Le vin français s’est lancé dans une course contre la montre pour s’adapter au changement climatique

“Le temps presse!” Face au changement climatique qui se confirme d’année en année, les viticulteurs français veulent passer à l’action pour adapter leurs vignes et leurs pratiques à la nouvelle donne.

“Nous sommes à un moment charnière. Le changement climatique est là, on le voit, on le subit”, déclare à l’AFP Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire.

L’avancée de la date des vendanges en est le premier signe: “un mois en 50 ans”, selon Christophe Riou, directeur adjoint de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). S’y ajoute la tendance au bourgeonnement précoce de la vigne la rendant plus vulnérable au gel tardif comme cela a été le cas en avril. Mais aussi les chaleurs estivales intenses qui brûlent les feuilles dans le sud, les épisodes de sécheresse…

Après un travail de réflexion mené depuis 2017, la filière viti-vinicole remettra fin août au ministre de l’Agriculture Julien Denormandie un rapport proposant “7 orientations et 40 actions”, indique Jérôme Despey, viticulteur de l’Hérault (sud), sans les dévoiler.

“C’est maintenant qu’il faut vraiment apporter des orientations nouvelles dans les pratiques agricoles et viticoles”, martèle-t-il alors que les experts de l’ONU sur le climat (Giec) prévoient un réchauffement de la planète plus rapide que prévu.

L’enjeu économique est de taille. La France est le deuxième producteur de vin au monde (46,6 millions d’hectolitres en 2020) juste derrière l’Italie. Et le premier exportateur en valeur avec 8,7 milliards d’euros de ventes en 2020, selon l’Office international de la vigne et du vin.

– Choix de l’innovation –

Pour évoluer, la filière peut s’appuyer sur les travaux de l’institut de recherche Inrae qui pilote depuis près de dix ans (2012-2021) un programme baptisé “Laccave”, sur l’adaptation du vignoble au climat de demain.

Quatre scénarios possibles ont été soumis aux professionnels: ne pas faire grand chose, innover pour rester sur les territoires actuels, relocaliser les vignes dans des endroits plus frais, ou encore tout déréguler.

“Nous nous sommes positionnés sur le scénario où l’innovation permettrait de conserver la valeur de la filière viti-vinicole française”, déclare Jérôme Despey, qui préside le conseil spécialisé Vin de l’organisme France Agrimer.

Pour la recherche, l’enjeu “est de jouer sur du matériel végétal adapté et notamment plus tardif pour permettre de revenir à des dates de vendanges plus normales et d’avoir des vins plus équilibrés”, souligne Christophe Riou.

Car le réchauffement climatique donne des vins plus lourds, plus riches en alcool et moins subtils.

Dans son laboratoire bordelais, Nathalie Ollat, ingénieure de recherche de l’Inrae et copilote du projet Laccave, étudie une cinquantaine de cépages non plantés qui pourraient regagner en intérêt en permettant aux vins de Bordeaux de garder leur profil. Ils proviennent de la région mais aussi d’autres vignobles français et de pays du sud et sud-est de l’Europe, explique-t-elle.

Des expérimentations sont en cours. L’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) a ainsi autorisé les AOC (Appellations d’origine contrôlée) Bordeaux et Bordeaux supérieur à tester six nouveaux cépages, dans des proportions limitées.

– Modifier les pratiques –

Dans le Languedoc, ce sont des cépages grecs et italiens qui sont expérimentés car plus tardifs et résistants à la sécheresse que les cépages locaux, souligne Jean-Marc Touzard, directeur de l’unité Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation à l’Inrae.

La création de nouveaux cépages plus résistants à la sécheresse est aussi en cours mais cela nécessite du temps, une quinzaine d’années, pour obtenir un résultat, dans la mesure où il faut procéder par croisements successifs.

Autre levier d’adaptation possible, le choix des porte-greffe (plante sur laquelle on vient greffer le cépage) qui peuvent permettre un enracinement plus en profondeur et une meilleure captation de l’eau, note Nathalie Ollat.

L’accès à l’eau constitue un autre enjeu majeur pour la survie du vignoble en cas de températures élevées. “Sans eau, demain on ne fera rien”, assène Bernard Angelras, viticulteur dans les Costières de Nîmes et président de l’IFV.

Sans attendre, les viticulteurs peuvent déjà commencer à modifier leurs pratiques: gestion des sols, de l’enherbement, de la taille, replantation d’arbres. Et analyser finement leur terroir pour rechercher les zones plus fraîches.

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