Les dessous du départ de Baudouin Prot

© Reuters

Le président de BNP Paribas devrait remettre sa démission vendredi. L’aboutissement d’un processus engagé depuis le début de l’été.

Ce n’était plus un secret : fortement marqué par la sanction historique imposée par la justice américaine à son groupe, une justice qui avait un moment voulu imposer sa démission, et affaibli en interne, Baudouin Prot, le président du conseil d’administration de BNP Paribas, était sur le départ.

Les choses se sont précipitées ces jours-ci, la démission de celui qui a été l’homme fort de la première banque française devrait être actée ce vendredi lors d’un conseil d’administration.

Ce départ est l’aboutissement d’un long processus engagée depuis le début de l’été.

Lorsqu’en juin de cette année, après huit mois de tractation, le groupe bancaire, dont la filiale suisse est coupable d’avoir effectué des transactions en dollars avec des pays placés sous embargo américain, se voit infliger une amende de 9 milliards de dollars et l’interdiction temporaire d’effectuer certaines compensations en dollars, c’est le séisme. Les difficiles négociations puis la lourdeur de l’amende laissent inévitablement des traces sur le management de BNP.

Pendant les mois qu’ont duré ces négociations, l’ambiance est délétère rue d’Antin, au QG de la banque. Non seulement on découvre les turpitudes des collègues de Genève, mais on s’inquiète réellement de l’avenir du groupe qui est un moment menacé de ne plus pouvoir avoir d’activité de compensation en dollars : un arrêt de mort pour une banque internationale.

Avant même que le couperet ne tombe, en interne, on cherche des coupables et le management de la banque de déchire. Certes, Georges Chodron de Courcel, numéro deux du groupe qui avait la haute main sur les activités de banque d’affaires de BNP Paribas et qui présidait le conseil de BNP Paribas Genève, est en première ligne, et les autorités américaines exigeront son départ.

Prot en première ligne

Mais la plupart des fautes commises par BNP l’ont été alors que Baudouin Prot était directeur général, entre 2003 et 2011. Une partie du clan de Jean-Laurent Bonnafé, successeur de Baudouin Prot et actuel directeur général du groupe, reproche à l’ancien patron d’avoir permis ces dérives. C’est d’autant plus dommageable que lors de la crise de 2008, tout le monde avait loué la résistance du modèle BNP Paribas. La banque était sans doute l’institution européenne à avoir le mieux maîtrisé ses risques. Une maîtrise qui avait procuré à BNP Paribas des atouts considérables, lui permettant notamment de mettre la main sur Fortis à un prix extrêmement avantageux. Les journalistes belges se souviennent encore aujourd’hui de l’intelligence de Baudouin Prot, homme à la fois chaleureux et redoutable stratège. Sous les ordres de Prot, BNP Paribas devient un géant, car l’acquisition de Fortis vient compléter d’autres, dont celles très importante de BNL en Italie. BNP Paribas devient la première banque de dépôts en Europe, et un des géants bancaire mondiaux. Sa taille de bilan est alors de 2.000 milliards d’euros, grosso modo le PIB de la France (elle s’est réduite aujourd’hui à 1.800 milliards environ, en réponse aux mesures réglementaires obligeant les banques à afficher des ratios financiers plus solides).

Et voilà que les turpitudes de la filiale de Genève, finançant notamment le Soudan, menacent ce bel édifice.

Mépris français

Toutefois, dans le clan de Baudouin Prot on estime aussi que si BNP est ébranlée, c’est parce que les négociations avec les Etats-Unis sur le sujet ont été menées de manière lamentable par l’équipe de Jean-Laurent Bonnafé : on a tardé bien trop longtemps avant de coopérer et l’on aurait fait montre d’un certain mépris à l’égard de la justice US ce qui, aux Etats-Unis, ne pardonne pas.

Baudouin Prot est fortement marqué par cette triste aventure et il souffre, dit-on, d’une sévère dépression.

C’est dans ce contexte que la banque française décide de lui trouver un successeur. La décision est prise à peu près au même moment que tombe l’amende de 9 milliards, en juin. Pendant l’été un groupe d’administrateurs de la banque va se réunir pour soupeser les options et trouver un nouveau président au groupe français. Le processus a donc abouti. Vendredi, le conseil devrait donc approuver le départ de Baudouin Prot et nommer Jean Lemierre à la présidence de BNP Paribas.

Pierre-Henri Thomas

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