ArcelorMittal: le froid menacé

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La direction d’ArcelorMittal à Liège a annoncé lundi matin aux travailleurs qu’elle retirait son plan d’investissements pour la phase à froid à la suite de l’échec des négociations avec les syndicats.

La direction d’ArcelorMittal à Liège a décidé de retirer son plan d’investissements pour la phase à froid à la suite de l’échec des négociations avec les syndicats, a-t-elle annoncé lundi. “Malgré tous les efforts développés jusqu’à ce dimanche soir, un accord unanime n’a pas été trouvé sur la finalisation de la procédure Renault pour fin octobre”, écrit-elle dans un communiqué diffusé en interne.

“En conséquence et comme annoncé, le plan industriel mis sur la table par ArcelorMittal, soutenu par un plan d’investissements de 138 millions d’euros, a été retiré par le groupe ce lundi matin. La prise de commande pour les produits du fer-blanc a également été arrêtée.” La direction dit regretter cette décision, assurant avoir mis “toute son énergie pour tenter d’arriver à un accord permettant de consolider les outils restant dans la sidérurgie liégeoise, représentant plus de 2.000 emplois.”

La direction rapporte avoir proposé jeudi aux organisations syndicales de rouvrir la phase 1 de la loi Renault, après avoir constaté l’impossibilité d’avancer dans la procédure, “à la condition de pouvoir donner des réponses définitives au personnel pour fin octobre”. Un accord unanime n’a pu être trouvé. Face à “l’absence de volonté des représentants du personnel à travailler au sein du Groupe”, la direction a par conséquent informé qu’elle retirait sa proposition de plan industriel, et le plan d’investissement de 138 millions d’euros qui y était lié.

“Nous avons essayé, sans succès, durant presque un an d’avancer de façon constructive dans nos discussions avec les représentants du personnel durant une des crises les plus sévères de ces dernières années”, ajoute Bernard Dehut, CEO d’ArcelorMittal Liège. “Nous avons cherché à apporter des réponses aux membres de notre personnel qui se posent des questions légitimes sur leur situation, et à consacrer toute notre énergie à construire notre nouveau plan industriel qui consolide plus de 2.000 emplois.

Après presque 12 mois de discussion, nous aurions dû progresser de manière significative. Nous ne pouvons continuer comme ça, surtout dans le contexte économique actuel”. La direction précise que le caractère temporaire de l’arrêt de la phase à chaud représente un coût mensuel moyen de plus de 5 millions d’euros par mois. Sur les quatre derniers trimestres, l’entreprise a enregistré une perte opérationnelle de 427 millions d’euros.

“Ces menaces sont scandaleuses et inacceptables! “, martèle de son côté David Camerini, président de la délégation CSC chez ArcelorMittal. “Nous discutons de manière informelle avec la direction depuis jeudi. Elle nous demande de nous mettre d’accord sur un document que le siège de Luxembourg lui impose pour pouvoir entamer les négociations. On nous demande de trouver un accord avant de négocier, c’est du jamais vu! D’autant que les enjeux sont colossaux”, ajoute-t-il.

“Il s’agit d’une décision unilatérale et extrêmement brutale d’une direction arrogante, incompétente et totalement à la botte de Mittal”, dénonce pour sa part la FGTB. “Le principal obstacle des négociations était la date de la fin des discussions sur le plan social et le volet industriel. La direction, en désaccord avec les quatre organisations syndicales, a donc choisi la manière forte. Pour la FGTB Métal, cette rupture unilatérale est le début de la mise en oeuvre d’un plan caché au sein du groupe Mittal: la fermeture, à terme, de toutes les lignes du bassin, chaud et froid confondus.” Des assemblées générales sont organisées ce lundi pour expliquer la situation aux travailleurs.

