Le nouveau Ryanair s’appelle Wizz Air

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Le troisième low cost européen, Wizz Air, mise sur la crise pour doubler ses concurrents. Il multiplie les nouvelles lignes et est devenu n°2 à l’aéroport de Charleroi. Un concurrent sérieux pour le leader Ryanair.

Dans le marasme où volent les compagnies aériennes, le troisième low cost européen, Wizz Air, derrière Ryanair et easyJet, s’en tire assez bien. En juillet, la compagnie a ainsi annoncé avoir opéré 70% des vols par rapport à la même période en 2019 et transporté 1,8 million de voyageurs, soit près de la moitié du nombre de passagers pour la même période également. Une performance dans le secteur ! En Belgique, elle dessert Charleroi et a multiplié, depuis juin, les annonces de nouvelles destinations : Vienne (Autriche), Belgrade (Serbie), Tirana (Albanie), Varna (Bulgarie) et Bacau (Roumanie).

“Wizz Air a dépassé TUI fly et est devenue le deuxième opérateur à Charleroi en 2019”, indique Vincent Grassa, le porte-parole de l’aéroport de Brussels South. La compagnie affiche, en pleine crise, une politique agressive d’ouverture de lignes et de lancements de nouvelles bases, comme Gatwick et Abou Dhabi. Alors que tous les transporteurs, Brussels Airlines en tête, réduisent leur flotte, Wizz Air continue à gonfler la sienne, offrant un rayon de soleil à Airbus, son unique fournisseur d’avions. Elle espère passer de 126 avions aujourd’hui à plus de 180 en 2022.

Pour les Belges, Wizz Air est moins connue que Ryanair. La compagnie est surtout fréquentée par les natifs d’Europe centrale, notamment pour aller et venir en Europe occidentale. Et elle cherche à étendre sa clientèle : à Charleroi, elle veut entre autres attirer des touristes pour Vienne, Varna, Tirana.

“Nous gérons la crise plus efficacement”

Dans le monde des analystes financiers, Wizz Air est la compagnie à suivre. Elle “a le niveau de réserve le plus élevé par rapport à ses revenus que n’importe quelle compagnie de notre groupe de comparaison” (qui inclut Ryanair, easyJet, Air France et Lufthansa), indique un rapport de Bloomberg Intelligence.

Wizz Air dispose de 1,6 milliard d’euros de cash, de quoi tenir près de deux ans sans voler. Mais elle vole autant qu’elle le peut… Cette base solide ne pousse pas József Váradi, le fondateur et CEO, à la modestie. Il a récemment soutenu, dans le Budapest Business Journal : “Nous serons les gagnants de cette situation car nous pouvons gérer la crise plus efficacement. Nous en sortirons plus forts que jamais. Nous sommes capables de pénétrer ou d’acquérir de nouveaux marchés.”

József Váradi, fondateur et CEO de Wizz Air.
József Váradi, fondateur et CEO de Wizz Air.© BELGAIMAGE

Wizz Air est perçue comme le rival le plus agressif pour Ryanair. Elle est encore loin d’approcher la taille de la compagnie irlandaise, qui a transporté 149 millions de passagers sur le dernier exercice, clôturé en mars 2020, contre 40 millions seulement pour Wizz Air. Mais cette dernière affiche une croissance nettement plus forte, de 16% en passagers et 19% en revenus, contre 4% et 10% pour Ryanair.

Dans le monde des analystes financiers, Wizz Air est une compagnie à suivre.

Des coûts encore plus bas que Ryanair

La force de Wizz Air tient dans sa structure de coûts, plus basse que Ryanair, même si cette dernière soutient le contraire. Selon Bloomberg Intelligence, Wizz Air a un coût par siège/kilomètre 10% plus bas que Ryanair et 40% qu’easyJet. Lancée en 2003 en Hongrie, elle applique toutes les recettes des ultra-low cost et avait même devancé Ryanair dans la politique des bagages de cabine payants.

Les opérations de Wizz Air sont basées essentiellement en Hongrie, avec une logique de bases similaire celle à Ryanair ou easyJet. Elle en compte actuellement 33, surtout en Europe centrale, ce qui permet d’organiser des vols tôt le matin. Elle est aussi très volatile, ouvrant et fermant les lignes selon leurs résultats. En juin, elle avait démarré des vols quotidiens sur Budapest au départ de Brussels Airport… et les a arrêtés après cinq semaines, faute de passagers en suffisance.

“Les coûts très réduits de Wizz Air s’expliquent par un coût de main-d’oeuvre assez bas (la compagnie ne compte pas de syndicats), une flotte d’avions récents, des frais d’aéroports réduits“, indique une note de Bloomberg Intelligence, qui estime l’écart du coût de la main-d’oeuvre de 60% en dessous de celui de Ryanair. C’est notamment dû aux conditions salariales en Europe centrale.

Cela ne signifie pas que Wizz Air n’a pas subi le confinement. Elle a perdu 108 millions d’euros sur le trimestre clôturé fin juin. “C’est mieux que ce que nous avions anticipé”, écrit Gabor Butka, analyste chez Concorde Research, qui avait prédit une perte de 142 millions d’euros. Le consensus des analystes se situait, lui, à -122 millions d’euros. Dans cette période presque inactive, hormis un lent redémarrage en juin, elle a même dépassé Ryanair sur le nombre de passagers transportés (707.000 vs 500.000).

