Ford Genk : 10 000 emplois perdus

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La fermeture de l’usine Ford à Genk n’a pas seulement un impact social mais aussi économique important”, indique Agoria, la fédération belge des industries technologiques. 10 000 emplois directs et indirects seront perdus.

Cette entreprise représente près de 10.000 emplois directs et indirects. Ford dégage un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros et contribue pour 15 pc à la valeur ajoutée du secteur automobile belge. Une fermeture diminuera notre PIB de 0,3 pc.” Agoria évalue plus précisément la perte à 9.460 emplois. “Dans l’usine Ford même, 4.300 ouvriers et employés travaillent. De plus, 1.305 personnes sont employées dans les entreprises reliées au ‘convoyeur’. A cela s’ajoute également une quarantaine d’autres sociétés travaillant parfois comme fournisseurs exclusifs pour Ford Genk.”

La fédération remarque que depuis la fermeture d’Opel Anvers à la fin 2010, rien n’a fondamentalement changé au niveau de la position concurrentielle de la Belgique.

“L’usine de Genk est maintenant la victime d’une combinaison entre la surcapacité dans un secteur touché par la crise et la concurrence des usines des autres pays. Bien que la Belgique se situe parmi les pays les plus chers en raison des coûts salariaux, des charges fiscales locales et des coûts énergétiques, la prime d’équipe fédérale rend le secteur automobile dans notre pays un peu meilleur marché par rapport à l’Allemagne. Cet avantage s’amenuise cependant en raison de l’inflation élevée et de la progression plus rapide des salaires.”

Environ 1.300 emplois perdus chez quatre fournisseurs directs
Quatre entreprises, où travaillent 1.300 personnes et qui sont reliées directement à l’usine de Ford Genk par un système de transports, vont également devoir fermer leurs portes. Seul SML Genk, qui travaille également avec Audi, devrait pouvoir garder quelques emplois. Dans les quatre usines concernées, le production est momentanément à l’arrêt.

La déception prédomine chez SML Genk, qui assemble des moteurs, des transmissions, des essieux arrières et des suspensions. “Plus de 12 millions d’euros ont été investis dans les nouvelles lignes pour les nouveaux modèles”, explique Jo Claes, délégué de la FGTB. “Notre direction a décidé de s’allier aux employés de l’usine de Ford Genk et leurs différents fournisseurs contre la direction de Ford. Toutes les commandes pour l’usine limbourgeoise sont provisoirement arrêtées.

Nous assurons par contre celles des autres clients, comme Audi. Environ 450 personnes travaillent actuellement chez SML. Nous ignorons encore combien d’entre eux pourront rester après la fermeture de Ford Genk.”

“Nous allons voir ce qu’il va nous arriver”, indique pour sa part David Geybels, délégué de la FGTB à IAC Genk, une société qui s’occupe du montage de tableaux de bord et de consoles. “Ford est notre unique client. Près de 300 personnes vont perdre leur emploi. La production est à l’arrêt jusque’à ce que davantage de clarté soit faite sur le plan social. A mon avis, nous ne redémarrerons pas nos activités avant la fin de l’année.”

Les travailleurs de Lear Genk, qui fournit des sièges de voiture, sont également dans l’expectative. “Nous n’en savons pas beaucoup”, déplore Danielle Schroten, délégué de la FGTB. “Les 220 personnes qui travaillent actuellement ici perdront leur emploi. Ils sont actuellement au chômage économique. Les activités reprendront le 13 novembre, et on s’attend à ce que les gens viennent travailler à contre-coeur.”

Patrick Trusgnach, délégué de la FGTB chez Syncreon, indique que Ford est le seul acheteur des ciels de toit, pédales, câbles et miroirs du fournisseur. “Si l’usine ferme ses portes, 280 personnes perdront alors leur emploi. Je viens de demander à la direction de convoquer un conseil d’entreprise extraordinaire, mais la direction a encore besoin d’obtenir des informations. Ce conseil d’entreprise auravraisemblablement lieu dans les tous prochains jours. ”

Une mauvaise nouvelle pour de nombreux petits fournisseurs
La fermeture de Ford Genk n’est pas seulement “regrettable pour tous les travailleurs qui perdent leur emploi, mais également pour les nombreux et souvent petits fournisseurs qui dépendent largement de l’usine Ford Genk”, a expliqué mercredi Christine Mattheeuws, présidente du Syndicat neutre pour indépendants (SNI). “Parmi les fournisseurs, nous comptons également plusieurs PME (de pièces automobiles, catering, horeca, nettoyage, imprimerie, taxi et transport) qui prendront un coup sur la tête maintenant que le rideau tombe définitivement sur Ford Genk”, a expliqué Christine Mattheeuws.

