Les “colombes” de la BCE devraient tenir les faucons en respect

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La Banque centrale européenne devrait calmer jeudi les spéculations sur un resserrement monétaire plus rapide que prévu, montrant que les “colombes” dominent encore le débat au sein de l’institution.

Tous les observateurs parient sur un maintien des taux directeurs au plus bas et sur la poursuite du vaste programme de rachats d’actifs – dit “QE” – à un rythme de 30 milliards d’euros par mois jusqu’en septembre, comme la BCE s’y est engagée à l’automne.

Mais derrière ces décisions, largement attendues, se joue en sourdine une bataille au sein du conseil des gouverneurs sur le calendrier de la future politique monétaire: quand faudra-t-il serrer la vis et cesser de soutenir l’économie ?

D’un côté, emmenées par le président de la BCE Mario Draghi, les “colombes” entendent garder un fort degré d’assouplissement monétaire tant que l’inflation ne paraîtra pas en mesure de rejoindre l’objectif de l’institution, légèrement inférieur à 2%, et que l’euro poursuivra sa hausse.

De l’autre, rangés derrière le patron de la Bundesbank Jens Weidmann, les “faucons” veulent resserrer plus vite les vannes du crédit, compte tenu des multiples signes de croissance soutenue en zone euro.

– Euro fort –

Si cette lutte anime chaque banque centrale, en général dans la discrétion, elle a filtré dans le compte rendu (“minutes”) de la dernière réunion de la BCE de décembre, semant le trouble sur les marchés.

Selon ce texte, la BCE pourrait communiquer “tôt dans l’année” son plan de sortie du QE, alors que M. Draghi n’avait rien laissé transparaître de tel lors de sa précédente conférence de presse du 14 décembre.

Les observateurs y ont aussitôt vu la patte des “faucons”, d’autant que plusieurs d’entre eux ont récemment plaidé pour accélérer l’abandon des rachats d’actifs et, derrière, programmer un premier relèvement des taux.

“La crédibilité de la BCE doit être préservée”, estime auprès de l’AFP Michel Martinez, chef économiste à la Société Générale, pour qui M. Draghi devrait “clarifier les choses” face à la presse à partir de 13H30 GMT.

Le banquier italien devrait savamment doser optimisme et prudence en soulignant “l’incertitude” liée entre autres à la remontée de la monnaie unique à son plus haut niveau depuis décembre 2014, soit au delà de 1,23 dollar mercredi.

Or un euro plus fort pèse sur la compétitivité des produits exportés tout en baissant les prix des produits importés, pesant mécaniquement sur une inflation déjà insuffisante.

– ‘Dans le marbre’ –

Et le problème n’est pas près de disparaître, puisque “l’euro pourrait continuer de montrer graduellement en raison de l’accélération de la croissance en Europe”, pronostiquait mercredi Alain Bokobza, responsable de l’allocation d’actifs à la Société Générale, à Francfort.

Autres préoccupations côté colombes, la faiblesse de l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) et la perspective des législatives de mars en Italie, pays fortement endetté qui a tout à craindre d’un rapide tour de vis monétaire.

Mais M. Draghi ne pourra ignorer les arguments des faucons, rivés à la solidité des données économiques récentes: l’indice composite des directeurs d’achat en zone euro a affiché mercredi son plus haut niveau depuis 2006, tandis que le taux de chômage est descendu à 8,7% en novembre, du jamais vu depuis janvier 2009.

La majorité des analystes s’attend donc à voir la BCE relever en mars sa prévision de croissance du PIB en zone euro pour l’année en cours, actuellement de 2,3%, prélude à des annonces sur ses futures décisions monétaires.

Une chose semble certaine, “la BCE voudra d’abord en terminer avec le QE, puis marquer une pause, enfin remonter ses taux. Cette séquence est gravée dans le marbre”, estime M. Bokobza. Tout l’enjeu des mois à venir portera sur la vitesse d’exécution de ce plan.

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