Entre Internet et la presse, la mise en place des droits voisins du droit d’auteur se fait progressivement
Google va rémunérer l’Agence France-Presse pendant cinq ans pour utiliser ses contenus en ligne, selon un accord signé au titre des droits voisins du droit d’auteur. Passage en revue de l’application de ce droit récemment institué en Europe pour les plateformes numériques, qui vise à mieux partager avec les médias ces revenus générés par les géants de la tech sur le web.
Que sont les droits voisins du droit d’auteur en matière numérique?
Ces droits voisins sont une nouvelle composante de la propriété intellectuelle, instaurée après de longues négociations lors d’une réforme européenne du droit d’auteur en 2019.
La directive européenne renforce la position de négociation des créateurs et ayants droit (compositeurs, artistes…) face aux plateformes comme YouTube (Google), qui utilisent leurs contenus. Elle a aussi créé des droits voisins du droit d’auteur pour les éditeurs et agences de presse lors de la reproduction de leurs articles ou photos par des agrégateurs comme Google Actualités, ou des réseaux sociaux, comme Facebook.
Pour Jean-Marie Cavada, président du nouvel organisme de gestion collective qui doit négocier pour le compte de plusieurs médias avec les plateformes (Google, Facebook, mais aussi Microsoft ou Twitter), les droits voisins constituent désormais un mode de financement pérenne pour la presse. “On ne peut plus se soustraire à l’idée que la presse, qui fournit des contenus et dépense de l’argent pour les produire, doit recevoir une juste rétribution par les plateformes numériques qui empruntent ses contenus pour faire fortune. C’est un droit”, a-t-il affirmé au Point.
Comment les calcule-t-on ?
Longtemps, les plateformes ont considéré que la redirection du trafic vers les éditeurs de presse, qui touchent des recettes publicitaires, faisait office de “rémunération” suffisante. Google, l’acteur dominant de la recherche en ligne, avait un temps laissé le choix aux éditeurs de céder gratuitement leurs droits voisins ou d’être déréférencé de ses pages d’actualité.
Mais l’Autorité de la concurrence a considéré que ces conditions de négociations relevaient d’un contournement de la loi. Selon celle-ci, “la rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement”, comme c’est le cas pour l’accord entre Google et l’AFP.
Où en sont les différents pays européens?
Chaque pays devait transposer la disposition européenne dans son droit national avant le 7 juin 2021. L’Allemagne, la Croatie, l’Espagne, la Hongrie, Malte et les Pays-Bas l’ont intégralement transposée. D’autres pays ont réalisé une transposition partielle: c’est le cas du Danemark, de la Lituanie, de la République tchèque, mais aussi de la France.
“Bruxelles a lancé une procédure de rappel à l’ordre à l’encontre de 22 pays qui n’ont pas transposé intégralement ou correctement la disposition européenne”, souligne Clara Payan, collaboratrice du cabinet Derriennic associés.
Qu’en est-il en France?
Très en pointe sur le sujet, la France a été le premier pays européen à s’occuper de la transposition. Une loi a été adoptée dès juillet 2019. “Le principal a déjà été transposé mais deux autres ordonnances vont finir prochainement cette transposition”, a précisé Vanessa Bouchara, avocat spécialiste en propriété intellectuelle.
La transposition a ouvert la voie aux négociations entre les éditeurs et agences de presse d’un part et les plateformes d’autre part. Après avoir renâclé, Google et Facebook ont ainsi commencé à signer des accords avec les journaux français pour rémunérer l’utilisation de leurs contenus.
Début octobre, lors du colloque Médias en Seine, le directeur général du Monde Louis Dreyfus avait confirmé la signature d’un accord avec Google et Facebook. Le journal a reçu les “premiers flux financiers”, avait-il expliqué, sans donner d’ordre de grandeur de ceux-ci.
Selon l’avocat Fabrice Lorvo du cabinet FTPA, le montant de l’accord de l’accord entre Google et l’AFP, est “probablement assez faible”. “Mais dans cinq ans, peut-être que la renégociation permettra d’aller un peu plus loin”, a-t-il expliqué. Google ayant reconnu qu’il devait payer pour afficher ces contenus, il ne pourra pas revenir en arrière, souligne-t-il.
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