Changement de style chez Flamant

© J.Vermeersch

Après 25 ans de folle expansion, les trois frères Flamant, à la tête de la maison d’ameublement éponyme, marquent une pause. Pour se remettre de la crise, professionnaliser l’entreprise et repartir de plus belle. Un CEO extérieur à la famille a même fait son entrée. Une première !

Flamant, c’est…

Le groupe Flamant, c’est près de 400 personnes dont une septantaine au siège de Grammont où se trouve le show-room de 1.100 m2 (23 pièces entièrement meublées et décorées) qui accueille les clients professionnels du monde entier.

La société ne fabrique rien en Belgique, hormis les fameuses peintures éponymes qui sont produites dans chaque pays. “Nous travaillons avec des fournisseurs au Portugal, dans les pays d’Europe de l’Est (Pologne, Roumanie, Hongrie, République tchèque), en Thaïlande, en Chine et en Inde. Nous privilégions des usines pouvant produire des petites séries. Nos articles restent des produits artisanaux”, insiste Alex Flamant.

Le centre logistique de l’entreprise, lui, s’est déplacé depuis quelques années de Grammont vers le sud de la Pologne. Outre les avantages que cette région présente en termes de coûts, c’est un endroit plus central sur la carte des clients de Flamant, dont 80 % des ventes sont réalisées à l’exportation. Principalement en France, en Allemagne, en Italie, en Europe de l’Est et au Moyen-Orient.

Ils étaient trois. Les voilà quatre. La société d’ameublement Flamant, qui appartient et était dirigée jusqu’à présent par les frères Alex, Georges – Geo pour les intimes – et Jacques, a recruté un nouveau CEO qui, pour la première fois dans l’histoire de la société familiale installée à Grammont, ne fait pas partie de la famille. Détail non dénué d’intérêt, Edwin Vandermeulen, c’est son nom, a la réputation d’être un manager de crise dans les milieux d’affaires du nord du pays. Il a notamment assumé ce rôle dans les groupes Sofitex (textile) et Inve (agroalimentaire).

La maison Flamant aurait-elle des soucis ? “Edwin Vandermeulen n’est pas entré dans la société en tant que manager de crise mais comme manager de croissance, rassure d’emblée Alex Flamant, l’aîné des frères qui occupait jusqu’à début janvier dernier le poste de CEO. Nous avions décidé depuis plusieurs années de professionnaliser notre gestion suite à la forte croissance que l’entreprise a connue. Une croissance que nous souhaitons poursuivre. Pour cela, une aide extérieure s’avère nécessaire. Nous n’avi-ons pas encore pu franchir le pas à cause de la gestion journalière et des nombreux voyages professionnels.” Voilà qui est fait. “L’arrivée d’Edwin Vandermeulen, ajoute Alex Flamant, va nous permettre de nous concentrer sur ce que nous pensons savoir bien faire : la création et le commercial.”

32 années de bonheur avant… la crise

Ce changement coïncide avec le 25e anniversaire de la collaboration entre les trois frères Flamant. L’aventure a, en réalité, démarré voici 32 ans, lors-qu’Alex Flamant reprend le commerce d’antiquités de son père et le transforme en un nouveau concept de décoration : la réédition de meubles anciens ou récupérés, adaptés aux besoins et aux tendances d’aujourd’hui. Petit à petit, la collection s’enrichit d’objets décoratifs (photophores, vaisselle à l’ancienne, bocaux de pharmacien présentés comme des accessoires de cuisine, etc.) et de tissus campagnards. Le style Flamant est né et, avec lui, le début d’une success story belgo-belge à laquelle Geo et Jacques s’associent quelques années plus tard.

L’entreprise a rapidement grandi, imposant son style de décoration “belle maison de famille bourgeoise” aux quatre coins du monde, via des concept stores.Ceux-ci sont aménagés comme de vraies habitations aux décors qui s’inspirent des ambiances de l’Ouest de la France, des contrées méridionales, de l’Angleterre et de Scandinavie. La première boutique Flamant a ouvert ses portes dans un bâtiment classéà Anvers. Aujourd’hui, la société en compte une vingtaine en Europe (en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Italie). Ses articles sont également présents dans quelque 400 chaînes (via des corners comme à l’Inno ou chez Harrod’s à Londres) et magasins multimarques en Europe et au Moyen-Orient. En 2003, la demande de clients particuliers et des chaînes hôtelières en aménagement complet de leur intérieur est telle que la société décide de filialiser cette activité : Flamant Projects. Son équipe, composée d’architectes d’intérieur et de décorateurs, assure la coordination de concepts globaux à l’échelle internationale. Cette activité, qui a souffert de la dernière crise, ne pèse pas encore lourd dans les revenus du groupe (5 %) mais présente un beau potentiel de croissance.

Restructuration, réorganisation et réduction de voilure

Quel sera le rôle réel d’Edwin Vandermeulen dans cette affaire de famille ? “Il aura tous les pouvoirs d’un CEO, assure le chef de file des Flamant. Outre la gestion quotidienne, il est chargé de structurer davantage la société car nous passons d’une PME familiale à un groupe international.” Le trio reste toutefois totalement impliqué dans l’entreprise. Alex, le “pigeon voyageur” de l’équipe, continue à présider le conseil d’administration et à se charger de la création et des contacts avec les fournisseurs. Geo reste le commercial de la bande et s’occupe du réseau de distributeurs multimarques. Enfin, Jacques veille sur les boutiques en propre.

