Le Skoda nouveau est arrivé

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Fini le temps de la ringardise. Porté par son intégration réussie dans le groupe Volkswagen et par un repositionnement audacieux de la marque, le constructeur Skoda multiplie les bons résultats et se fixe d’ambitieux objectifs.

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Skoda en ce temps-là était mis, avec Trabant et Lada, dans le même panier des marques “communistes” ringardes. C’était une époque où, même après la chute du Mur de Berlin, ces voitures au design austère gardèrent longtemps cette image désuète et donc une réputation peu enviable sur le marché automobile.

Ce temps-là, aujourd’hui, semble enfin résolu. Non seulement pour les moins de 20 ans, mais surtout pour la précieuse clientèle des pays émergents qui se moque à vrai dire du passé momentanément communiste de l’une de ces trois marques. Car Skoda, pour ne pas la nommer, est résolument passée à la vitesse supérieure depuis que le groupe Volkswagen s’est offert le constructeur tchèque en 1991. Certes, il a encore fallu un peu de temps pour que la marque à la flèche ailée s’installe enfin sérieusement sur la scène automobile, mais désormais, l’empire allemand – qui possède non seulement VW mais aussi Porsche, Audi, Seat, Bentley, Bugatti et Lamborghini – compte bien faire de Skoda l’une de ses marques phares à l’aube des années 2020.

Les ambitions du groupe Volkswagen sont d’ailleurs très claires à ce sujet : à l’horizon 2018, les objectifs de croissance des ventes de Skoda sont fixés à +70 % ! D’un peu moins de 880.000 voitures écoulées dans le monde en 2011, la marque d’origine tchèque espère ainsi passer à 1,5 million de véhicules vendus pour l’année 2018, grâce un positionnement très clair et surtout une internationalisation très forte de la marque.

“L’année 2011 était déjà une année record avec une hausse des ventes de 15 % par rapport à 2010, commente Christoph Hohmann, head of international marketing chez Skoda. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 104 pays et je pense franchement que nous pouvons atteindre les objectifs fixés par le plan ‘Stratégie de croissance 2018’ car Skoda est devenue une marque très forte sur le plan international.”

D’autant plus forte que le constructeur a terminé l’exercice dernier avec un bénéfice net en hausse de 82 %, qui est donc passé de 354 millions d’euros en 2010 à 644 millions d’euros en 2011 ! Pas étonnant, dès lors, que l’entreprise ait également gonflé ses effectifs de 7,5 % l’année dernière, comptabilisant actuellement plus de 26.500 employés.

Une maison chaude Installé à Prague dans la Creative Hot House qui préside désormais aux destinées marketing de la marque, Christoph Hohmann dirige depuis un an une équipe de 15 personnes riches de neuf nationalités censées dicter les nouvelles stratégies de communication autour de Skoda. Son arrivée a d’ailleurs correspondu avec la définition de la nouvelle identification visuelle de la marque caractérisée non seulement par un “lifting” du logo – où la flèche ailée apparaît plus grande et modernisée – mais aussi par un “relooking” progressif de tous les showrooms à travers le monde.

C’est donc là, au coeur de cette Hot House comme la surnomment ses employés, que s’établissent les grandes lignes de la stratégie marketing internationale et que sont orchestrés les différents lancements de la marque. Et le travail ne manque pas puisque Skoda s’est fixé comme objectif ambitieux de sortir un nouveau modèle tous les six mois.

Celui qui concentre aujourd’hui toutes les attentions est le modèle Rapid qui sera officiellement présenté aux Européens ce 27 septembre au Mondial de l’Automobile à Paris. Conçue sous la forme d’une berline “trois volumes”, cette voiture sera commercialisée chez nous au début du mois de décembre dans une gamme de prix avoisinant les 15.000 euros. Mais ce sont les pays de l’Est et surtout les marchés émergents comme l’Inde et la Chine que Skoda compte séduire avec cette berline spacieuse au rapport qualité-prix-habitabilité quasi imbattable. Pour attaquer directement ces marchés, la marque a d’ailleurs offert la primeur mondiale de la Rapid au continent asiatique en lançant, il y a quelques mois déjà, la production de ce nouveau modèle au coeur de son usine de Pune, en Inde. Une stratégie d’expansion vers les pays émergents qui explique aussi que le SUV compact Yeti de Skoda sera quant à lui assemblé en Chine dès l’année prochaine.

