“Le travail du dimanche est toujours très bien vu tant que c’est pour les autres”

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Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

L’UCM ne voit pas d’un bon oeil l’abolition du jour de fermeture hebdomadaire obligatoire pour les commerces.

La N-VA dépose ce jeudi un projet de loi visant à étendre l’ouverture des commerces jusqu’à 21 h et à abolir leur jour de fermeture hebdomadaire. L’argument est que cette mesure faciliterait la vie des ménages. Qu’en pensez-vous ?

Il n’y a pas de besoin pour les consommateurs. Les magasins ont déjà des plages d’ouverture très larges, six jours sur sept, et il existe à l’heure actuelle de nombreuses ouvertures du dimanche – jusqu’à 13 par an – et des ouvertures du dimanche autorisées dans les zones touristiques. Il y a donc déjà beaucoup de dérogations à la loi, chaque fois que c’est utile et qu’il y a possibilité de faire du chiffre d’affaires en plus. Ouvrir sept jours sur sept, toujours et partout, c’est simplement étaler sur sept jours le chiffre d’affaires de six jours avec des coûts de personnel en plus. Le dimanche n’est pas un jour comme les autres. Il est important, socialement parlant, de conserver une journée pour des activités culturelles, sportives et familiales.

L’objectif de cette proposition n’est pas de contraindre les commerçants. Le choix leur est laissé…

C’est une illusion et c’est très hypocrite ! Si les grands magasins ouvrent, les petits magasins vont être obligés d’ouvrir également pour se défendre. On le voit déjà quand il y a des ouvertures autorisées le dimanche. Tous les magasins n’ont pas forcément envie d’ouvrir mais ils sont obligés de suivre. Si la grande distribution est demanderesse d’une dérégulation totale, à l’américaine, c’est parce qu’elle sait qu’il y aura un déplacement de la consommation. Les grandes chaînes de magasins auront la possibilité de multiplier les ouvertures du dimanche en organisant des événements, des animations, des promotions, etc. Elles vont détourner la clientèle des commerces de proximité, des commerces indépendants. Or, une étude française a montré que si vous déplacez du chiffre d’affaires des petits commerçants vers les grandes chaînes, vous risquez de tuer des emplois, l’intensité de main-d’oeuvre par rapport au chiffre d’affaires étant beaucoup plus grande dans les petits commerces que dans les grandes enseignes.

A Maastricht, une mesure de ce type a été instaurée. Certains commerçants, au départ réticents, ne le regrettent aujourd’hui absolument plus. N’y a-t-il pas une crainte prématurée de l’inconnu chez nous ?

Il y a peut-être des habitudes différentes à Maastricht… Mais si vous allez à Liège, la ville la plus proche, les magasins sont fermés à 18 h alors qu’ils ont la possibilité d’ouvrir jusqu’à 20 ou 21 h le vendredi ou les veilles de jours fériés. Je vous assure que si les commerçants pensaient qu’en restant ouverts jusqu’à 20 h, ils augmenteraient leur chiffre d’affaires, ils le feraient. Le travail du dimanche est toujours très bien vu tant que c’est pour les autres. Le jour où les parlementaires siégeront tous les dimanches, je ne serai plus choqué qu’ils votent une loi pour que les commerces ouvrent sept jours sur sept.

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