Reste que la crise n’a pas épargné Flamant ni sa clientèle plutôt bourgeoise qui, touchée par l’affaire Fortis et la dégringolade des marchés financiers, a restreint ses dépenses en matière de décoration. “Dès 2008, nous avons ressenti ses effets mais nous avons rapidement réagi en renégociant nos contrats avec nos fournisseurs et en déplaçant certains fabricants. Cela nous a permis de baisser nos prix de vente de 10, 15, 25 et parfois même 30 % sur certains articles. Quand tout va bien, le prix n’a pas d’importance. Mais une fois que la crise est là…”

Le groupe n’a donc pas attendu l’arrivée de son nouveau CEO pour prendre le taureau par les cornes. Outre la baisse des prix, Flamant a restructuré son centre de distribution en Pologne, réorganisé certaines fonctions dans son quartier général et changé les équipes en France. Il a aussi réduit la voilure : sa gamme de 6.000 références a été revue à la baisse ainsi que le nombre de boutiques partenaires (de 500 à 400) et un immeuble a été vendu à Paris.

Par ailleurs, après les investissements consentis en 2008, au plus fort de la crise, pour ouvrir cinq nouvelles boutiques, la société a gelé ses projets d’expansion l’année dernière et même fermé, en octobre dernier, le magasin de l’aéroport de Zaventem inauguré un an plus tôt.

Des résultats dans le rouge, la faute à pas de chance

Conséquence : au terme de l’exercice 2008-2009 clos au 30 juin 2009, le groupe Brother F., la société holding qui chapeaute les différentes filiales (Flamant SA, les boutiques en propre de l’enseigne en France, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas et Flamant Projects), affichait un chiffre d’affaires consolidé de 41,7 millions d’euros, en retrait par rapport aux 44,3 millions enregistrés un an plus tôt. Ses résultats ont basculé dans le rouge : la perte d’exploitation s’élève à 292.000 euros et la perte nette à 2,9 millions d’euros. “Nous avons joué de malchance, justifie Alex Flamant. Nous avons investi dans des nouveaux magasins qui ont ouvert au plus fort de la crise, entre juin et octobre 2008. En outre, nos distributeurs multimarques ont déstocké en masse. Et à cela, se sont ajoutés des effets de change défavorables du Zloty polonais.”

Même si les commandes reprennent depuis le début de l’année, Flamant devrait encore ressentir les effets de la crise. “C’est une année de transition, concède l’ex-CEO. Nous ta-blons pour l’exercice en cours – qui se clôturera au 30 juin 2010 – sur une baisse de nos revenus de 10 % mais sur un retour aux bénéfices.”

La reprise des ouvertures de concept stores est attendue à partir de la fin 2010, début 2011. En partenariat de préférence, comme Flamant l’a fait en Russie, en Ukraine et au Moyen-Orient. Le groupe ne désespère pas non plus de s’implanter aux Etats-Unis. A la condition de trouver le bon partenaire sur place. “Il faut avoir une excellente structure et des moyens pour réussir. Et puis on a encore tellement à faire en Europe !”

Pas de besoin de partenaire financier… pour l’instant

Tous ces projets ont un prix. La tâche du nouveau CEO sera aussi de réfléchir au financement de l’expansion du groupe pour les 10 prochaines années. Mais il n’y a pas d’urgence. “Nous ne cherchons pas d’investisseur ni de partenaires, insiste Alex Flamant. Nous avons déjàété maintes fois approchés par des investisseurs financiers et nous en avons été flattés. Souvent, la notoriété de Flamant était plus grande que la taille de la société.” Pour l’heure, les trois frères restent donc les uniques propriétaires de leur bébé. “Nous pouvons continuer à grandir sur nos fonds propres et avec l’aide des banques. Nous n’excluons rien pour l’avenir mais ce n’est pas à l’ordre du jour actuellement.” Le holding Brothers F. a procédé l’été dernier à une augmentation de capital de 2,5 millions d’euros.

Le style Flamant a été très copié de par le monde ces 25 dernières années. N’est-il pas aujourd’hui passé de mode ? “Notre concept est unique en Europe. Le style Flamant n’est pas passé. Il évolue. Tout dépend de la mise en scène. On présente désormais nos produits dans des intérieurs plus zen, plus contemporains. Nos produits s’accommodent aussi bien des maisons classiques bourgeoises ou d’intérieurs minimalistes que de lofts. Ils conviennent à tous les goûts et à tous les budgets, à des jeunes couples qui se meublent chez IKEA et qui souhaitent un bel objet mais aussi à des couples bourgeois qui ont une décoration de style plus ancien.”

Lors du récent salon international de la décoration à Paris Maison & Objet, la dernière collection Flamant a donné un avant-goût de son virage vers des lignes plus modernes avec un esprit années 1950 assez marqué. Même si le nombre de références a été revu à la baisse, pas question de faire l’impasse sur le renouvellement des collections. L’objectif est toujours de sortir 300 à 500 nouveautés par saison ! Les frères Flamant ont la ferme intention de rester leaders de leur marché et cela, sourit Alex Flamant, pour les 25 années à venir.

Sandrine Vandendooren

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