La marque ailée du groupe Volkswagen ne le cache d’ailleurs pas : elle veut dorénavant réaliser plus de la moitié de son chiffre d’affaires en dehors de l’Europe, sans snober pour autant le marché originel du Vieux Continent. “L’Europe et la République tchèque restent notre port d’attache, précise d’ailleurs Winfried Vahland, président du directoire de Skoda Auto. Une évolution couronnée de succès sur les marchés de croissance internationaux nous permettra également de renforcer notre assise sur nos marchés d’origine.”

Une marque presque centenaire Alors que les ventes de voitures neuves continuent à baisser chaque mois dans l’Union européenne avec une chute moyenne de 7 % depuis le début de l’année 2012 selon les toutes dernières statistiques de l’Association des Constructeurs Automobiles Européens, Skoda continue, quant à elle, son ascension légèrement insolente (lire l’encadré). Mais quelles sont donc les raisons du succès de la marque ? “Nos voitures se caractérisent par une grande habitabilité, un excellent rapport qualité-prix et des solutions intelligentes dans la conception”, résume Christoph Hohmann, qui évoque par exemple ce grattoir directement intégré à la trappe du réservoir de la nouvelle Rapid, histoire de pouvoir facilement ôter le givre sur le pare-brise et les vitres sans devoir ouvrir les portes enneigées du véhicule. “Et puis, nous avons quelque chose que nos concurrents directs comme Hyundai ou Kia n’ont pas, enchaîne le responsable de la Hot House : une tradition, un héritage, un savoir-faire et un artisanat puisque les automobiles Skoda existent depuis presque 100 ans.”

C’est effectivement un pan méconnu de l’histoire de Skoda : la marque a été créée en 1919 et compte une collection d’ancêtres au design bien plus élégant que les voitures austères produites pendant la période communiste. A Prague, un musée actuellement en rénovation retrace précisément toute la saga du constructeur tchèque, des premiers véhicules en bois du début du 20e siècle aux prototypes audacieux des années 2000, en passant par les élégants bolides de l’entre-deux-guerres et les cabrios rapides des “Sixties”. Bien sûr, les engins austères des années 1980, plombées par la rigueur communiste, sont repris également dans la collection, mais cette période apparaît davantage aujourd’hui comme une parenthèse presque anachronique dans l’histoire d’une marque qui entend, plus que jamais, retrouver son lustre d’antan.

Si le storytelling – ou l’art de raconter une histoire – est aujourd’hui très en vogue dans les stratégies marketing des entreprises, Skoda se défend toutefois de jouer exclusivement cette carte pour séduire les foules. Confiante en la qualité de ses produits, la marque préfère miser sur l’avenir et ses impressionnantes ambitions. Depuis le rachat par le groupe Volkswagen en 1991, il faut dire que le constructeur tchèque a vu son business boosté – en 20 ans, ses ventes ont carrément triplé, profitant évidemment du savoir-faire et de l’encadrement précieux du géant allemand.

L’empreinte VW

Aujourd’hui, la “prise en charge” par Volkswagen est telle que tous les véhicules Skoda se montent sur des plateformes VW et bénéficient ainsi de la technologie allemande à différents niveaux, comme les moteurs, les éléments de transmission ou encore les installations radio. Ce qui fait que les clients ont, de cette façon, la garantie du très sérieux label VW dans une gamme de prix beaucoup plus accessible puisque c’est au niveau du design, du confort et de “l’habillage” des véhicules que Skoda peut finalement diminuer les prix.

Mais n’y a-t-il pas un risque que la marque tchèque puisse, en définitive, vampiriser la clientèle de VW en proposant des prix alléchants pour des voitures relativement “proches” ? Chez Skoda, on ne voit pas les choses de cette façon, estimant que chaque marque du groupe a un positionnement très clair dans l’organigramme. Et pour l’expliquer, Vincent Struye, porte-parole de Skoda Belgique ose même la comparaison avec le monde de la grande distribution : “En gros, on pourrait dire qu’Audi incarne Rob, que VW c’est Delhaize et que Skoda évoque Colruyt. Et dans ce paysage, le concurrent Dacia serait plutôt Lidl.”

En jouant sur une image moins “tape à l’oeil” mais toutefois gorgée de fiabilité retrouvée, Skoda a réussi à s’offrir un nouveau positionnement et surtout à faire oublier, en moins de 20 ans, ce passé empreint de ringardise austère. Certes, il n’y a pas si longtemps, en 2001 à peine, les Britanniques osaient encore ce type de slogan : “La Fabia est une si bonne voiture que vous ne croirez jamais que c’est une Skoda.” Autodérision, si l’on ose dire, mais qui ne semble aujourd’hui plus vraiment nécessaire.

Frédéric Brébant, à Prague

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