Margin Call : l’avis d’un juge et d’un président

Fortement inspiré du crash boursier de l’automne 2008, le film “Margin Call” s’immisce avec délice dans les coulisses d’une banque d’investissement. Nous avons invité deux experts belges du terrain financier à une projection privée : le juge d’instruction Michel Claise et Vincent Van Dessel, patron de la Bourse de Bruxelles. Action !

Retrouvez l’interview complète de Michel Claise et Vincent Van Dessel dans le magazine Trends-Tendances daté du 26 janvier 2012.

C’est à une après-midi pas comme les autres que Trends-Tendances a convié le juge d’instruction Michel Claise et le président d’Euronext Brussels, Vincent Van Dessel. En clair : une projection privée du film Margin Call qui vient de sortir au cinéma et qui raconte les prémices de la crise financière de 2008 à travers les agissements plus ou moins troubles d’une bande de traders.

Pourquoi inviter les deux hommes à cette vision de presse et, surtout, à une interview croisée censée cautionner ou non la véracité (romancée) des faits exposés ? Avec 30 années d’expérience au compteur, le patron de la Bourse de Bruxelles est l’un des plus grands experts d’un marché en constante mutation. Quant à Michel Claise, son métier de juge d’instruction l’a finalement mené dans la lutte contre la criminalité en col blanc, un univers qu’il décrit volontiers dans ses romans – car l’homme est aussi écrivain – notamment dans son avant-dernier livre Le Forain, où il décortique, avec talent, les arcanes d’une fraude à la TVA.

Si son tout dernier roman policier, Larmes du crime, paru récemment aux éditions Luce Wilquin, s’intéresse cette fois au délicat dossier de la gestion de l’eau, Michel Claise n’en reste pas moins un observateur essentiel de la criminalité financière, tout comme Vincent Van Dessel, soumis lui aussi à cette problématique en terrain boursier.

Extinction des feux, projection du film et verdict à la sortie de la salle…

Vincent Van Dessel. J’ai bien aimé. Contrairement à Wall Street, qui était un film très orienté, celui-ci a l’avantage d’être, je trouve, beaucoup plus objectif.

Michel Claise. C’est son ambition, je pense…

V.V.D. Bon, le film simplifie sans doute un peu les choses, mais il met l’accent sur la psychologie des gens qui se retrouvent dans une situation inédite. En tout cas, il ne met pas en avant les grappilleurs d’argent. Il valorise le facteur humain de manière assez réaliste.

M.C. Dans tous les sens, d’ailleurs. Tant du côté positif que négatif…

V.V.D. Oui, tout à fait. Ce n’est pas unidirectionnel. Le film tient compte des sentiments de chacun, individuellement. Même le responsable du trading qui a donné ses ordres n’est pas un vilain, mais quelqu’un qui a tout simplement besoin d’argent. Pour quelle raison ? Ce n’est pas clair, mais il ne peut pas se permettre de se retirer…

M.C. C’est vraiment une tragédie grecque. Il y a une unité de temps, une unité de lieu et une unité d’intrigue avec les passions qui se confrontent par rapport à quelque chose qui leur tombe sur la tête. Et je trouve cela vraiment très bien balancé…

V.V.D. Oui, c’est exactement le mot : balancé ! Car même le grand patron qui doit sauver la firme est confronté à un dilemme. Quel choix doit-il faire ?

M.C. On en revient à la tragédie grecque ! C’est le choix…

V.V.D. C’est comme le choix du gouvernement au moment de l’affaire Fortis, au moment de l’affaire Dexia… Qu’est-ce qu’on fait ? On a dit à l’actionnaire : “Vous perdez tout”, mais on sauve les épargnants. C’est un choix, quitte à en subir un peu les conséquences en matière de confiance. Et donc, je pense que ce film est assez bon vu la manière dont il est “balancé”…

Trends-Tendances. Donc, vous recommanderiez ce Margin Call à votre entourage ?

M.C. La réponse est oui en ce qui me concerne.

V.V.D. Oui, moi aussi. Dans ce film, le monde qui nous est présenté est plus “microcosmique” que dans le film Wall Street, par exemple, qui montrait plus de rues et d’animation. Ici, justement, et c’est ce que j’ai apprécié, c’est que l’on ne voit quasi pas d’images du quartier des affaires.

Propos recueillis par Frédéric Brébant

Traders feutrés

Sorti ce 25 janvier dans les salles obscures, Margin Call aligne quelques jolies pointures à l’affiche parmi lesquelles on compte Demi Moore, Jeremy Irons et surtout l’excellent Kevin Spacey.

Intelligemment ficelé, le film n’est pas à proprement parler un thriller financier, même s’il entraîne le spectateur dans le tourbillon infernal des prémices de la grande crise boursière de l’automne 2008. En vedette : un jeune analyste financier (Zachary Quinto) qui découvre que sa banque risque le naufrage suite à des investissements périlleux et dont le constat implacable va ébranler toute sa hiérarchie. Suivra l’inéluctable dilemme : faut-il sauver l’intérêt général ou les intérêts personnels ?

Filmé quasi en huis clos, Margin Call n’a rien d’un Wall Street rutilant, mais exploite au contraire la voie feutrée de la nuit et de l’affrontement psychologique pour dévoiler, au grand public, les coulisses méconnues de tout un système financier. Un film subtil et prenant qui tranche avec les habituels effets tape-à-l’oeil du genre.

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