Fortis : l’enquête néerlandaise “charge” lourdement les ex-patrons

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Les enquêteurs néerlandais chargés d’étudier le dossier Fortis n’ont rien trouvé à redire au rachat d’ABN Amro et au dépeçage de Fortis. Mais ils ont souligne nombre de manquements importants dans le chef de l’ancienne direction du holding, critiquant surtout la communication multiplement défaillante et le fait que Fortis était “à la dérive” pendant la période la plus difficile de son existence.

Les experts néerlandais ont remis leur rapport final, demandé par deux associations d’actionnaires néerlandais (VEB et ESG) dans le cadre de la conduite des affaires de l’ex-Fortis entre 2007 et 2008. Ce rapport est accessible au public pour consultation au greffe du tribunal d’Amsterdam (Ondernemingskamer), a annoncé mercredi Ageas dans un communiqué.

Les experts néerlandais avaient été mandatés pour enquêter sur l’acquisition d’ABN Amro par Fortis en octobre 2007, la publication d’informations par Fortis durant la période allant d’octobre 2007 à octobre 2008, et les événements de septembre et octobre 2008 qui ont conduit à la vente des actifs de Fortis aux Etats belge et néerlandais et à BNP Paribas, rappelle Ageas.

Les experts n’ont pas remis en cause les décisions prises dans le cadre de l’acquisition d’ABN Amro. “Ils concluent également que les événements de septembre et octobre 2008 ne peuvent être isolés de la crise financière générale d’une ampleur sans précédent et que les transactions avec les Etats belge et néerlandais et avec BNP Paribas constituaient probablement la meilleure issue possible dans les circonstances qui prévalaient”, affirme Ageas.

Fortis : le rapport du tribunal de commerce néerlandais pointe d’importants manquements

Le rapport du tribunal de commerce néerlandais concernant la saga Fortis n’est toutefois pas tendre avec les anciens patrons de la banque, puisqu’il critique surtout la communication défaillante à plusieurs reprises mais également le fait que Fortis était “à la dérive” pendant la majeure partie de la période la plus difficile de son existence.

Ce manquement serait dû au fait que le CEO de l’époque, Herman Verwilst, est tombé malade. “Cette maladie et cette sortie ont alors eu pour conséquence que Fortis était à la dérive pendant ce qu’on a considéré comme (le début) de la période la plus difficile de l’histoire de la banque”, ressort-il de ce rapport de près de 600 pages.

Après le vide laissé par Herman Verwilst, aucun conseil d’administration n’a été convoqué afin de remédier à la vacance du pouvoir. “Celle-ci, entre le 15 et le 26 septembre, ne peut être reprochée et imputable qu’à Fortis, poursuit le rapport. Contrairement à l’action forte qui était nécessaire pour réduire les risques que Fortis soit davantage plongée dans les difficultés, la banque, dans les jours qui ont précédé le 26 septembre 2008 et ce jour-là, a été peu efficace et a agi dans la panique et de manière incohérente.”

Le rapport pointe également du doigt le fait que Fortis “a erré sur le plan stratégique” concernant la possible vente d’Interparking, dans le cadre de la vente d’actifs pour le financement de la reprise d’ABN Amro.

Le rapport final se pose également des questions concernant le fait que le conseil d’administration de Fortis ne se soit pas réuni une seule fois entre le 1er août et le 26 septembre 2008, “juste dans la période où la confiance a rapidement disparu et au moment où Fortis s’est retrouvée dans une situation de plus en plus critique”.

“Aussi bien le conseil d’administration que le comité de direction de Fortis sont responsables”

La “communication extrêmement insuffisante” – mentionnée ailleurs dans le rapport comme “information erronée” – rapportée fin septembre 2008 n’est pas la seule fois où les trois enquêteurs mettent des points d’interrogation sur la communication de Fortis.

Ainsi, en septembre 2008, Fortis a “laissé une mauvaise impression auprès du public investisseur” en attendant de publier des informations sur un possible échec de la transaction avec Ping An (principalement la vente de 50 % de la gestion du patrimoine de Fortis).

Plus tôt dans l’année, en mai, une tendance est apparue “où Fortis continuait à faire des déclarations rassurantes sur la solvabilité alors que des informations internes étaient plus pressantes à cet égard”. En juin, “après des déclarations rassurantes sur la solvabilité et la politique de dividende, Fortis a dissimulé des informations d’importance substantielle, comme une présentation erronée des affaires au public. Les enquêteurs estiment ici qu’aussi bien le conseil d’administration que le comité de direction sont responsables.”

Fortis : une enquête d’un an et demi et qui a coûté 2,35 millions d’euros

Le tribunal de commerce néerlandais souligne cependant dans son rapport que Fortis n’est pas la seule institution financière à avoir rencontré des difficultés en 2008. Les fondements stratégiques de la reprise d’ABN Amro avaient une base solide et le prix, lors de l’annonce de 2007, n’était pas excessif.

L’enquête a duré près d’un an et demi. Les trois enquêteurs ont interrogé au total 42 personnes dont le Premier ministre de l’époque, Yves Leterme, les ministres belges et néerlandais des Finances du moment, Didier Reynders et Wouter Bos, ainsi que Louis Cheung, responsable de Ping An. Le montant du coût de base de l’enquête, initialement fixé à quelque 600.000 euros, a été plusieurs fois augmenté pour atteindre le montant final de 2,35 millions d’euros.

Fortis : “Le rapport des experts néerlandais confirme notre analyse !” (Deminor)

“Deminor conclut que le rapport des experts confirme son analyse, à savoir que Fortis a trompé ses investisseurs sur certains aspects matériels, dont son exposition aux subprimes, sa liquidité et sa solvabilité, ses engagements à ne pas lancer d’émissions d’actions dilutives et de maintenir sa politique de dividende, et les conséquences de l’acquisition d’ABN Amro”, souligne Deminor dans un communiqué de presse.

Le rapport est “très important pour la procédure introduite par les clients de Deminor contre Fortis en janvier 2010 devant le tribunal de commerce de Bruxelles”, conclut Deminor, qui précise qu’il attend toujours le rapport des experts désignés par le tribunal de commerce de Bruxelles.

Des actionnaires néerlandais travaillent à une action contre Fortis

L’association d’actionnaires néerlandais Vereniging van Effectenbezitters (VEB) prépare une demande de dédommagement à l’égard de Fortis, de l’actuel Ageas et des anciens administrateurs pour “tromperie systématique des investisseurs”, a-t-elle indiqué.

L’enquête du tribunal de commerce néerlandais a fourni un nombre “plus que suffisant d’exemples de non-gestion”, estime Jan Maarten Slagter, directeur de la VEB. L’association compte demander au tribunal de commerce d’Amsterdam de constater la non-gestion de l’administration de Fortis durant la période allant de la reprise d’ABN Amro au 3 octobre 2008.

Trends.be, avec Belga

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