Le département du Nord de la France en alerte sécheresse: “des conséquences importantes sur le chiffre d’affaires”

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“Une terre sèche entraîne des produits de moins bonne qualité en plus petite quantité”, résume Alain Dequeker, au milieu de son champ à Bermerain. Dans le Nord, le déficit hydrique est tel que la préfecture a placé le département en alerte sécheresse dès avril, une première.

Sur ses quelque 250 hectares, M. Dequeker cultive principalement des pommes de terre, une plante sensible à la sécheresse “car elle se nourrit en eau à 30 voire 45 cm de profondeur seulement”, explique l’agriculteur, dans son champ situé au sud de Valenciennes. La pomme de terre est en effet “la culture la plus irriguée dans le Nord, viennent ensuite les haricots verts puis les oignons et les petits légumes comme les carottes”, précise Jacques Blarel, chef du service productions végétales de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais.

A cause du manque de pluie pendant l’hiver, la préfecture du Nord a pris un arrêté dès le 9 avril et des mesures de restriction applicables jusqu’au 30 juin pour réduire la consommation d’eau. Particuliers, industriels et agriculteurs sont concernés, ces derniers ayant l’interdiction d’irriguer leurs cultures entre 11H et 17H. En 2018 déjà, des “déficits pluviométriques importants” avaient conduit la préfecture à prendre un arrêté pendant l’été, mais c’est la première fois qu’il est pris aussi tôt dans la saison.

“Le niveau en déficit hydrique est hors du commun, en fin de période hivernale, les débits des cours d’eau devraient être les plus importants et les nappes au plus haut, et ce n’est pas le cas”, relate Eric Fisse, directeur départemental des territoires et de la mer. Pour l’heure, comme ses homologues, M. Dequeker est peu touché par l’arrêté, mais s’inquiète: “Des besoins importants en eau vont démarrer en mai et on pourra arroser seulement 75% du temps”. Il trouve l’arrêté “injuste”: dans le Nord et le Pas-de-Calais, “les besoins en eau pour l’agriculture représentent seulement 4% des prélèvements, c’est donc un arrêté contraignant pour notre activité économique qui aura peu d’effets sur l’économie d’eau”, estime l’agriculteur, également secrétaire général de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT).

“Il existe une certaine disproportion à faire supporter aux agriculteurs une réduction de 25% du temps d’irrigation pour un impact sur la ressource qui est minime”, abonde M. Blarel. “Les agriculteurs devront irriguer la nuit, cela aura des conséquences sur l’organisation du travail.” M. Dequeker liste trois conséquences du manque d’eau pour ses légumes : qualitative, quantitative et environnementale.

“Les conséquences seront importantes sur leur chiffre d’affaires”

Au début du cycle, “nous apportons ce qu’il faut à la terre pour produire une certaine quantité. Si elle n’est pas atteinte, cela signifie que nous avons apporté trop d’engrais, trop de produits de protection phytosanitaire et donc qu’on a eu un impact négatif sur l’environnement”. En outre, “une sécheresse excessive altère la qualité des tubercules, qui deviennent plus petits, difformes, vitreux et le rendement est plus faible”.

En 2018, par hectare de production, l’exploitant a récolté dix tonnes de pommes de terre en moins par rapport à une année classique, assure-t-il. Et le manque de pluie s’est aussi traduit par des pommes de terre plus petites alors que 90% de sa production est destinée aux industriels ayant un “cahier des charges précis”. “Si les agriculteurs ne peuvent pas honorer leurs contrats” qualitativement et quantitativement, “les conséquences seront importantes sur leur chiffre d’affaires”, affirme M. Blarel. M. Dequeker regrette alors “le manque d’anticipation” de l’arrêté, “quand la décision a été prise, il n’y avait plus de plan B, les contrats étaient signés, l’assolement terminé”. Et, selon M. Blarel, il est possible que cet arrêté soit reconduit cet été “car, même s’il se mettait à pleuvoir de manière conséquente, la recharge des nappes se ferait difficilement, une partie de l’eau étant directement consommée par les cultures avant d’arriver dans les nappes”. “Mais on travaille avec la préfecture pour trouver des solutions pour que l’arrêté soit moins contraignant pour les ‘irriguants'”, conclut-il.

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