Le vice rapporte gros en Bourse… et la vertu ?

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Aux Etats-Unis, le sulfureux Vice Fund, qui investit dans le tabac, l’alcool, les casinos et l’armement, ne connaît pas la crise. En face, les fonds éthiques peuvent-il faire le poids ?

Le vice, ça paie. Surtout en temps de récession. C’est ce que prouvent les résultats du Vice Fund, qui a progressé de 4,2 % depuis le début de l’année, alors que le S&P 500 a chuté de 3,5 %.

Créé en 2002 par l’Américain Dan Ahrens, ce fonds investit dans quatre catégories de sin stocks : le tabac, l’alcool, l’armement et les jeux d’argent. Il est en quelque sorte l’opposé des “fonds éthiques”. Apparus aux Etats-Unis dans les années 1920, “ces fonds ont été conçus pour répondre aux valeurs morales des Quakers, rappelle Dominique Blanc, responsable recherche ISR chez Novethic. Ils excluaient donc les secteurs liés au tabac, à l’alcool, aux armes et à la pornographie.”

“Il y aura toujours une guerre quelque part”

Une erreur, selon Dan Ahrens, qui expliquait, à l’époque de la fondation du Vice Fund, que, “quel que soit l’état de l’économie, les gens n’arrêteront ni de boire, ni de fumer, ni de jouer”. Il n’y a qu’à demander confirmation au ministre des Finances russe, qui a encouragé mercredi ses concitoyens à consommer de la vodka et des cigarettes… Par ailleurs, “il y aura toujours une guerre quelque part, assurait-il. Et elle se fera avec des armes américaines.”

Surtout, les “actions du péché” offrent des retours sur investissement plus importants que les autres titres car leur mauvaise image tire leurs prix à la baisse. C’est ce que révèlent les chercheurs Marcin Kacperczyk et Harrison Hong dans une étude. En effet, une grosse partie des investisseurs institutionnels auraient des réticences à miser explicitement sur ce type de valeurs.

Attention : aussi cynique qu’il puisse paraître, Dan Ahrens ne manque pas complètement d’éthique. D’abord, il imprime ses prospectus sur du papier recyclé. Ensuite, s’il “pense que les gens doivent investir pour gagner de l’argent”, pas pour se donner bonne conscience, il n’exclut pas qu'”une fois qu’ils ont gagné de l’argent, ils peuvent en reverser aux bonnes oeuvres”.

En France, un tel fonds n’existe pas. Mais à voir les cours de Bourse des valeurs de l’armement ou des boissons alcoolisées, il faudrait peut-être songer à l’inventer. Alors que le Cac 40, l’indice vedette de la Bourse de Paris, a baissé de 9 % depuis janvier, l’action de Pernod Ricard est en hausse de 4 %, celle de Dassault Aviation de 14 %.

Gare à la tentation de trop généraliser, cependant. Dreamnex, le spécialiste du charme sur Internet, est en chute de 21 %.

L’investissement socialement responsable résiste

Reste à savoir si la vertu est aussi rémunératrice. Problème : la comparaison avec les fonds éthiques est difficile. Notamment en France, parce qu’il n’existe quasiment plus de fonds qui se définiraient uniquement par le choix de secteurs d’activité.

C’est plutôt l’investissement socialement responsable, l’ISR, qui est en vogue. La France compte 305 fonds de ce type, selon le recensement de Novethic. Ces produits, qui n’excluent pas forcément des secteurs en particulier, doivent avant tout répondre à certains critères, sociaux, environnementaux et de gouvernance. L’an dernier, les encours s’élevaient à 50,7 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 70 % en un an, selon l’enquête de l’institut de recherche. Parmi ces fonds ISR, 69 excluent en outre certains business jugés immoraux.

Chez Meeschaert Asset Management, qui a créé le premier fonds éthique de France en 1983, le tabac, l’alcool, l’armement et la pornographie sont bannis. L’un des produits, “Ethique et partage”, reverse une partie des frais ainsi que l’intégralité des dividendes au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Comment s’en sort-il ? Il est en baisse de 3,11 % depuis le début de l’année, ce qui signifie tout de même une surperformance par rapport à l’indice de référence des actions européennes, le MSCI euro, qui chute, lui, de 9,4 %.

Difficile, malgré tout, de tirer des conclusions sur la performance globale de l'”éthique” en général, puisque chaque fonds réussit plus ou moins bien, que ce soit en fonction du talent du gérant ou du secteur privilégié. Le cycle peut influer aussi. “Certains fonds dits thématiques, qui se concentrent par exemple sur l’énergie verte, ont tendance à surperformer en période de croissance mais à souffrir en temps de crise quand le crédit s’assèche”, prévient Dominique Blanc.

Laura Raim, L’Expansion.com

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