Harcèlement sexuel au travail: le réveil des entreprises

© Getty Images/iStockphoto

Interpellées par la vague “Metoo” ou plus récemment par le scandale de la “Ligue du LOL”, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à sensibiliser leurs équipes au fléau du harcèlement sexuel au travail, qui fait désormais l’objet d’un arsenal législatif renforcé.

En 2014, une enquête de l’Ifop pour le Défenseur des droits montrait qu’une femme active sur cinq disait avoir été confrontée à du harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.

Pour autant, il y a longtemps eu “une posture de déni ou de frilosité des entreprises sur le thème du sexisme, et davantage encore sur celui du harcèlement sexuel”, se souvient Pascale Pitavy, directrice associée d’Equilibres, société spécialisée dans l’égalité au travail.

L’éclatement de l’affaire Weinstein en octobre 2017 “a entraîné une prise de conscience mondiale, le phénomène a pris tellement d’ampleur que les entreprises n’ont pas eu d’autre choix que d’aller aussi sur ce terrain du harcèlement sexuel”, constate l’experte.

“Alors qu’avant, on essayait de convaincre les entreprises de faire des formations, maintenant on a des demandes entrantes, il y a clairement un changement et c’est une bonne chose car la formation reste ce qu’il y a de plus efficace”, estime-t-elle.

En 2018, Equilibres a sensibilisé plus de 50 entreprises et organismes publics, souvent de grande taille, sur le sexisme et le harcèlement sexuel.

Cadres, responsables des ressources humaines mais aussi comités de direction font partie des publics visés. “Tant que tout en haut de l’entreprise, la direction ne s’engage pas sur le sujet, c’est beaucoup plus difficile” d’agir, souligne Mme Pitavy.

“Tournant”

L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) constate également que son activité de formation sur le sexisme et le harcèlement sexuel, “résiduelle jusqu’à il y a trois ans” et presque exclusivement dirigée vers les acteurs publics et les organisations syndicales, “s’est énormément développée” avec l’arrivée de demandes émanant du secteur privé, selon sa déléguée générale, Marilyn Baldeck.

Ce “tournant” début 2017, soit avant l’affaire Weinstein, s’explique d’après elle par une “nouvelle doctrine de la Cour de cassation” en 2016, donnant aux employeurs une obligation de moyens renforcée pour la prévention du harcèlement sexuel.

Avec la libération de la parole des femmes à la suite de l’affaire Weinstein, l’association a observé une “nouvelle envolée des demandes”. Pour Mme Baldeck, “Metoo n’a pas réveillé les employeurs, mais ça a donné de la légitimité à des acteurs à l’intérieur de l’entreprise pour imposer le sujet”, comme les CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).

L’AVFT a ainsi formé les quelque 300 salariés de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel, l’encadrement francilien de La Poste, des sociétés de nettoyage ou encore Orange.

L’association a également participé récemment à une journée de sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles organisée par la SNCF et destinée à quelque 700 managers, dont Arnaud.

Ce quadragénaire qui encadre 35 conducteurs de train à la gare Saint-Lazare tenait à être présent: parmi les rares conductrices de son équipe, certaines “se faisaient souvent embêter par des collègues”, raconte-t-il à l’AFP. “On n’est pas armés pour ce genre de problématiques” et “beaucoup de choses se règlent encore en interne” dans ce “milieu d’hommes”, soupire-t-il.

Interrogé par l’AFP, Guillaume Pepy, à la tête de la SNCF, reconnaît l’existence d’une culture propre aux entreprises industrielles “dans laquelle les plaisanteries sexistes, les remarques sexistes, voire le harcèlement, avaient tendance à être sous-estimées”. “C’est cette culture-là qu’on est en train de changer”, assure le président du directoire.

“Tout le monde dans l’entreprise se rejoint pour considérer que ce n’est pas une fatalité (…), il y a une sorte de prise en main collective qui progresse tous les jours” et qui “doit être encouragée par l’entreprise”, affirme le dirigeant.

Outre les canaux traditionnels à disposition des salariés, la loi “Avenir professionnel” prévoit depuis le 1er janvier un référent “harcèlement sexuel et agissements sexistes” dans tous les CSE (remplaçants des comités d’entreprise), ainsi qu’un référent désigné par l’employeur dans les entreprises de plus de 250 salariés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content