“La BCE fait preuve d’inventivité”, mais les États doivent prendre la relève

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Près de huit ans depuis le début de la crise, la politique monétaire de la BCE semble atteindre ses limites et les appels se multiplient pour que les Etats dépensent plus afin de relancer la croissance, estiment des analystes.

“La BCE fait preuve d’une inventivité galopante. Elle essaie de faire avec les moyens du bord, mais la redistribution de cette politique monétaire est inefficace”, constate Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermes, au lendemain des nouvelles mesures annoncées par son président Mario Draghi.

Prévisions de croissance abaissées, inflation quasi nulle attendue cette année: face à ces perspectives moroses, la BCE a sorti l’artillerie lourde pour éviter que la zone euro fasse une rechute, en abaissant encore davantage l’ensemble de ses taux directeurs, déjà au plus bas bas depuis plus d’un an.

Si son président Mario Draghi a dit qu’il pourrait aller plus loin, si cela s’avérait nécessaire, des économistes doutent qu’il dispose encore de munitions et appellent les Etats à prendre le relais en favorisant la demande.

L’OCDE a été la première à lancer ce message à la mi-février. Face à la dégradation des perspectives de l’économie mondiale, elle a appelé les pays développées, tout particulièrement l’Europe, à relancer la demande en augmentant la dépense publique.

“Les Etats peuvent actuellement emprunter à long terme à des taux d’intérêt très bas”, souligne l’organisation, constatant que de nombreux pays ont aujourd’hui de la marge pour renforcer la demande à travers la politique budgétaire”, a assuré Catherine Mann, la chef économiste de l’organisation internationale.

“La politique budgétaire est aujourd’hui restrictive dans la plupart des grandes économies”, a-t-elle regretté, jugeant que la politique d’austérité appliquée dans la zone euro depuis le début de la crise avait atteint ses limites et que les pays avec des excédents devaient maintenant soutenir la demande.

Emprunter à bas prix

Sur la même ligne, l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Paul Hubert plaide pour “une politique économique plus pertinente” qui “consisterait à utiliser la politique budgétaire” pour soutenir la demande et donner ainsi plus d’effets aux mesures de la BCE.

“D’autant plus que les conditions de financement des Etats sont à des niveaux historiquement faibles”, rappelle-t-il, donnant l’exemple de la France qui “gagne en 2016 de l’argent à s’endetter à moins de 4 ans”.

Le gouvernement français, dont le déficit budgétaire dépasse les 3% du pacte de responsabilité, ne s’est pas vraiment senti concerné par l’appel de l’OCDE, comme l’a indiqué une source de Bercy, et pointe du doigt l’Allemagne, dont les excédents ne respectent pas non plus les critères de Maastricht.

Le ministre français des Finances, Michel Sapin, l’a d’ailleurs rappelé jeudi. “Tout le monde (dans la zone euro) est déséquilibré et tout le monde a des efforts à faire”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse, soulignant que l’Allemagne avait également “des efforts à faire parce que son commerce extérieur est trop favorable, donc déséquilibré”.

“Il faudrait un petit plus de relance. C’est le moment”, convient M. Subran. L’Europe a certes lancé le Plan Juncker pour relancer l’investissement en Europe, mais “sa mise en oeuvre est décevante”, regrette le chef économiste d’Euler Hermes, qui attendait plus de ce projet.

Pour Olivier Garnier, chef économiste de la Société générale, la situation a déjà commencé à changer au sein de la zone euro. “La politique budgétaire n’est plus restrictive. Aujourd’hui, elle est devenue neutre, voire légèrement expansionniste”, assure-t-il.

A Shanghai, à la fin février, les ministres des Finances du G20 ont fait un premier pas et admis la nécessité de mettre en oeuvre la relance budgétaire, qui consiste pour les Etats à gonfler leurs dépenses publiques en vue de conforter l’activité.

Ce qui n’a pas empêché la Commission européenne d’épingler mardi la France, l’Italie, le Portugal, la Bulgarie et la Croatie, pour les déséquilibres “excessifs” de leurs économies.

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