniques, quelle que soit la marque, sont majoritairement fabriqués en Asie. Les Chinois ont prouvé qu’ils savent faire de la qualité”, souligne le country manager de Mediamarkt.

L’étiquette chinoise

N’empêche, l’étiquette “chinoise” et tous les présupposés qu’elle véhicule continuent de coller à la peau de Lenovo. Pourtant, l’entreprise est beaucoup plus internationale qu’il n’y paraît au premier abord. La croissance de la marque s’est en effet largement appuyée sur une série d’acquisitions de sociétés en dehors de son pays d’origine. A commencer par le rachat de la division PC de l’emblématique entreprise américaine IBM en 2005. Plus récemment, Lenovo a fait main basse en 2011 sur Medion, un fabricant allemand d’électronique, sur la société US Stoneware (cloud, logiciels)et sur l’entreprise brésilienne CCE (électronique). Et ce n’est sans doute pas fini : l’appétit de Lenovo pour le marché des smartphones pourrait conduire l’entreprise à racheter une marque en difficulté comme BlackBerry ou Nokia, ont laissé entendre certains analystes.

“Lenovo est toujours décrite comme une entreprise chinoise, mais pour moi c’est plutôt une entreprise globale”, avance Andreas Mayer. Le top management de Lenovo est d’ailleurs composé de sept nationalités : sur 10 membres du comité de direction, il n’y a que trois Chinois, argumente le patron Benelux de Lenovo. “Les Chinois se sont rendu compte qu’ils ne savaient pas gérer une affaire globale, avance cet ancien d’IBM. Quand ils ont racheté IBM afin de s’internationaliser, ils ont laissé les gens en place et ils se sont entourés de professionnels habitués au marché mondial. A l’époque, nous nous demandions tous si une armée de Chinois allait débarquer pour nous dire ce que nous devions faire, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Nous bénéficions d’une grande indépendance pour atteindre les objectifs fixés par le top management.”

Au-delà du PC

On aura compris que ces objectifs étaient très ambitieux. D’autant que Lenovo ne compte pas se cantonner au marché du PC, qui est actuellement le coeur de son business. Le groupe chinois compte bien profiter du formidable essor des tablettes et des smartphones, qui sont les principaux responsables de l’effondrement du marché traditionnel du PC. L’entreprise chinoise commercialise des tablettes et des hybrides (PC avec écran tactile) que l’on peut trouver en Belgique. Elle mise beaucoup sur la gamme Yoga, des PC portables avec écran tactile détachable, qui tournent sous Windows 8. Elle compte aussi se faire un nom sur le marché du smartphone. En Chine, elle est déjà numéro deux de ce juteux business. Les premiers smartphones Lenovo arriveront en Europe dans 12 à 18 mois, promet la marque.

“Notre focus reste le PC, mais nous regardons au-delà, avertit Andreas Mayer. Vu le ralentissement du secteur du PC, nous devons veiller à ne pas rester dépendants d’un seul marché. La stratégie de Lenovo est de devenir leader du marché du PC+, qui inclut les hybrides, les tablettes et les smartphones. Nous sommes déjà le numéro trois mondial du marché des appareils connectés, derrière Samsung et Apple. Ce sont des concurrents redoutables, mais nous sommes convaincus que nous développons des produits intéressants et ‘différenciants’ qui nous permettront de nous imposer.”

Contrairement aux anciennes gloires du PC, comme HP ou Dell, qui se retirent progressivement du marché des consommateurs pour se focaliser sur une approche B to B, Lenovo tient à jouer un rôle de premier plan auprès du grand public. Sa stratégie se rapproche clairement de celle de Samsung : développer une gamme qui s’adresse à tous les segments du marché, du low cost au produit premium.

Lenovo investit énormément dans la recherche et développement (plus de 600 millions de dollars en 2012), une condition indispensable pour se démarquer dans un marché de l’électronique grand public en croissance, mais fortement concurrentiel et dominé par deux acteurs surpuissants : Samsung et Apple. “Ce sont les marques de référence contre lesquelles nous devons nous battre”, déclare Andreas Mayer. Lenovo aura fort à faire face à ces deux colosses. Mais l’entreprise chinoise est capable, à moyen terme, de créer la surprise.

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