Paris ou Londres ? Le match des places financières relancé
La Bourse de Paris est-elle en passe de supplanter la Bourse de Londres ? Si l’écart se resserre grâce aux performances du secteur du luxe en France, la City reste dans l’ensemble la principale place financière en Europe malgré le Brexit.
Paris devant Londres, le vieux rêve de la finance française s’est matérialisé: selon les données de l’agence financière Bloomberg, la valeur des actions des entreprises cotées sur le marché de la capitale française a dépassé celle de la capitale britannique pour la première fois le 13 novembre.
L’annonce est un “beau symbole” d’une “réelle dynamique positive”, a salué auprès de l’AFP Jean-Charles Simon, délégué général de Paris Europlace, l’organisation chargée de promouvoir le marché parisien.
La chute de la livre depuis septembre, les difficultés des entreprises cotées à Londres et la forme des champions français, notamment les valeurs du luxe, ont contribué à inverser la tendance: en 2016, ce même indicateur de Bloomberg donnait une très nette avance à la place britannique. Mais les valorisations de Kering, Hermès, l’Oréal et LVMH, plus grosse capitalisation européenne, ont depuis explosé, grâce à la reprise post-Covid.
Au-delà des difficultés de l’économie britannique, notamment depuis le Brexit, s’ajoute “la constitution d’une alternative” financière en Europe continentale, défend auprès de l’AFP Stéphane Boujnah, le PDG d’Euronext, l’opérateur pan-européen qui gère notamment la Bourse de Paris.
Face au marché intégré que représentent les sept places d’Euronext, dont Milan, Amsterdam ou Dublin, “Londres n’est plus la place de cotation naturelle pour les sociétés en croissance” en Europe, a-t-il estimé.
Sollicité par l’AFP, LSE, l’opérateur londonien, n’a pas souhaité commenté l’information.
L’avantage de la place française n’a toutefois pas duré: Londres a repris sa place de numéro un, même si les deux valeurs se tiennent dans un mouchoir de poche: au 22 novembre, la capitalisation boursière agrégée des entreprises à Paris valait 2.822 milliards de dollars, contre 2.855 milliards de dollars de l’autre côté de la Manche selon l’indice de Bloomberg.
Mesurer l’attractivité
“Il ne faut pas exagérer le chiffre” et sa portée, nuance Eric Dor, directeur des Études économiques à l’école de commerce IESEG. Sur nombre de produits financiers, comme le marché des devises, des métaux précieux ou encore des dérivés, Londres conserve son aura mondiale, énumère-t-il.
Et même sur les actions uniquement, “dès qu’on introduit les certificats de dépôts”, qui permettent à une entreprise étrangère d’être cotée sur une autre place financière, le tableau est tout autre que celui de l’indice de Bloomberg, relève-t-il.
Selon les chiffres du spécialiste de données financières, Refinitiv, qui appartient au LSE, la capitalisation boursière totale de la place britannique à la mi-novembre s’élève ainsi à 6.200 milliards de dollars, contre 3.700 milliards pour la Bourse de Paris. “Ce qui a toujours fait la supériorité de Londres est d’être un centre financier mondial qui attire la cotation d’action étrangère”, explique M. Dor.
Parmi les atouts de la place de Paris, “le leadership dans la finance verte”, une branche très dynamique de la finance “avec des instances, des événements récurrents pour alimenter la réflexion”, note de son côté Catherine Karyotis, professeure de finance à Neoma Business School.
Selon le dernier classement du Global Financial Centres Index, une des références dans les salles de marché qui se base à la fois sur des questionnaires envoyés aux investisseurs et des données économiques des grandes institutions mondiales, en septembre 2022, Londres était la deuxième place financière au monde, loin derrière New-York mais à bonne distance de Hong Kong, troisième.
Paris, deuxième place européenne, ne se classait que dixième.
M. Dor note toutefois une “déperdition progressive” des parts de marché de la place de Londres sur de nombreux points. Dans ce même classement en septembre 2016, deux mois après le vote en faveur du Brexit, Londres dépassait New York d’une courte tête, alors que Paris n’était qu’à la 29e place derrière les Iles Caïmans.
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