Jack Ma, le génial entrepreneur face aux soupçons de Pékin
Il est le plus célèbre homme d’affaires de Chine et le symbole du “self-made man” pour ses compatriotes. A 56 ans, Jack Ma doit désormais gérer la vindicte des autorités, qui semblent décidées à lui couper les ailes.
L’ancien professeur d’anglais, officiellement retraité d’Alibaba depuis l’an dernier, accumule les revers depuis l’automne et n’a plus été vu en public depuis début novembre et l’annulation in extremis de l’introduction en Bourse d’Ant Group, numéro un mondial du paiement en ligne dont il est le premier actionnaire. Ce fiasco lui aurait coûté son titre de première fortune de Chine, malgré un matelas tout de même évalué à 58 milliards de dollars.
Jack Ma a pu froisser le régime communiste en critiquant publiquement les régulateurs financiers de son pays quelques jours avant l’entrée en Bourse d’Ant Group. Le pouvoir du président Xi Jinping semble déterminé à lutter contre les tendances monopolistiques des groupes privés comme Alibaba, dont les plateformes de vente en ligne sont utilisées par des centaines de millions de Chinois.
– Visionnaire –
Jack Ma a eu la prescience de l’évolution massive de ses compatriotes vers le commerce électronique.
Les médias chinois racontent à l’envi ses débuts: son ascension à partir d’un milieu pauvre, un père peinant à faire vivre sa famille, un bac raté deux fois, les petits boulots, jusqu’à la création d’Alibaba dans un appartement de Hangzhou, avec 60.000 dollars empruntés à des amis.
Jack Ma (Ma Yun de son nom chinois) avait décidé d’abandonner son métier d’enseignant à l’université après avoir découvert internet lors d’un voyage aux Etats-Unis et saisi la possibilité offerte aux entreprises d’échanger leurs biens en ligne.
De même, il comprend vite le potentiel des smartphones: avec son service Alipay, il sera le pionnier du paiement électronique mobile. Ces intuitions lui valent une réputation de visionnaire dans un pays où l’argent liquide est en voie de disparition au profit du paiement par smartphone.
– Du PCC à Michael Jackson –
“La première fois que j’ai utilisé internet, j’ai tapé sur le clavier et je me suis dit: +Voici quelque chose (…) qui va changer le monde et la Chine+”, avait-il déclaré à la chaîne américaine CNN.
En 2006, le décollage de la plateforme d’e-commerce d’Alibaba, Taobao, oblige l’américain eBay à se retirer du marché chinois, laissant la voie libre à son rival. Le triomphe arrive en 2014 lorsqu’Alibaba entre en Bourse à Wall Street, levant 25 milliards de dollars, un record pour l’époque. Le groupe réédite l’exploit l’an dernier à Hong Kong, en levant 13 milliards de dollars.
Les excentricités de Jack Ma, qui cultive parfois une certaine ressemblance avec E.T., détonnent dans l’univers corseté des entrepreneurs chinois: en 2017, il s’était grimé en Michael Jackson lors d’un gala d’entreprise… Il n’en est pas moins membre du très austère Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.
De Davos à Wall Street, il côtoie les grands de ce monde et promet à Donald Trump de créer un million d’emplois aux Etats-Unis en janvier 2017, alors que le milliardaire américain s’apprête à entrer à la Maison Blanche.
Il retirera sa promesse plus tard, invoquant la guerre commerciale lancée par le président américain contre son pays.
En septembre 2018, Jack Ma annonce qu’il prendra sa retraite un an plus tard, le jour de ses 55 ans. Il entend se consacrer à des oeuvres de philanthropie dans l’éducation, à l’instar d’un de ses modèles, le fondateur de Microsoft Bill Gates.
Son ascension apparemment sans limite a pu lui valoir des inimitiés au sommet du régime communiste, avec qui il résumait ainsi ses relations en 2007 au forum de Davos: “Ma philosophie consiste à être amoureux du pouvoir mais sans jamais l’épouser”.
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