Le futur de la voiture électrique passe par la Chine
La voiture électrique a son prophète avec Elon Musk, son paradis en Norvège grâce à de généreuses aides gouvernementales, mais son avenir se décidera en grande partie en Chine, estiment des experts du secteur.
Le premier marché automobile mondial, qui met en vedette ses produits à partir de lundi au salon biennal de Pékin, est aussi devenu en 2015 le premier débouché pour les véhicules électriques: 247.000 voitures particulières et utilitaires “zéro émission” ont été immatriculés en 2015, soit 300% de mieux qu’en 2014, selon la fédération des contructeurs chinois.
Leur taux de pénétration reste encore très limité, au même niveau qu’en France: environ 1%. Mais les autorités sont décidées à mettre les bouchées doubles, sur fond de vive préoccupation quant à la pollution atmosphérique.
Outre les aides du gouvernement central qui peuvent aller jusqu’à 55.000 yuans (7.600 euros), auxquelles s’ajoutent parfois des incitations de collectivités locales, les véhicules électriques ne sont pas assujettis aux restrictions de circulation imposés dans les grandes villes.
Limités en autonomie et chers en raison de leurs batteries, ils ne peuvent pas encore rivaliser avec les voitures classiques, hors segments précis comme le luxe défriché par l’Américain Tesla.
Leur développement est donc tributaire des subventions, comme en Norvège, où 17% des ventes neuves en 2015 concernaient des voitures électriques, un record mondial.
Le patron de Tesla Elon Musk parie sur une démocratisation dont la clef de voûte est une usine géante au Nevada en coopération avec le Japonais Panasonic, censée abaisser par effet d’échelle le coût des batteries.
Dans cette course à la taille critique, la Chine se retrouve très bien placée, note Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile. Même si les voitures électriques ne conquièrent qu’une petite fraction des acheteurs, “compte tenu de la taille du marché, ce sera un formidable accélérateur” au niveau mondial, explique-t-il à l’AFP.
“La Chine est peut-être l’endroit dans le monde où l’industrie automobile, par elle-même, peut générer cet effet d’échelle qui va faire baisser les coûts”, renchérit Jean-François Belorgey, expert chez EY.
Electricité encore d’origine fossile
Le gouvernement chinois ambitionne de mettre pas moins de cinq millions de voitures rechargeables sur les routes à l’horizon 2020. M. Belorgey évoque plutôt un marché annuel de 750.000 véhicules de ce type dans quatre ans, un chiffre déjà “énorme”.
“S’il y a un marché où l’électrique peut passer un certain seuil de volume pour que les batteries commencent à être raisonnables d’un point de vue prix, c’est bien la Chine”, croit lui aussi Laurent Petizon, spécialiste des marchés automobiles chez AlixPartners.
Ben Scott, expert en véhicules électriques au sein du cabinet IHS, se veut toutefois prudent, notant que le marché électrique chinois “n’en est qu’à ses tout débuts” et encore loin de pouvoir se suffire à lui-même. Il craint que la fin des aides, annoncée pour 2020, soit “un peu prématurée”, et relève que l’infrastructure de recharge reste balbutiante.
Quoi qu’il en soit, les constructeurs présents en Chine sont en train de multiplier les produits rechargeables. Daimler (Mercedes) et le Chinois BYD produisent déjà ensemble la voiture électrique Denza.
Côté Français, Renault a annoncé l’introduction en 2017 en Chine de son automobile électrique Fluence ZE, et le groupe PSA va montrer à Pékin une inédite berline C-Elysée elle aussi 100% électrique, attendue en concession l’année prochaine.
Parallèlement, on retrouve des capitaux chinois dans d’ambitieux projets d’automobiles électriques en Occident avec le Britannique Aston Martin et l’Américain Faraday Future qui se rêve en concurrent de Tesla.
Reste le gros point noir de l’origine de l’électricité, toujours produite en majorité à partir de charbon en Chine. “On pourrait dire que l’on ne fait que déplacer le CO2 de l’échappement vers une centrale”, concède M. Scott.
“Cela ne résout pas le problème de l’effet de serre, mais cela résout le problème de la concentration des particules” dans les villes, souligne pour sa part M. Belorgey, en remarquant que les autorités chinoises ont lancé un processus de “décarbonation” de l’électricité, “qui prendra du temps”.
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