Cartel auto allemand: “Une partie du lien de confiance a été détruite”

© Reuters

Berlin a haussé le ton jeudi contre l’un des fleurons de l’économie allemande, l’industrie automobile, décrédibilisée par les soupçons de tricherie sur les émissions polluantes des véhicules diesel et plus récemment de cartel, à quelques mois des élections législatives.

“Une partie du lien de confiance non seulement entre l’industrie automobile et les consommateurs mais également entre l’industrie automobile et les responsables politiques a été détruite”, a estimé en des termes inhabituellement durs la ministre allemande de l’Environnement, Barbara Hendricks, à l’issue d’une entrevue avec le patron de Volkswagen.

Cette posture tranche avec la traditionnelle harmonie entre le gouvernement allemand et ce secteur-clé, l’un des plus grands employeurs et exportateurs d’Allemagne.

‘Trop confiants’

“L’industrie automobile est sans conteste un important pilier de l’économie allemande dont dépendent plusieurs centaine de milliers d’emplois et c’est pourquoi les responsables politiques prêtaient toujours une oreille attentive à ses intérêts”, a rappelé la ministre devant la presse.

Mais “la proximité entre responsables politiques et industrie a été trop grande dans le passé et a conduit à ce que l’industrie automobile se sente, d’une certaine façon, trop confiante”, a jugé Mme Hendricks, membre SPD du gouvernement de coalition entre les sociaux-démocrates et les conservateurs de la chancelière Angela Merkel.

Cette mise au point intervient près de deux ans après qu’il eut été révélé, en septembre 2015, que le groupe Volkswagen (marques Porsche, Seat, Audi, etc) avait installé sur 11 millions de ses véhicules diesel dans le monde un logiciel lui permettant de les faire passer pour moins polluants qu’ils n’étaient vraiment.

Un scandale qui a coûté cher à Volkswagen, à la fois financièrement et en termes d’images. Il fait boule de neige dans l’ensemble du secteur.

Dans plusieurs pays, des constructeurs font l’objet d’enquêtes ou de poursuites judiciaires et sont sommés par investisseurs et clients de rendre des comptes.

Toujours prompt à batailler pour défendre les intérêts de ses constructeurs en Chine ou dans l’UE – Angela Merkel l’a fait pendant des années pour limiter les contraintes environnementales -, Berlin a dernièrement semblé prendre ses distances dans le sillage du scandale du diesel.

“Une voiture Made in Germany avait jadis une bonne réputation, mondialement”, regrette l’hebdomadaire Die Zeit, qui craint une perte de vitesse de l’industrie automobile allemande si rien n’est fait.

La pression sur le gouvernement Merkel s’est encore accentuée avec les informations du magazine Spiegel de vendredi, selon lesquelles les constructeurs allemands ont eu pendant plus de 20 ans des réunions secrètes pour s’accorder sur nombre d’aspects techniques de leurs voitures, lésant ainsi potentiellement consommateurs et sous-traitants et jetant les bases de la tricherie sur les émissions polluantes.

Dans la foulée, les Verts ont exigé, sans succès, le départ du ministre des Transports (CSU), Alexander Dobrindt, l’accusant d’avoir fermé les yeux.

A moins de deux mois des élections législatives allemandes du 24 septembre, le dossier est à la fois prioritaire et extrêmement sensible.

Sommet sur le diesel

Pris en tenaille entre le souci de ne pas porter ombrage à l’industrie automobile, vitale pour leur pays, et leurs obligations en matière de santé publique, Mme Hendricks et M. Dobrindt ont invité constructeurs et pouvoirs publics à un “forum national sur le diesel” le 2 août.

Les participants espèrent en ressortir avec des solutions concrètes et uniformes pour réduire les émissions d’oxydes d’azote en Allemagne, où plusieurs villes réfléchissent à interdire à la circulation les véhicules roulant au gazole les jours de forte pollution, et que les consommateurs se détournent du diesel.

Le bras de fer a commencé. La ministre de l’Environnement a jugé que les interdictions de circulation, redoutées par les constructeurs, pouvaient être nécessaires malgré les signes de bonne volonté de l’industrie automobile.

Volkswagen s’est dit prêt jeudi à améliorer près d’un million de voitures diesel supplémentaires en Allemagne, dont des Porsche, afin d’en réduire les émissions polluantes.

Sa marque Audi veut rappeler jusqu’à 850.000 véhicules diesel en Europe. Daimler va étendre une mesure de rappel à plus de trois millions de véhicules diesel Mercedes-Benz sur le Vieux continent tandis que BMW est prêt à corriger 50% de sa flotte diesel Euro-5 en Allemagne, soit environ 350.000 véhicules.

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