Le nouveau Ryanair s'appelle Wizz Air

Restructuration éclair

La direction de Wizz Air a aussi été rapide à manier la hache pour réduire ses coûts. Même Michael O’Leary, CEO de Ryanair, pourtant raide dans sa gestion sociale, n’a pas été aussi prompt. Dès avril, Wizz Air a annoncé une réduction de son effectif de 19%, soit 1.000 personnes, et des réductions salariales pour ceux qui restent. Avec l’objectif de les réembaucher lorsque les affaires iront mieux. “Je pense que l’on reviendra à notre niveau antérieur d’ici un an”, espère József Váradi (toujours dans le Budapest Business Journal). L’association mondiale des compagnies aériennes, l’Iata, ne prévoit pas de retour à la normale avant 2024, au plus tôt.

La compagnie a pu aussi profiter d’un coup de pouce à travers un prêt public de 300 millions de livres en Grande-Bretagne, de quoi améliorer ses liquidités.

Le CEO de Ryanair, Michael O’Leary, surveille Wizz Air comme le lait sur le feu. La compagnie irlandaise a considérablement développé ses bases dans les pays d’Europe de l’Est mais n’a pu freiner la croissance de sa rivale. Wizz Air affirme détenir une part de marché de 17,5% dans les pays d’Europe centrale contre 14,1% pour Ryanair. Elle concède que Ryanair est numéro un en Pologne, Slovaquie ou Lituanie mais elle devancerait la compagnie irlandaise en Bulgarie, en Macédoine et bien sûr en Hongrie.

-60%

Ecart du coût de main-d’oeuvre entre Wizz Air et Ryanair.

L’heureux pari sur Airbus

Wizz Air a aussi l’avantage sur sa concurrente irlandaise d’avoir misé sur Airbus et sa famille de modèles A320. Michael O’Leary préfère Boeing et a commandé 210 Boeing 737 Max pour réduire de 20% le coût d’exploitation par siège. Hélas, Ryanair attend depuis plus d’un an la livraison des premiers avions, le modèle étant interdit de vol depuis mars 2019 en raison de défauts de sécurité qui tardent à être réglés.

Le plus inquiétant pour les concurrents de Wizz Air est sa progression vers l’Ouest et son intérêt pour la clientèle d’Europe occidentale. En ouvrant une base à Gatwick, Wizz Air cherche à attirer le public des vacanciers britanniques. Même chose pour la base Milan Malpensa ouverte en juillet. József Váradi se paye même le luxe de critiquer les autorités européennes qui ont suspendu la règle imposant aux compagnies d’utiliser leurs slots (créneaux horaires) au moins 80% du temps au risque de les perdre, car Wizz Air aimerait bien en récupérer, aux bonnes heures, pour se développer sur Gatwick.

L’intrigante base d’Abou Dhabi

Le plus étrange est l’ouverture, en octobre, d’une base à Abou Dhabi, avec deux avions, pour ouvrir des lignes notamment vers Athènes, Larnaca et Odessa. Wizz Air semble intéressée à développer un nouveau marché low cost autour des émirats. József Váradi espère y faire voler une centaine d’avions d’ici 15 ans, exactement comme il l’avait fait au départ de la Hongrie.

Derrière les avions fuschia de Wizz, voici l’américain Indigo

Ceux qui estiment que Ryanair est une compagnie compliquée, avec son quartier général irlandais et ses bases partout en Europe, n’ont encore rien vu. Wizz Air fait mieux (ou pire). A première vue, la compagnie semble hongroise puisque la majorité des avions de couleur fuschia sont opérés par Wizz Air Hungary et que son CEO, József Váradi, est lui-même hongrois, et même l’ancien patron de la compagnie nationale Malév. En fait, Wizz Air Group est basé à Jersey, en Grande- Bretagne, son management est situé en Suisse, selon le rapport annuel, et très peu de membres de la direction du groupe sont est-européens. Le groupe compte des filiales opérationnelles, dont la principale est une compagnie hongroise, Wizz Air Hungary, qui représente 2,55 milliards d’euros de revenus sur un total de 2,8 milliards pour l’exercice 2020 clôturé en mars dernier.

Mais le premier actionnaire du groupe est américain. Il s’agit d’Indigo Partners (17%), un private equity actif dans le leasing d’avions. Indigo possède plusieurs participations importantes dans des low cost : dans Frontier (USA), Volaris (Mexique), JetSmart (Chili) et Wizz Air. Indigo commande des avions et les loue aux compagnies qu’il contrôle. En 2017, il avait commandé 430 avions A320 Neo à Airbus.

William A. Franke, 82 ans, le président de Wizz Air Group, est également le managing partner d’Indigo Partners. Il n’y a quasiment aucun administrateur hongrois, hormis le CEO József Váradi. L’un d’eux est belge, Guido Demuynck, ancien dirigeant de Philips et ex-administrateur de Proximus.

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