Gautam Adani, le milliardaire qui a vu fondre sa fortune en une journée

Gautam Adani © Getty

Il ne lui aura fallu que quelques années pour se hisser dans le top trois des hommes les plus riches au monde. La dégringolade s’annonce tout aussi spectaculaire. L’industriel indien Gautam Adani, plus grande fortune d’Asie avec un empire allant des mines de charbon aux aéroports en passant par les médias, est-il derrière “la plus grande escroquerie de l’histoire des entreprises” ? C’est ce que semble penser une société d’investissement américaine Hindenburg Research.

En deux jours, le milliardaire est passé de la troisième place du classement des hommes les plus riches au monde à la septième place, selon le classement Forbes des plus grandes fortunes de vendredi dernier. Il a perdu 22.6 milliards pour la seule journée de vendredi. Sa fortune personnelle est à présent estimée à 96,6 milliards de dollars.

L’empire Adani possède des activités allant des mines de charbon en Australie aux plus grands ports de l’Inde, mais la valeur de son patrimoine a fondu de plusieurs dizaines de milliards de dollars suite à des accusations de fraudes d’une société d’investissement américaine. Le rapport d’Hindenburg accuse le groupe de s’être livré à une “manipulation audacieuse des actions et à un système de fraude comptable sur plusieurs décennies”. Il affirme que Vinod, le frère aîné d’Adani, a géré un “vaste labyrinthe d’entités fictives offshore” dans des paradis fiscaux tels que l’Ile Maurice, Chypre et plusieurs îles des Caraïbes. Le rapport indique qu’un modèle d'”indulgence du gouvernement à l’égard du groupe” s’étendant sur des décennies a fait que les investisseurs, les journalistes, les citoyens et les politiciens n’ont pas voulu remettre en question la conduite du groupe “par crainte de représailles”.

Ces allégations interviennent alors qu’Adani a lancé une ambitieuse opération d’augmentation de capital, à hauteur de 2,5 milliards de dollars, dans une fourchette de prix de 3,112-3,276 roupies par action. Le conglomérat indien a d’ailleurs dénoncé une attaque de réputation “malicieusement malveillante” de la part de Hindenburg. Jatin Jalundhwala, responsable des affaires judiciaires du groupe Adani, a déclaré dans un communiqué que la position de vente à découvert de Hindenburg au sein du groupe était la preuve que la société avait un intérêt direct à faire baisser les actions d’Adani. Mais selon Hindenburg, le groupe se contente de “fanfaronnades et menaces” plutôt que de se confronter aux problèmes soulevés par le rapport. “Si Adani est sérieux, il devrait également déposer une plainte aux États-Unis”, a déclaré la société américaine dans un communiqué. “Nous avons une longue liste de documents que nous exigerons” lors du processus judiciaire.

Le cabinet d’études, spécialisé dans les enquêtes financières médico-légales pour les investisseurs, n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai: il y a deux ans, il avait accusé de fraude Nikola, le fabricant américain de camions électriques alors très en vogue. Le fondateur Trevor Milton avait été contraint de démissionner et avait donné lieu à un procès en septembre de l’année dernière.

Gautam Adani, l’ascension fulgurante qui a de quoi faire sourciller

Agé de 60 ans, Gautam Adani se décrit lui-même comme un introverti. “Je ne suis pas une personne sociable qui veut aller à des fêtes”, avouait-il au Financial Times en 2013. Né à Ahmedabad, dans l’Etat occidental du Gujarat en Inde, dans une famille de classe moyenne, il a abandonné ses études pour travailler brièvement dans l’industrie du diamant avant de lancer son entreprise d’exportation en 1988. En 1995, l’homme d’affaires qui cherchait alors à diversifier ses activités a remporté le contrat de construction et d’exploitation du port de commerce de Mundra, devenu depuis le plus grand de l’Inde.

Gautam Adani
Gautam Adani© Getty

Dans le même temps, il s’est lancé dans la production d’énergie thermique et dans l’extraction de charbon dans son pays et à l’étranger. Ces dernières années, le conglomérat a fait une incursion dans la pétrochimie, le ciment, les centres de gestion de données ou encore le raffinage du cuivre.

L’homme dirige aussi, outre les compagnies d’électricité et les mines de charbon, huit aéroports – dont l’aéroport international de Mumbai, le deuxième aéroport le plus fréquenté d’Inde, et une douzaine de ports maritimes, en plus du port de Mundra, dans le Gujarat natal d’Adani. Grâce, dit-on, à son amitié avec le Premier ministre indien Narendra Modi, lorsque ce dernier a décidé de privatiser certaines entreprises publiques.

L’ascension fulgurante de cette richesse ces dernières années a de quoi faire sourciller. Les actions de ces filiales ont grimpé de 2.000% au cours des trois dernières années, ajoutant plus de 100 milliards de dollars au patrimoine net de son fondateur. En 2020, Adani “pesait” 8,9 milliards de dollars, un an plus tard, il en pesait déjà 50,5 et en avril 2022, il a franchi la barre des 100 milliards. Certaines de ses entreprises ont déjà vu leur capitalisation boursière augmenter de 1 000 % ou plus depuis 2020.

Controverses

D’autant plus que des controverses ont entaché certaines de ses entreprises. Comme son rachat en 2010 d’un bassin houiller inexploité en Australie qui a entraîné des années de manifestations en raison des inquiétudes suscitées par l’impact environnemental monumental du projet. Ou encore ses projets d’exploitation du charbon dans le centre de l’Inde, où des forêts abritant des communautés tribales ont été abattues pour les opérations minières. Considéré comme un proche soutien du Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi, le milliardaire a inauguré ces dernières années une entreprise d’énergie verte aux objectifs ambitieux, investissant dans les priorités stratégiques du gouvernement.

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Il a lancé en 2022 une offre d’achat hostile visant le radiodiffuseur New Delhi Television (NDTV), considéré comme la dernière grande voix “quasi indépendante” du paysage audiovisuel indien. Une manoeuvre qui a éveillé de vives craintes pour la liberté de la presse dans ce pays très peuplé. Le magnat s’est défendu en déclarant au Financial Times que les journalistes devaient avoir le “courage” de dire “quand le gouvernement fait ce qu’il faut tous les jours”.

“Profondément surendetté”

L’expansion rapide du groupe dans des activités exigeant énormément de capital a toutefois suscité des inquiétudes, l’agence CreditSights de Fitch Group ayant averti en 2022 que l’empire était “profondément surendetté”. Et, cette semaine, un rapport explosif de la société d’investissement américaine Hindenburg Research l’a accusé de fraude. Elle a allégué que le groupe Adani avait eu recours à des transactions non divulguées entre parties liées et à la manipulation des bénéfices pour “maintenir l’apparence de bonne santé financière et de solvabilité” de ses filiales cotées en Bourse. “Ces questions touchent au coeur du secteur des entreprises indiennes, où dominent un certain nombre de conglomérats contrôlés par des familles”, a fait valoir Gary Dugan, directeur général du Global CIO Office, à Bloomberg. “Par leur nature même, ils sont opaques et les investisseurs mondiaux” doivent se fier à la bonne foi des entreprises, selon lui.

L’enchevêtrement d’entreprises de Gautam Adani valait vendredi 218 milliards de dollars (environ 200 milliards d’euros).

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