Marcourt demande à la direction de faire connaître sa stratégie à long terme

Le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt, regrette l’attitude de la direction d’ArcelorMittal et demande à celle-ci de faire connaître sa stratégie à long terme, en réaction à l’annonce jeudi par la direction d’ArcelorMittal de retirer son plan d’investissement de 138 millions d’euros. Selon le ministre, la direction “mêle deux problèmes”: les modalités d’exercice de la procédure Renault et l’avenir de la sidérurgie.

“Je demande à toutes les parties et en particulier à la direction d’ArcelorMittal de prendre conscience de la situation dans laquelle est plongé l’ensemble des travailleurs. Je ne crois pas qu’en prenant en otage le packaging et certaines lignes du froid, cela permettra d’aborder la situation de manière équilibrée”, estime M. Marcourt, cité dans un communiqué.

Le ministre wallon de l’Economie demande également à la direction du groupe sidérurgique de faire connaître sa stratégie à long terme ainsi que son plan pour l’avenir du bassin liégeois.

“Même si nous sommes dans une situation économiquement difficile, il appartient au groupe de montrer cette stratégie”, poursuit Jean-Claude Marcourt, pour qui la décision d’arrêter la phase à chaud “relève de la seule responsabilité d’Arcelor Mittal qui doit démontrer non seulement sa capacité à pouvoir alimenter la ligne à froid de manière satisfaisante mais aussi en quoi les lignes à froid pourront être concurrentielles en s’appuyant sur un secteur de recherche fondé sur l’excellence.”

Marcourt indique enfin être “à la disposition de toutes les parties en ce compris la direction d’Arcelor Mittal, pour démontrer le souhait du bassin liégeois d’assurer sa pérennité”. Le gouvernement wallon examinera la situation lors d’une réunion qui se tiendra durant la semaine.

La FGTB a refusé de signer le document de la direction

Les Métallos de la FGTB et le SETCa ont refusé de signer le protocole d’accord proposé par la direction d’ArcelorMittal concernant la poursuite des négociations sur la fermeture de la phase à chaud. Les autres organisations syndicales, CNE et CSC, avaient accepté mais à contre-coeur, a-t-on appris auprès des différents syndicats.

Dans un communiqué, les Métallos de la FGTB dénoncent “l’incroyable violence du groupe Mittal à Liège” et précisent que le principal obstacle restant dans les négociations, menées durant tout le week-end, “était la date de la fin des discussions sur le plan social et le volet industriel”.

Les Métallos de la FGTB expliquent en outre, dans un tract distribué aux travailleurs, avoir refusé le texte proposé par la direction d’ArcelorMittal car le texte prévoyait la fin de la procédure Renault, “en ce compris les recours collectifs et individuels”; une date butoir, fixée au 31 octobre 2012, pour la clôture des négociations sociales et industrielles; l’impossibilité d’introduire des recours individuels contre le plan social qui sera conclu; ainsi que le lancement, dès cette semaine, des procédures d’arrêt “des batteries K1 et K2 ainsi que des cowpers”.

“Nous n’étions d’accord ni sur le fond ni sur la forme, mais signer ce document était pour nous la moins mauvaise position à adopter, le froid étant extrêmement menacé”, explique de son côté David Camerini, délégué CSC Métal. “Notre objectif est d’avoir au plus vite un plan industriel et un volet social.”

Dans un communiqué commun, les syndicats CSC Métal et CNE Liège expliquent également “ne pas vouloir jouer à la roulette russe avec l’avenir du bassin” et regretter amèrement ne pas avoir pu obtenir d’accord unanime. “Nous privilégions le dialogue social avec toutes les organisations syndicales autour de la table dans l’intérêt des travailleurs et des emplois qui en découlent”, concluent les syndicats chrétiens.

Le syndicat libéral a réagi pour sa part en refusant un “chantage intolérable” d’ArcelorMittal sur l’emploi. La CGSLB ajoute qu’elle procédera à l’évaluation de la situation et participera aux éventuelles actions décidées par le front commun syndical.

Trends.be, avec Belga

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