Fortis : l’indemnisation des actionnaires est-elle compromise ?

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Le dernier espoir d’indemnisation des actionnaires de Fortis est de faire condamner l’Etat néerlandais, suite à son rachat à un prix jugé trop faible des actifs néerlandais du groupe. Mais La Haye évalue ces sociétés 30 % plus bas que leur prix d’achat. Mauvaise nouvelle pour les plaignants ?

Pierre Nothomb, partner chez Deminor, met en doute l’objectivité de l’Etat néerlandais : “Je ne sais pas si c’est de la mauvaise foi, mais je me méfie des déclarations d’une partie avant un procès.”

L’Etat néerlandais avait payé 16,8 milliards d’euros pour Fortis Bank, ABN Amro et les compagnies d’assurances de Fortis aux Pays-Bas. Or, d’autres évaluations situaient, en 2008, le prix de ces actifs à plus de 20 milliards d’euros.

Cet écart est à la base de procédures intentées ou envisagées contre l’Etat néerlandais. Deminor a ouvert le feu aux Pays-Bas, et l’avocat Mischaël Modrikamen prépare un recours en appel dans notre pays, où il réclame quelque 5 euros d’indemnité par action. Deminor et Modrikamen estiment que La Haye a forcé la main au groupe Fortis lors de la crise de liquidités de septembre-octobre 2008, car l’Etat néerlandais l’a menacé d’une mise sous tutelle, et aurait ainsi abusé de sa position pour obtenir des conditions de vente favorables.

Le rapport annuel du ministère néerlandais des Finances, publié en mai, contredit implicitement cette argumentation. Il évalue pour 2009 l’ensemble ABN Amro Fortis, en cours de fusion, à 9,3 milliards d’euros. Le ministre Jan Kees de Jager reconnaît que ces chiffres, inférieurs au prix d’acquisition, sont purement comptables et ne représentent pas la valeur de revente espérée.

Gerrit Zalm, patron d’ABN Amro Fortis, a néanmoins estimé que l’Etat aura du mal à récupérer ses billes via l’IPO projetée d’ici 2013. Pour retrouver son argent, il devrait tirer au moins 26 milliards d’euros de la vente de parts d’ABN Amro Fortis, soit le prix d’acquisition plus les sommes publiques injectées. “Obtenir ce montant sera difficile !”, a-t-il déclaré en début de semaine à la BNR, la radio néerlandaise.

Mischaël Modrikamen ne commente pas cette évaluation. Elle ne met pas en cause, selon lui, les chances de succès d’une action contre l’Etat néerlandais et ses conséquences financières : “L’indemnisation est indépendante de la valeur des actifs concernés. Seule compte la faute.” Et l’avocat d’illustrer ce principe : “Imaginez un cycliste qui fait une embardée sur une route. Pour l’éviter, une voiture quitte la chaussée et fait dérailler un train. Eh bien, le cycliste peut être considéré comme responsable du déraillement !”

Robert van Apeldoorn

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