Le SNI exhorte tous les gouvernements de Belgique – dans un contexte de nombre record de faillites et de pertes d’emplois – de continuer à investir dans des mesures concrètes et structurelles pour soutenir les entreprises.

“Le SNI réitère son appel pour une réduction structurelle des charges salariales. Une relance économique est impossible sans une baisse générale des coûts. La diminution des cotisations sociales pour les trois premiers travailleurs, en vigueur depuis le mois d’octobre, ne suffira pas”, ajoute la présidente du SNI.

40% des entreprises limbourgeoises sans lien avec Ford craignent être touchées
“Avec la fermeture de Ford Genk, c’est le plus gros moteur économique de la province qui est soudainement débranché, et ça produira un effet boule de neige qu’il ne faut pas sous-estimer”, réagit mercredi Gert Schreurs de l’association patronale VKW Limburg. Quarante pour cent des entreprises qui n’ont aucun lien avec Ford s’attendent d’ailleurs à une perte au niveau du chiffre d’affaires ou de l’emploi à cause de cette fermeture, selon une étude menée mardi par l’association auprès d’un millier de moyennes et grandes entreprises de la province du Limbourg.
“Il est logique que la fermeture d’une usine aussi importante ait des conséquences sur les entreprises qui travaillent, directement ou indirectement, pour Ford Genk”, ajoute M. Schreurs. “La moitié des entreprises limbourgeoises qui emploient plus de 20 personnes, s’attendent à subir une perte de leur chiffre d’affaires ou du nombre
d’emplois. 40% des entreprises qui n’ont aucun lien avec Ford, supposent que la fermeture de Ford aura un impact sur elles.”

Selon VKW Limburg, en imposant cette fermeture, Ford met la Flandre
et la Belgique face à la réalité. “Notre pays n’est tout simplement plus attractif pour y investir ou produire. L’économie limbourgeoise est aujourd’hui victime d’une politique qui a n’a cessé de repousser des problèmes structurels connus depuis longtemps. Il n’y a jamais eu de vraies réformes, malgré les coups durs que notre industrie a déjà subis.”

L’organisation patronale appelle les responsables politiques à “encadrer à nouveau nos entreprises, et à soutenir rapidement et fermement notre économie” et les syndicats à “ouvrir les yeux sur la dure réalité”.

“Ce sera plus compliqué qu’après la fermeture de Renault Vilvorde” Les travailleurs de Ford Genk auront plus de difficultés à retrouver un emploi que ceux de Renault Vilvorde en 1997, affirme l’économiste Paul De Grauwe qui estime aussi que le monde politique n’aurait pas pu empêcher la fermeture. “Ceux qui accusent aujourd’hui les politiques le font plus par frustration qu’à la suite d’une analyse objective”, explique-t-il.

Paul De Grauwe ne doute pourtant pas que le Limbourg se remette de ce coup dur même s'”il faudra du temps”. Le problème est plus intense aujourd’hui que lors de la fermeture de l’usine Renault, alors que l’économie connaissait une période de croissance et que les gens retrouvaient relativement vite un emploi.

La surcapacité et la baisse de la demande en Europe constituent, selon Paul De Grauwe, les principales raisons de la décision de Ford de fermer l’usine de Genk. Paul De Grauwe ne s’avance pas à donner des raisons pour lesquelles c’est la Belgique qui est touchée. “Il doit y avoir des explications économiques et politiques mais je ne connais pas suffisamment le dossier pour déterminer ce qui se cache derrière”, indique-t-il.

Les coûts salariaux n’ont, selon Paul De Grauwe, joué aucun rôle. “Au vu des chiffres que j’ai eu sous les yeux, il s’avère que les coûts salariaux directs à Genk sont relativement bas”, selon le professeur qui précise encore que si les coûts salariaux sont élevés dans notre pays, sa productivité l’est aussi.

Les travailleurs de Lommel arrêteront le travail par solidarité

Les travailleurs de Ford Lommel arrêteront le travail jeudi pour une période de 24 heures en solidarité avec leurs collègues de Genk, a annoncé mercredi le délégué principal ACV (CSC) Eddie Martens, au nom du front commun. L’annonce a été faite par mégaphone, sur le site de Genk, après une réunion de concertation avec les syndicats. “Par solidarité, Ford Lommel sera paralysé jeudi durant 24 heures”. À Lommel, Ford dispose de pistes d’essai ainsi qu’un centre de développement.

Avec Belga

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